Gaza-Israël. Des prisonniers palestiniens torturés et filmés

Civils palestiniens mis en ligne par l’armée israélienne à Gaza en décembre 2023. (Photo: Post d’un soldat israélien sur les réseaux sociaux)

Par Brett Wilkins

Des officiers des Forces de défense israéliennes (FDI) ont fait entrer des civils israéliens dans des centres de détention et leur ont permis de regarder et de filmer des prisonniers palestiniens torturés, selon des témoignages de survivants publiés cette semaine par l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme (Euro-Mediterranean Human Rights Monitor), basé à Genève.

Les prisonniers détenus dans les centres de détention de Zikim, à la frontière nord de la bande de Gaza, et dans un site du sud d’Israël rattaché à la prison de Naqab (Néguev) «ont déclaré à Euro-Med Monitor que les soldats israéliens les avaient délibérément exhibés devant des civils israéliens, en prétendant faussement qu’ils étaient des combattants affiliés à des factions armées palestiniennes et qu’ils avaient participé à l’attaque du 7 octobre contre des villes israéliennes», selon les témoignages.

Les anciens détenus ont déclaré que des groupes de 10 à 20 civils israéliens étaient amenés et autorisés à enregistrer les séances de torture au cours desquelles les hommes, presque nus, étaient frappés avec des matraques métalliques, électrocutés et recevaient de l’eau chaude sur la tête. Les ex-prisonniers ont déclaré que certains Israéliens riaient en filmant leurs tortures.

«J’ai été arrêté au poste de contrôle installé près du rond-point du Koweït, qui sépare la ville de Gaza de la région centrale, dans le cadre des campagnes israéliennes d’arrestations aléatoires. J’ai été soumis à tous les types de torture et d’abus pendant environ 52 jours», a déclaré Omar Abu Mudallala, 43 ans, à Euro-Med Monitor, ajoutant que ses ravisseurs des FDI «ont amené des civils israéliens pour regarder nos tortures, dénudés».

Abu Mudallala a poursuivi: «L’armée israélienne a fait entrer un certain nombre de civils israéliens dans les centres où nous étions détenus tout en nous battant et en leur disant: “Ce sont des terroristes du Hamas qui vous ont tués et qui ont violé vos femmes le 7 octobre”, tandis que les civils israéliens nous filmaient en train d’être battus, maltraités et torturés, tout en se moquant de nous. Cela s’est produit cinq fois pendant ma détention. La première fois, c’était à Barkasat Zikim, où nous avions les yeux bandés. Cependant, l’un des détenus qui parle hébreu nous a dit que les soldats interagissaient avec des civils israéliens en prétendant que nous étions des combattants armés. Les quatre autres incidents ont eu lieu dans le centre de détention du Néguev, où des groupes israéliens successifs ont été emmenés à l’intérieur de tentes pour assister à nos mauvais traitements et enregistrer les méthodes de torture auxquelles nous avons été soumis sans nous permettre de parler ou d’interagir avec eux. Comme nous ne portions pas de bandeau sur les yeux à ce moment-là, je les ai vus quatre fois de mes propres yeux.»

Abu Mudallala ajoute: «L’un des détenus qui parle hébreu a tenté d’expliquer aux civils israéliens que nous étions des civils et que nous n’avions rien à voir avec les activités militaires, mais cela n’a pas aidé. Il a toutefois été soumis à de graves tortures psychologiques et physiques. C’était vraiment scandaleux de faire venir des citoyens israéliens pour observer nos tortures au prétexte que nous étions prétendument impliqués dans des meurtres et des viols.»

Un autre ancien prisonnier, identifié seulement comme D.H., 42 ans, a déclaré à Euro-Med Monitor que «des civils israéliens ont été conviés pour être témoins des abus et des tortures que nous avons subis, que l’armée a délibérément commencé lorsqu’ils étaient présents. Ces Israéliens amenaient parfois leurs chiens avec eux pour qu’ils aboient sur nous. Ils ont également pris des photos de nous et les ont postées sur des applications de médias sociaux, en particulier TikTok. Les soldats faisaient de même.»

Euro-Med Monitor affirme que «la grande majorité des personnes arrêtées dans la bande de Gaza ont été soumises à une détention arbitraire sans être inculpées ou traduites en justice, sans qu’aucune mesure légale ne soit prise contre eux. Elles n’ont pas droit à un procès équitable et sont soumises à des disparitions forcées, à la torture et à des traitements inhumains. Les pratiques israéliennes contre des détenus palestiniens constituent des violations flagrantes des conventions et normes internationales, en particulier de la Quatrième Convention de Genève de 1949, qui interdit à une autorité occupante de transférer des prisonniers du territoire occupé vers des centres de détention situés sur son territoire, ainsi que de torturer, d’agresser ou de dégrader de toute autre manière la dignité humaine des personnes détenues.»

Les forces israéliennes, qui torturent depuis longtemps les prisonniers palestiniens, ont été accusées, au cours de la guerre actuelle contre Gaza, de torturer des détenus civils avant de les exécuter [1]. Des photos et des vidéos de soldats israéliens maltraitant des Palestiniens, vivants ou morts, ont été publiées par les auteurs de ces actes sur les réseaux sociaux. Les défenseurs des droits de l’homme considèrent que ces images et la fierté qu’elles suscitent sont la preuve du génocide israélien dans une guerre au cours de laquelle plus de 100 000 Palestiniens ont été tués, blessés, mutilés ou portés disparus.

Le mois dernier, la Cour internationale de justice a estimé, dans une décision préliminaire, qu’Israël commettait «vraisemblablement» un génocide à Gaza, tout en ordonnant aux forces israéliennes de «prendre toutes les mesures» pour éviter de perpétrer des actes génocidaires. (Article publié sur le site Common Dreams, le 13 février 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

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[1] Clothilde Mraffko, dans Le Monde daté du 17 février, écrit: «L’hôpital Nasser de Khan Younès a été touché par des tirs d’obus tôt ce matin, alors que l’armée israélienne avait annoncé au personnel médical et aux patients qu’ils pouvaient rester dans l’hôpital», a rapporté sur X l’ONG Médecins dans frontières (MSF).» La journaliste poursuit ainsi: «Le message “sortez animaux!” a d’abord été diffusé en arabe avec un mégaphone. Le journaliste Mohammed Al-Helou raconte que les soldats ont ensuite envoyé un jeune Palestinien qu’ils détenaient relayer leur ordre auprès des quelque 10’000 déplacés ainsi que des centaines de patients et de soignants présents dans l’hôpital. Une vidéo montre ce jeune homme, en combinaison blanche de protection, hagard, les mains liées et un bandeau sur la tête, argumentant avec des déplacés. Quand il est revenu vers les soldats, comme ceux-ci le lui avaient ordonné, “ils l’ont exécuté de sans-froid, de trois balles, à l’intérieur de l’enceinte du complexe”, explique Mohammed Al-Helou sur Instragram.» (Réd.)

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