Suisse. Soins à domicile, leur marchandisation et le statut des soignant·e·s comme des soigné·e·s

topelementPar Geneviève de Rham et Aris Martinelli

Lundi 3 novembre 2014, une action de solidarité avec le personnel d’aide et de soins à domicile du canton de Vaud s’est tenue à la place Saint-Laurent (Lausanne). Une vingtaine de personnes étaient présentes dont une dizaine de salariés du secteur. Elles dénonçaient l’introduction du système RAI – Resident Assessment Instrument-Home-Care (RAI-Domicile) – dans le secteur de l’aide et des soins à domicile [1]. Ce système informatisé implique le minutage des tâches et le contrôle des salarié·e·s sur leur place de travail, ce qui représente une dégradation des conditions de travail comme de la qualité du service offert par les professionnelles de la branche. Des militants syndicaux et politiques ont soutenu cette action. Le Mouvement pour le socialisme (MPS) était présent pour soutenir cette lutte des salarié·e·s du secteur de l’aide et des soins à domicile contre la dégradation de leurs conditions de travail. Cette contribution vise à éclairer certains éléments clés qui caractérisent ce secteur. (Réaction A l’Encontre)

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Depuis quelques années, le système de santé dans son ensemble connaît des transformations d’ampleur. L’aide et soins à domicile n’est pas épargné [1]. Dans le canton de Vaud, le personnel du secteur a été récemment confronté au déploiement du programme IRIS, acronyme d’Intégration du RAI (Resident Assessment Instrument). Il s’agit d’un dispositif élaboré aux États-Unis en 1983. Il implique le minutage des tâches et des prestations fournies par les salariés du secteur dans le but d’établir un plan de prise en charge individualisé. L’Association suisse des services d’aide et soins à domicile (ASSAD) a décidé d’adopter le RAI-Domicile pour toute la Suisse, ce qui représente un tournant pour ce secteur, notamment avec l’introduction d’outils mobiles de travail (tablettes) permettant la traçabilité de chaque prestation fournie par le personnel soignant ou auxiliaire. Le Tessin a été le premier canton à adopter ce système en 2001. Après une période test de 9 mois dans 10 CMS (Centre Médico Social) du Nord vaudois en 2012, ce système est entré en vigueur dans tout le canton de Vaud le 1er novembre 2014. L’introduction d’IRIS a des conséquences importantes sur les conditions de travail du personnel des soins à domicile – constitué presque exclusivement de femmes – ainsi que pour tout-e-s les usagers.

La «taylorisation des soins»

Dans ses traits essentiels, le système RAI-Domicile (voir note 1) est une procédure qui suit sur cinq étapes:

Les infirmières ou ergothérapeutes doivent procéder à une « évaluation globale et multidimensionnelle » de la personne. Il s’agit de remplir une grille appelée Minimum Data Set (MDS) pour établir l’état de santé et l’état fonctionnel de la personne au cours des 3 derniers jours. Cette tâche doit être accomplie en une heure maximum, dans un délai de sept jours ouvrables;

Un logiciel calcule des échelles de performance sur la base des données recueillies. Elles portent sur la quantité d’aide nécessaire, le niveau de dépression éventuel, les performances cognitives et les performances motrices. Le logiciel produit alors un tableau d’alarme qui est censé définir les risques du patient ainsi que les problèmes de santé. À chaque rubrique d’alarme – chutes, douleur, fragilité du système d’aide informelle, etc. – correspondent des rubriques du manuel RAI-Domicile Suisse recensant la description du problème ainsi que les stratégies d’interventions proposées… a priori (sic !) ;

Sur la base de ce tableau, les salarié·e·s définissent les objectifs de prise en charge et élaborent un plan d’intervention spécifique. Les prestations octroyées par la suite doivent répondre aux objectifs fixés et notifiés à l’aide du catalogue ;

Les prestations sont ensuite fournies par le personnel du Service de soins à domicile;

Puis elles sont évaluées selon les objectifs préétablis. L’évaluation peut être spécifiquement liée à un aspect ou peut comprendre l’ensemble de l’état de santé mesuré précédemment.

La méthode RAI: un graphique «indiscutable»... à décrypter su le terrain
La méthode RAI: un graphique «indiscutable»… à décrypter sur le terrain

Cette démarche est censée améliorer la qualité des soins. En réalité, elle pose quatre problèmes majeurs :

Cet outil intensifie fortement le travail dans ce secteur. Déjà en 2012, lors de la phase test du RAI des salariées de quelques CMS lausannois ont manifesté leur mécontentement. Elles dénonçaient une surcharge du travail ainsi que l’augmentation des cadences aboutissant à l’épuisement général. Interviewée par un journaliste du quotidien vaudois 24 heures, une infirmière affirmait: «J’ai l’impression d’avoir avalé un chronomètre […] À force de courir, les gens de l’équipe tombent malades, les burnout se multiplient…». Le rapport 2012 de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile (AVASAD) signale des «pics d’absentéisme inquiétants » chez le personnel des CMS lausannois [2]. Certain·e·s salarié·e·s ont même témoigné avoir été espionné·e·s à travers leurs propres tablettes, ce qui accentue une démarche de contrôle permanent sur leur travail, un degré d’autonomie tendant vers zéro, ce qui est le propre du travail industriel dans le textile et ce qui contre-productif du point de vue des soins qui nécessitent sans cesse un degré d’improvisation, donc d’autonomie. C’est une tendance en acte dans d’autres secteurs comme l’atteste par exemple l’introduction en 2011 du système Distrinova à La Poste visant à mécaniser le tri du courrier effectué par les facteurs en préparation de la tournée.

2° Cette intensification porte atteinte à la qualité des soins. La pression du minutage pousse les salariés du secteur à «vite faire». S’entretenir avec le patient sans réaliser des actes n’est plus possible. Il y a juste le temps de dire «bonjour» et de passer à une autre tâche, à un autre patient. De plus, si le principe de Service de soins à domicile à but non lucratif axé sur l’intégration de soins (soins octroyés sous la responsabilité d’un même prestataire) semble être garanti, le travail interdisciplinaire des équipes subit un basculement important. Ainsi, le minutage des tâches ne comprend pas de temps disponible pour que les intervenantes puissent échanger sur la situation de santé de leurs bénéficiaires, ce qui a des conséquences directes sur la détection des besoins que le logiciel n’aurait pas retenus. Le diagnostic de maladies telles que l’Alzheimer précoce ou un état de malaise général est plus compliqué, voire retardé. Ceci est d’autant plus probable que le patient n’a pas d’appui familial constant, ce qui est souvent le cas.

La majorité des professionnelles et des auxiliaires des soins à domicile travaillent à temps partiel (50 ou 60%) pour arriver à concilier leur activité professionnelle et leurs responsabilités familiales. La gestion informatisée des tâches à réaliser peut supprimer la régulation informelle dans l’organisation des horaires, qui se faisait au travers de discussions avec la responsable. L’horaire de travail «arrive tout prêt» sur la tablette et demander une modification devient toute une histoire. Un autre désavantage pour les salarié·e·s des CMS, c’est qu’au lieu de se retrouver le matin toutes ensemble, elles commencent directement leur journée au domicile du bénéficiaire à partir de l’horaire qui leur est parvenu. Elles perdent ainsi en contact avec les collègues.

4° L’enquête suisse sur la santé 2012 s’est concentrée en particulier sur les risques psycho-sociaux liés à l’organisation du travail. La présentation des résultats selon la branche d’activité met en évidence que dans le secteur santé, social et médico-social environ la moitié du personnel est soumis à une demande de travail élevée, avec une intensité élevée et une faible autonomie [3]. Près d’un·e salarié-e sur cinq ressent du stress la plupart du temps ou toujours. Le logiciel IRIS étend ces conditions de travail à risque pour la santé des salarié-e-s, aspect qui n’est pas pris en considération par les décideurs, mais qui est fortement ressenti par le personnel concerné.

Le marché des soins à domicile

Le secteur des soins à domicile est destiné à se développer en raison de besoins croissants. Cela s’explique par trois facteurs déterminant.

1° Le vieillissement de la population

Un premier élément est lié à la tendance générale au vieillissement de la population. Selon des études de l’Observatoire de la santé, en dépit d’une amélioration générale de l’état de santé, le nombre de personnes de plus de 65 ans ayant besoin d’aide ou de soins domestiques passera de 125’000 à 182’000 entre 2010 et 2030, en hausse de 46 %. Selon l’hypothèse retenue pour l’évolution de l’espérance de vie sans incapacité (4), les chiffres calculés pour 2030 varient : le nombre de personnes dépendantes atteint à peine 170’000 selon un scénario positif contre un plus de 230’000 pour un scénario dit négatif [5].

Les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS) attestent que depuis 2000, le nombre d’organisations de soins à domicile – y compris les infirmières indépendantes – a doublé en passant de 738 à 1’508 au niveau suisse alors que le nombre de patients est passé de 199’124 à 283’227 sur la même période, ce qui représente une augmentation d’environ 42%. Dans le canton de Vaud, le nombre de patients a augmenté de 38% en passant de 21’130 à 29’216 [6]. Aujourd’hui, on dénombre 53 Centres Médicaux Sociaux (CMS) publics et 32 entreprises privées actives dans ce canton. Ces chiffres sont révélateurs d’un besoin. S’y ajoute toute l’aide fournie par les proches aidantes (membres de la famille, très majoritairement des femmes). En 2013, il y a 170’000 personnes qui s’occupent d’un proche dépendant en Suisse. Elles ont travaillé l’équivalent de 64 millions d’heures pour un coût estimé à 3,5 milliards de francs. Dans le canton de Vaud, la contribution des proches aidantes est estimée à 50 heures hebdomadaires

L’entrée en EMS plus tardive

Aujourd’hui, l’admission des personnes âgées en EMS est retardée pour au moins trois raisons. Tout d’abord, la généralisation des soins à domicile permet de rester plus longtemps à la maison avant de devoir entrer en EMS. De plus, le niveau de coûts d’un séjour en EMS est beaucoup plus élevé pour les assurances et les finances publique que les services d’aide et soins à domicile (à cause du travail bénévole des proches aidantes). Enfin, il n’y a pas suffisamment de places disponibles dans les EMS, ce qui freine l’afflux de patients dans ces structures.

Une contre-tendance pourrait se manifester dans la mesure où les autorités veulent mener une politique de «mise au travail» des soi-disant « inactifs » (surtout personnes âgées et femmes), ce qui peut limiter à l’avenir la disponibilité de l’aide familiale.

3° La politique fédérale en matière de santé

Un deuxième élément concerne deux faits politiques d’ensemble. D’une part, le nouveau système de financement hospitalier en vigueur depuis le 1er janvier 2012 fait pression sur la durée des séjours hospitaliers. Les patients quittent plus rapidement l’hôpital, ce qui augmente le besoin de soins post-hospitaliers.

D’autre part, la révision partielle de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal) de 2010 en matière de financement des soins met sur pied d’égalité tous les fournisseurs. Chaque établissement hospitalier – public ou privé – bénéficie d’un financement de 55% par les cantons et 45% par les caisses maladies [6]. Cette mesure permet à des Services de soins à domicile privés de facturer leurs prestations selon les termes de la LAMal. Ces deux mécanismes renforcent la concurrence sur le marché des soins à domicile en ouvrant un boulevard aux entreprises privées.

Dans ce cadre, les entreprises privées de soins à domicile se développent. En 2010, il y avait 168 entreprises privées de soins à domicile en Suisse, elles sont aujourd’hui au moins 273. Or, les conditions de travail offertes par les entreprises privées sont beaucoup plus mauvaises [7]. De manière générale, on calcule que les frais de personnel pour un poste de travail fixe, à plein-temps, atteignent 91’337 francs dans une organisation à but non lucratif contre 52’831 francs dans une entreprise à but lucratif. De plus, la précarité des conditions de travail est fréquente : beaucoup de contrats de travail temporaires, non-indemnisation des trajets, des maladies ou des vacances.

Parmi ces entreprises, il y a la société américaine Home Instead qui emploie un millier de personnes en Suisse ou le regroupement de 27 sociétés privées formant l’Assistance à domicile pour la ville et la campagne SA qui regroupe plusieurs entreprises actives dans tout le pays. Ces entreprises mettent la pression pour échapper aux CCT du secteur… au moins là où elles existent. Deux stratégies ont jusqu’ici été mises en évidence par les syndicats actifs dans la branche. La première consiste à signer une sorte de « CCT du secteur privé » directement avec les associations du personnel. Celle-ci représente l’alternative aux contrats en vigueur dans le secteur public et fournit des conditions de travail beaucoup plus mauvaises. C’est la stratégie implémentée par Home Instead. La deuxième consiste à engager le personnel selon les conditions de la CCT des salariés temporaires en raison de l’existence de nombreux intérimaires dans le secteur ou d’autres CCT comme celle du personnel domestique [9]. C’est la stratégie de l’Assistance à domicile pour la ville et la campagne SA.

Pour une approche globale de la santé publique

L’introduction du système RAI renforce les mécanismes marchands dans le secteur d’aide et soins à domicile. Le minutage des tâches et le contrôle des salariés de la branche permettent de procéder à des comparaisons entre les entreprises du secteur en vue de mettre en concurrence les salariés et en favorisant l’essor du secteur privé qui gagnera davantage dans la course à la baisse de coûts…salariaux et dans une gestion «industrielle» des soins, avec la segmentation qui en découle.

Ces mécanismes sont favorisés par le contexte d’«austérité» générale décidée dans beaucoup de cantons suisses – sous la pression d’une défiscalisation massive pour les très grosses fortunes et les firmes – ce qui est une facette de la politique des «caisses vides» organisée au niveau fédéral par le biais de la troisième réforme de la fiscalité des entreprises, un «big bang» fiscal qui va engendrer une chute durable des ressources des collectivités publiques calculée à 3 milliards par an. Le canton de Vaud a déjà annoncé un manque à gagner de 400 millions de francs. La santé sera parmi les services touchés par cette pénurie planifiée des ressources. Actuellement, les services publics d’aide et soins à domicile représentent environ 80-90% du marché selon les cantons. Dans ce contexte, les subventions aux entreprises publiques du secteur – cantonales et communales – pourront être réduites davantage en favorisant l’essor du secteur privé. Pour les patients, le risque est réel de voir augmenter la part de financement à leur charge, d’autant plus qu’à l’heure actuelle le canton de Vaud prend en charge une grande partie des frais pour l’aide et les soins à domicile.

Face à ses décisions, marquées du sceau d’une politique de classe reflétant la naturalisation des inégalités sociales – l’exigence de ressources plus importante est un des points de départ pour mettre en place un projet de politique publique de la santé, qui peut se concrétiser selon deux axes.

Tout d’abord, une prise en charge solidaire des coûts de la santé pour faire face à l’augmentation des coûts et répondre aux besoins réels des personnes. L’augmentation des coûts – souvent évoqués quand il s’agit d’implanter des contre-réformes d’ampleur – n’est pas un fait mauvais en soi, car elle reflète le progrès économique et médical de notre société. Ce qui est important, c’est la prise en charge collective de ces coûts selon les moyens et les besoins de chacun par le biais d’impôts progressifs et de primes de caisse maladie calculées en fonction du revenu. Cela va à l’encontre du projet de réforme de la fiscalité des entreprises et de la LAMal telle qu’elle est aujourd’hui.

Encore une minute... svp
Encore une minute… svp

Ensuite, un système de santé public dont sont exclus les capitaux privés dans le secteur d’aide et soins à domicile ainsi que dans le secteur de la santé. Les objectifs d’un tel système devront être discutés démocratiquement par les personnes concernées: représentants des soignants, des patients, des collectivités publiques et des assurances sociales. C’est ainsi que le système de financement public pour des cliniques privées à but lucratif ainsi que des méthodes marchandes comme celui du RAI-Domicile peuvent être remis en cause. Cela dépendra de la capacité des partisans d’un système de santé public à dénoncer les méfaits de la marchandisation des soins, à construire des mobilisations nécessaires à un changement de cap et à proposer des objectifs concrets partagés par une majorité de «patients», de leur famille et du personnel soignant. La sensibilité se fait toujours plus grande par rapport au sort réservé à ceux et celles qui dépendent de ces soins pour maintenir un certain degré d’indépendance personnelle.

Un premier axe de mobilisation immédiate pourrait être de revendiquer que le RAI décompte, en plus des actes définis pour chaque bénéficiaire, du temps pour entretenir les relations avec eux, par exemple 15 minutes pour chaque bénéficiaire vu dans la journée. Une telle revendication se justifie au vu des risques psychosociaux relevés dans le secteur santé, social et médico-social : une demande de travail élevée, avec une intensité élevée et une faible autonomie. Elle pourrait trouver un écho important dans le personnel des soins à domicile et participer à construire un mouvement qui mette ainsi concrètement en question l’intensification du travail sous l’effet de la concurrence dans le secteur de la santé. (7 novembre 2014)

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[1] Quand on parle d’aide et soins à domicile, on entend toutes sortes de prestations d’aide et de soins extra-hospitaliers visant au maintien à domicile du patient. Celles-ci sont fournies au niveau suisse par plus de 1500 de Centres médico-sociaux (CMS), des organisations privées et des infirmiers/ères (surtout des femmes) indépendant-e-s. Le personnel des soins à domicile regroupe principalement les infirmières, les assistantes sociales, les ergothérapeutes et les auxiliaires de santé. Selon les dernières données, environ 41’700 salariés travaillent dans ce secteur en Suisse. La réalité de ce secteur est beaucoup plus complexe. Le personnel « sans-papiers », sans droits et payé au noir, constitue un bassin de main-d’œuvre fort important dans ce secteur. Des études estiment à 35’000-50’000 le nombre de femmes sans-papiers et à des centaines les femmes ressortissantes des pays de l’UE (Pologne, Slovénie, Allemagne, etc.) assurant les tâches d’aide et soins à domicile en Suisse, souvent directement au domicile du bénéficiaire. Dans le canton de Vaud, le nombre des salariés du secteur atteint 2’572 équivalent plein-temps. Selon les données de l’OFS, 3% de la population fait appel aux services d’aide et de soins à domicile. Ce pourcentage atteint 10% parmi les personnes de 75 à 84 ans et de 29% parmi celles de 85 ans et plus. Toutefois, la tendance est que de plus en plus des personnes vont recourir à ce type de service suite à une hospitalisation de plus en plus courte en raison du nouveau système de financement des hôpitaux. Une description attractive de la méthode RAI à domicile est donnée par un article publié dans la Revue médicale suisse, No.316, du 9 novembre 2011. Cet article a une parenté étroite avec les études naïves présentant la «logique des avantages» des DRG (Diagnostic Related Groups – Groupe homogène de diagnostic) extrayant ces méthodes d’évaluation standardisée de leur contexte. Un contexte «d’exigence économique» (comptable en fait) qui les contraint à s’inscrire dans une «industrialisation» des soins sur la base d’une homogénéité qui ne peut exister dans les actes singuliers de rapports aux malades (dans ses déclinaisons multiples) – qui ne sont pas des clients modélisés d’un guichet de poste, et là aussi les différences s’expriment dans les besoins et leurs expressions: selon l’âge, l’usage de la langue, etc. – et qui en fait un instrument d’une «réforme des soins» tendant non seulement à sa marchandisation, mais à la multiplication de «cliniques sous-traitantes», spécialisées et privées, perdant la dimension holistique d’un rapport soignant-soigné qui exige que ces deux entités soient considérées à partit de leurs besoins et donc de leurs droits. L’article cité de la Revue médicale suisse se trouve contraint de reconnaître un problème: «Comme pour toute évaluation globale, l’utilisation de la méthode RAI nécessite un investissement majeur de la part des professionnels et implique un effort de formation initiale important si l’on veut obtenir les meilleures garanties de qualité.» L’article de Stéfanie Monod et al. est disponible à l’adresse suivante : http://rms.medhyg.ch/numero-316-page-2176.htm

[2] L’article est disponible à l’adresse suivante : http://www.24heures.ch/vaud-regions/lausanne-region/Les-professionnels-de-soins-a-domicile-se-revoltent/story/16217686

[3] Office fédéral de la statistique (OFS), Travail et santé. Résultats de l’enquête suisse sur la santé 2012, Neuchâtel, août 2014, p. 18-19.

[4] Espérance de vie sans incapacité est le nombre d’années que l’on peut espérer vivre sans incapacité – compte tenu des conditions sanitaires du moment. Les incapacités comprennent des limitations fonctionnelles (par exemple, trouble de la vision dans le cas d’une altération de la rétine)  et les restrictions d’activités (par exemple impossibilité de conduire un véhicule). Les conséquences des limitations fonctionnelles en termes des restrictions d’activité varient avec l’environnement et les ressources personnelles. La compensation ou l’adaptation de l’environnement domestique ou professionnel peuvent pallier les limitations fonctionnelles pour permettre la poursuite normale des activités et éviter ainsi le désavantage et la dépendance. Ce terme renvoie à une situation dans laquelle les personnes dépendent de quelqu’un ou de quelques chose pour assurer leur bien-être, leur santé, voire leur survie.

[4] François Höpflinger, Lucy Bayer-Oglesby et Andrea Zumbrunn, La dépendance des personnes âgées et les soins de longue durée. Scénarios actualisés pour la Suisse, 2011, Hans Huber, p. 10.

[5] Voir Tableau synthétique santé,  Statistique Vaud (consulté le 2 novembre 2014).

[6] Sur ces points, voir les articles de Benoit Blanc publiés sur le site alencontre.org sur l’onglet «Suisse». En particulier : http://alencontre.org/suisse/suisse-le-nouveau-financement-hospitalier-creuse-son-sillon.html

[7] Pour les éléments qui suivent cf. Beat Ringger, Aide et soins à domicile en Suisse. État de lieux, mars 2013, SSP-VPOD.

[8] Nous pouvons aussi citer à titre d’exemple le cas du Tessin où le Service d’aide et de soins à domicile d’intérêt public de la région de Lugano (SCUDO) s’est retiré de la CCT du personnel d’aide et de soins à domicile en avril 2014. Cette même pratique a été suivie par l’Association d’aide et soins à domicile de Locarno et la Vallée de Maggia (ALVAD). Le Contrat normal de référence va être celui du personnel domestique qui assure un salaire mensuel de 2’970 francs tandis qu’avec la CCT du secteur le salaire minimum mensuel pour le personnel non qualifié est d’environ 3’600 francs! Dans le cas du canton de Vaud, le Conseil d’Etat par la main du chef de la santé, le « camarade » Pierre-Yves Maillard, a adopté le 25 septembre 2013 un règlement sur les conditions de travail applicables au personnel exerçant dans des établissements sanitaires reconnus d’intérêt public et des organisations de soins à domicile admises à pratiquer à charge de l’assurance obligatoire des soins (RCTr). Ceci est une sorte de «CCT pour le secteur privée» qui ne reprend que deux des dispositions prévues par le contenu de la CCT santé en matière de conditions de salaire: les dispositions liées à la rémunération et celles concernant la formation continue et le développement des compétences. Les syndicats actifs dans la branche dénoncent, à juste titre, des risques de dumping salarial et social, car ce règlement contient des dispositions favorisant la précarité dans le secteur (non obligation de mentionner le taux d’activité, possibilité de prolonger trois fois les contrats à durée déterminée , absence de protection pour les salariés qui dénoncent des cas de maltraitance ou des soins dangereux, etc.) ainsi que d’autres conditions de travail importantes telles que les délais de congé adéquats.

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