Iran. Un salaire minimum de 250 euros en 2024, c’est toujours plus de pauvreté et de misère

Déclaration de Vahed: Syndicat des travailleurs/euses de la compagnie d’autobus de Téhéran et sa banlieue

D’après la résolution du Conseil suprême du travail, le salaire minimum augmenterait de 35,3% entre 2023 et 2024. Selon Sulat Mortazavi, le ministre des Coopératives, du Travail et de l’Etat social [depuis le 19 octobre 2022 – dans le gouvernement Ebrahim Raïssi], la rémunération minimum d’ensemble sera de 250 euros par mois en 2024.

Les soi-disant représentants des salarié·e·s au Conseil suprême du travail affirment que cette augmentation du salaire minimum a été validée sans leur signature. Alors que ces «représentants syndicaux» avaient admis que pour faire face au «coût de la vie» 514 euros par mois étaient nécessaires, ils avaient néanmoins proposé pour 2024 un salaire minimum mensuel de 382 euros, soit 25% inférieur.

Le résultat est que, malgré l’inflation galopante et l’augmentation astronomique du coût de la vie, même 670 à 900 euros ne suffisent plus pour une famille de quatre personnes. Des millions de travailleurs doivent vivre avec des salaires trois fois inférieurs au seuil de pauvreté, ce qui n’est en aucun cas soutenable.

Le salaire minimum est déterminé chaque année par le Conseil suprême du travail, qui se compose de 9 à 10 représentants du gouvernement, des employeurs et de soi-disant représentants des travailleurs.

Au nom de ce tripartisme et sous prétexte que les travailleurs participent à la détermination du coût de leurs moyens de subsistance, les décisions anti-ouvrières du gouvernement et des employeurs sont imposées aux salarié·e·s dans le cadre de ce dispositif. Celui-ci et ces délégués fantoches, privent les travailleurs/euses de toute possibilité de s’opposer à la décision du Conseil suprême du travail. Résultat, le système capitaliste est plus fort d’année en année, et les salarié·e·s plus pauvres. En fait, ce Conseil suprême du travail tire vers la ruine des millions de travailleurs et travailleuses au début de chaque année.

Pour nous, le Conseil suprême n’est rien d’autre qu’une institution mensongère. Dans ce Conseil, les personnes représentant les travailleurs/euses n’ont aucun pouvoir de négociation, ils n’y sont présents que pour cautionner des décisions imposées.

Même s’ils avaient un pouvoir de négociation, le vote final appartiendrait de toute façon à la majorité des membres: si les représentants du gouvernement (le plus grand employeur du pays) et les représentants des organisations patronales privées ainsi que la chambre de commerce s’entendent sur un faible pourcentage d’augmentation des salaires, l’avis des faux représentants du travail n’a aucune valeur. Néanmoins ce Conseil fixe à sa convenance le montant du salaire minimum et l’impose aux salarié·e·s au nom du principe du tripartisme.

Les «représentants du travail» n’ont aucun pouvoir indépendant. Le gouvernement et les autres employeurs savent très bien qu’ils n’ont pas le soutien du peuple et des travailleurs qu’ils sont censés représenter. Ces représentants sont entrés dans ce Conseil grâce à des pots-de-vin et avec le soutien total du système. Ils ne disposent en conséquence d’aucune indépendance envers celui-ci.

Ils ne veulent pas recourir au pouvoir des travailleurs/euses, qui est celui de la rue, des manifestations et des grèves, contre les décisions anti-ouvrières du Conseil suprême des travailleurs.

Par conséquent, le Conseil suprême fait traîner en longueur ses travaux principalement pour maintenir l’apparence de ces réunions, et finalement, dans les derniers moments de l’année, il annonce sa décision anti-ouvrière à la population.

Le Conseil agit ainsi dans le but de montrer à la population que les «représentants du travail» étaient tous présents lors de ces réunions pour défendre les droits des travailleurs, et que ceux-ci ont participé à la décision du pourcentage d’augmentation du salaire minimum. Le but de cette manœuvre est de mieux pouvoir réduire au silence les travailleurs/euses en cas de mobilisations dans la rue.

Reste à comprendre pourquoi des travailleurs et des dizaines de millions de familles de travailleurs laissent leur sort entre les mains de ces représentants.

Le syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue (Vahed) condamne la fixation du salaire minimum à 247 euros par mois.

Il la considère comme inacceptable, et comme une attaque éhontée contre la vie, le corps et l’âme des travailleurs/euses et de leurs familles.

La seule façon de faire face à cette attaque contre les moyens de subsistance et la vie des travailleurs/euses de notre pays est l’unité, la mobilisation et la constitution d’organisations indépendantes.

La solution, c’est l’unité et l’organisation des travailleurs/euses! (19 mars 2024)

(Déclaration publiée en français par Echo d’Iran, Bulletin d’information sur le mouvement ouvrier en Iran, avril 2024)

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«Défendons une augmentation générale des salaires, et contrecarrons les attaques anti-ouvrières du régime islamique et des employeurs»

Par Collectif unitaire*

L’augmentation des salaires est devenue une nécessité inévitable étant donné les conditions déplorables actuelles. Les salaires fixés par le régime islamique, via le ministère du Travail et les soi-disant représentants des salarié·e·s nommés par le pouvoir au sein du Conseil suprême du travail, ne permettent en aucun cas de couvrir les dépenses de subsistance de la classe ouvrière.

Depuis des années, les salarié·e· se mobilisent contre cette paupérisation généralisée et le dénuement dans lequel ils/elles se trouvent. Dans les usines, les ateliers, les centres chargés de l’éducation et des soins de santé, ainsi que dans la rue, ils/elles expriment leurs revendications et leur volonté de faire valoir leurs droits.

Les mobilisations hebdomadaires continuelles des retraité·e·s (qui forment une partie inséparable de la classe ouvrière), la grève de l’usine sidérurgique d’Isfahan, et celle de l’usine d’Ahwaz du groupe sidérurgique National Steel ces dernières semaines, sont des exemples de leurs mobilisations incessantes en faveur de leurs droits et le périmètre de leurs revendications.

Le principal objectif des travailleurs qui protestent est d’obtenir une augmentation des salaires et des prestations sociales liés à leur emploi. Au cours de ses 45 ans de règne, le régime islamique a toujours défendu face à la lutte entre travailleurs/euses et patronat, les intérêts d’un capitalisme brutalement exploiteur.

La première raison en est que le régime islamique est lui-même le plus rapace des capitalistes.

La seconde est que son élite dirigeante dispose du monopole du pouvoir, de l’absence de mécanismes de contrôle, de l’absence d’audit, etc.

S’appuyant sur la corruption totale de ce régime réactionnaire, cette élite s’est emparée d’une grande partie des moyens de production, ainsi que des richesses du pays.

Toute personne réclamant des droits est combattue par la répression, l’emprisonnement et l’expulsion du lieu de travail.

Tant que la résistance et la lutte de la classe ouvrière à l’échelle nationale n’auront pas lieu, la condition des travailleurs/euses de notre société s’aggravera de jour en jour. Ceux qui sont à l’origine de l’extrême pauvreté et de l’impuissance de la majorité des 90% de la population de notre société ne veulent pas et ne peuvent pas prendre de mesures pour mettre fin aux souffrances des masses laborieuses.

C’est pourquoi les travailleurs/euses eux/elles-mêmes doivent se préoccuper de leurs intérêts économiques, sociaux et culturels.

D’autres forces n’ont pas la capacité de faire un tel effort ou ne le veulent pas, car leurs intérêts sont contraires à ceux de la classe ouvrière.

Les travailleurs/euses n’ont pas d’autre revenu que leur salaire, à condition bien sûr d’avoir un emploi. Mais leurs salaires ont toujours été quatre ou cinq fois inférieurs aux dépenses courantes d’une famille moyenne de salarié·e·s.

Par exemple, le dernier salaire minimum fixé par le régime islamique et le Conseil suprême du travail pour l’année 2023 incluant l’ensemble des avantages liés à l’emploi – qui ne sont pas accordés à tous/toutes les salarié·e·s – était d’environ 135 euros par mois!

En 2023, ce montant couvrait à peine les dépenses hebdomadaires d’un ménage urbain moyen. En effet, selon les statistiques officielles, les dépenses moyennes d’une famille de quatre personnes en 2023 étaient d’environ 562 euros par mois.

De même, sur la base des prévisions du taux d’inflation en 2024, le coût de la vie moyen d’un ménage urbain ne sera pas inférieur à environ 830 euros par mois.

Pour obtenir une augmentation des salaires, il n’y a pas d’autre moyen que de lutter sans relâche contre le régime islamique rapace, les employeurs réactionnaires et les capitalistes pilleurs.

Le régime islamique et les employeurs n’ont aucune intention d’augmenter les salaires. Avec tous les moyens légaux et illégaux dont ils disposent, ils essayent d’utiliser de fausses excuses pour empêcher les augmentations de salaires: lutter contre l’inflation, créer des emplois, favoriser la compétitivité, encourager des capitalistes à investir, ou ce mensonge flagrant selon lequel l’économie iranienne n’est pas capable de verser des salaires plus élevés que ceux actuellement perçus.

En contradiction avec la loi, le gouvernement soumet toute augmentation et tout versement de salaire à la définition préalable d’un «salaire conventionnel» réputé être basé sur un accord entre employeur et employé.

Les autorités veulent ainsi contourner la loi sur le salaire minimum, et ouvrir la voie à une exploitation accrue en retirant aux salarié·e·s des moyens pour résister en amendant le Code du travail: soit en y introduisant un alinéa; soit en modifiant un alinéa; soit en supprimant un alinéa.

Les ouvrier·es et employé·e·s, ainsi que les membres de leur famille, représentent environ 60% de la population du pays. Plus de 80% de la production totale de la société est le fruit de leur travail. Leurs salaires ne devraient pas être inférieurs au coût de la vie moyen d’un ménage urbain moyen.

Comme indiqué précédemment, le coût de la vie moyen d’un ménage urbain de quatre personnes devrait être en 2024 d’au moins 830 euros par mois.

Nous invitons donc tous les salarié·e·s de l’industrie, des services, de l’agriculture, de la construction, des mines, etc., dans les secteurs privé et public, à lutter sur leurs lieux de travail et de vie, pour un salaire minimum de 830 euros par mois.

Un autre point fondamental qu’il ne faudrait pas oublier est que dans la lutte pour l’augmentation des salaires, comme dans d’autres domaines de la lutte de classe, la solidarité et l’unité de la classe ouvrière sont indispensables.

Pour cette raison, l’existence d’organisations durables (syndicats, associations professionnelles, ou organisations similaires) est d’une importance capitale.

Simultanément, la lutte des travailleurs/euses dans les domaines économique et social ne peut à elle seule parvenir à atteindre les résultats souhaités.

C’est pourquoi, parallèlement à la lutte pour les revendications économiques, la promotion, la formation et les activités pratiques pour la fondation de la lutte politique indépendante de la classe ouvrière et de ses organisations sont également nécessaires.

La lutte de classe des salarié·e·s n’est en effet possible que si elle est unie, organisée et basée sur des objectifs à long terme.

Pour cette raison, les objectifs immédiats de la classe ouvrière ne peuvent être atteints qu’avec la participation large et active des masses. (22 février 2024)

Collectif unitaire:
Syndicat du sucre de canne d’Haft Tappeh (province du Khouzistan)
Section des retraité·e·s du Comité de coordination d’aide à la construction d’organisations syndicales
Travailleurs/euses retraités du Khouzistan

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