Par Ludivine Ponciau
L’imam a séjourné deux mois à Machelen en 2016. Réputé radical, il aurait embrigadé certains des auteurs des attentats.
Alors que l’Espagne observait ce dimanche son troisième jour de deuil national en hommage aux victimes de Barcelone et Cambrils, le responsable des affaires intérieures en Catalogne, Joaquim Forn, a annoncé que la police avait «neutralisé» la cellule terroriste, bien qu’un de ses membres soit toujours en fuite. En effet, onze des douze hommes (voir schémas ci-dessous) qui auraient préparé et exécuté l’opération terroriste menée jeudi dernier sur l’artère commerçante de Barcelone et dans la station balnéaire plus au sud, ont été soit arrêtés soit abattus par Les Mossos d’Esquadra, ou ont péri dans l’explosion de l’habitation ayant servi à préparer des explosifs en vue d’un attentat de plus grande ampleur.
Le seul probable survivant de cette cellule, celui que toutes les polices recherchent, en Espagne mais aussi au-delà de ses frontières, c’est Younès Abouyaaquoub, un Marocain de 22 ans. Les contrôles routiers ont été intensifiés, notamment dans la province de Gérone, frontalière avec la France, mais dimanche soir, la police n’était pas encore parvenue à le localiser. Son frère, Houssaine, a quant à lui été identifié parmi les suspects abattus.
Selon les autorités, le fugitif pourrait être le conducteur de la camionnette qui a foncé dans la foule à Barcelone, faisant treize morts et une centaine de blessés. Il ne s’agirait donc pas du jeune Moussa Oukabir (17 ans), désigné dans un premier temps comme l’exécutant de l’attaque, et qui a été formellement identifié comme l’un des terroristes abattus dans la nuit de jeudi à vendredi dans la station balnéaire de Cambrils, où ils menaient une nouvelle opération (un mort et cinq blessés).
Mais les enquêteurs s’interrogent également sur le rôle joué par un certain Abdelbaki Es Satty. Celui qui officiait depuis 2015 et jusqu’il y a deux mois encore en tant qu’imam à la mosquée Annour, l’une des deux que compte la petite ville de Ripoll (Pyrénées catalanes), est en effet suspecté d’être à l’origine de la radicalisation de plusieurs membres de la cellule terroriste. Mais, à ce stade, les autorités ignorent s’il est en fuite ou s’il a trouvé la mort dans l’explosion du laboratoire des terroristes, à Alcanar.
A Ripoll, relève El Pais qui a enquêté dans l’entourage des jeunes impliqués dans l’attaque, personne ne sait «quand la dérive a commencé». «Ils ne s’expliquent pas pourquoi ils l’ont fait. Ni la façon dont la graine qui a grandi dans leurs têtes pour commettre la pire attaque djihadiste en Espagne depuis le 11 mars 2004 a été plantée.» Les habitants de la petite ville, poursuit le quotidien espagnol, sont surpris par le fait qu’une «bande d’amis jeunes et apparemment intégrés dans la vie de la communauté – ils ont joué dans l’équipe de football locale, ils ont entretenu des relations avec les jeunes de la ville – soient aujourd’hui les protagonistes de la terreur».
Si son influence sur ces jeunes reste à déterminer, ce n’est toutefois pas la première fois que le nom d’Es Satty apparaît dans un dossier «terrorisme». Selon El Periodico, des soupçons planent sur cet homme âgé de 42 ans depuis que des documents lui appartenant ont été retrouvés au cours d’une perquisition menée dans le cadre des attentats de Madrid (mars 2004) dans l’appartement de l’un des principaux suspects, Mohamed Mrabet Fhasi.
Les médias espagnols affirment encore qu’Abdelbaki Es Satty s’était installé à Ripoll il y a environ deux ans. Les habitants de cette petite ville au passé industriel fort étaient-ils au courant que leur imam avait purgé quatre ans de prison, jusqu’en 2012, pour trafic de drogue? Citant des sources antiterroristes, El Mundo rapporte de son côté que l’imam y avait noué une amitié particulière avec Rachid Aglif, dit «El conejo» (le lapin), condamné à 18 ans pour participation aux attentats de Madrid.
On sait également que le suspect a séjourné en Belgique. L’information, dévoilée par la presse espagnole, a été confirmée dimanche par Hans Bonte (SP.A). Selon le bourgmestre de Vilvorde en charge de la zone de police Machelen/Vilvoorde, Abdelbaki Es Satty était vraisemblablement présent à Machelen de janvier à mars 2016. L’information selon laquelle il aurait également vécu à Diegem n’a, par contre, pas pu être confirmée ou infirmée.
Un séjour en Belgique que confirment des jeunes qui ont fréquenté l’imam à Ripoll. Il s’y serait d’ailleurs rendu alors que des problèmes d’autorisations bloquaient l’ouverture de la mosquée Annour. Mais il était rentré en Espagne il y a un an, une fois ces soucis résolus et la mosquée ouverte aux fidèles. D’autres sources encore indiquent qu’Es Satty était proche du salafisme.
Il y a environ deux mois, il aurait informé certaines connaissances qu’il quittait ses fonctions d’imam et qu’il comptait retourner au Maroc. Depuis mardi, nul ne l’a revu. (Publié dans Le Soir du 21 août 2017)
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