En première page du Corriere del Ticino, le 3 avril 2008, on trouvait une photographie de la manifestation qui a réuni des milliers de personnes sur la piazza Governo. Le titre: Giu le mani dal Ticino (bas les pattes du Tessin !). Autrement dit, une reprise du mot d’ordre «bas les pattes des Ateliers mécaniques CFF de Bellinzone» (Officine).
En pages 20 et 21, on trouve un dossier sur cette manifestation de soutien aux Officine et, plus largement, à l’emploi public.
Gianni Frizzo, président et porte-parole du comité de grève, est intervenu en élargissant le propos. Il a déclaré: «Il y a ici de simples personnes qui reconnaissent la souffrance d’autres, qui enseignent à leurs propres fils la dignité, des valeurs qui sont vraiment importantes dans la vie. Mais il y a des hommes qui servent uniquement le Dieu Argent. Pour équilibrer le tout, nous comptons sur les politiques. Ce qui se passe dans les chemins de fer et l’énième injustice. Les Officine [la lutte des Officine] ont fait que de simples personnes reprennent en main leur propre destin. C’est un beau signal d’espoir.»
Le quotidien le Corriere del Ticino indique que tout le monde a applaudi avec force et que les cris «bravo !» ont fusé de partout. Il était déjà 18 heures et la manifestation avait commencé dès 16h30. Les organisateurs ont demandé si les participant·e·s étaient prêts à écouter d’autres interventions – de nombreuses avaient précédé celle de Gianni Frizzo – et, unanimement, un «oui» a été crié. C’est alors que sont intervenus, entre autres, Angelo Zanetti (du syndicat de la Communication) qui a développé le lien entre la lutte des Ateliers mécaniques, la politique de la direction des CFF et celle mise en œuvre dans La Poste. Autrement dit, la lutte des travailleurs des Officine apparaît comme un pôle de référence pour d’autres secteurs.
Un employé des Officine, David Simonetta, a insisté sur le fait que l’appui reçu précédemment et, entre autres, ce 2 avril (jour de la manifestation) traduisait la compréhension publique que le démantèlement des Officine portait atteinte à la réalité sociale de la Suisse italienne.
Cela renvoie à une discussion diffusée par les médias, particulièrement en Suisse alémanique. Ils reprennent le thème suivant: une politique régionale ne peut pas être menée par les CFF.
Une question se pose immédiatement: est-ce que la seule politique industrielle et sociale régionale doit être menée par le capital privé, avec ses intérêts spatiaux, de réseaux, et ses caractéristiques régionales ? Est-ce que la politique régionale doit être faite selon le modèle qui a conduit au développement du super hub (aéroport) de Zurich, Unique ? Ce modèle n’est autre que celui qui était anticipé par les intérêts spécifiques d’une fraction forte des capitalistes de la région zurichoise, anticipation largement erronée. Raison pour laquelle le projet a simplement échoué ; les anticipations liées à la saisie des signaux donnés par le marché relèvent de la supercherie en ce domaine. Il y avait une décision d’intérêts capitalistiques avec ses dimensions politiques. La décision était simplement mal agencée et étroitement déterminée par des avantages particularistes (une vision de la concurrence entre la place financière zurichoise et celle de Francfort, sans comprendre les rapports de forces).
Unique sert donc aujourd’hui les intérêts de Lufthansa, propriétaire de Swiss. Et, surtout, le capital allemand, ayant son centre de gravité dans la région de Francfort et de Munich, a pu économiser des investissements dans un agrandissement du hub de Francfort, en utilisant Unique – même que partiellement terminé – comme filiale de Francfort. La fraction des capitalistes de la région zurichoise – qui représente les diamants de la couronne du capital financier helvétique – a financé, en dernière instance, le capital allemand. Cela semble plus acceptable que développer une politique publique et industrielle régionale, du côté sud des Alpes !
Les médias et experts qui parlent d’impossibilité de politiques régionales par les CFF devraient d’abord regarder la poutre dans leur vision, avant de s’exclamer face à ce qu’ils croient être une myopie des travailleuses et travailleurs tessinois. En effet, ces derniers ne sont pas du tout myopes, ils voient simplement clair ; ils comprennent ce que signifie la politique du capital. Dans une grève, dans les échanges d’arguments que cela exige, toute l’intelligence est mobilisée sur un large éventail de thèmes.
Le jeudi 3 avril 2008, les travailleurs ont remis, à Marco Solari, qui a reçu mandat de Moritz Leuenberger, un document qui répète leurs exigences initiales, afin d’ouvrir une discussion effective avec la direction des CFF. En 24 heures, l’initiative lancée pour la création d’un «pôle technologique et industriel du secteur des transports publics» a déjà réuni 5000 signatures (voir sur ce même site, le texte d’initiative). Il ne fait aucun doute que cette initiative aboutira avec plus de 10’000 signatures mardi prochain.
Ce samedi, une rencontre a eu lieu, sur demande de Moritz Leuenberger. Elle s’est tenue à 14h00 à l’Hotel Bernerhof à Berne. Comme l’a dit Gianni Frizzo, il ne s’agit pas «pour l’heure, de négociations ou d’une table ronde.» (Corriere del Ticino, 4 avril 2008). Selon les nouvelles données le samedi 5 avril à 17h30, la représentation des grévistes, par le biais de son porte-parole élu Gianni Frizzo, a simplement indiqué que, le lundi 7 avril, l’ensemble des travailleurs des Ateliers mécaniques de Bellinzone sera consulté. Il y a peu de doutes que la bataille «d’informations» va être orchestrée par diverses «autorités» dans la presse du dimanche et dans les médias électroniques.
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