Espagne. Madrid se remplit de dignité

1395521928_044887_1395566240_noticia_fotogramaPar Virgina Uzal
et Luis Giménez

Des centaines de milliers de personnes ont parcouru Madrid ce samedi 22 mars 2014 pour exiger «du pain, du travail et un toit dignes pour toutes et tous». La capitale a été le point de rencontre des Marches de la dignité [voir sur ce site les articles en date du 11 mars et du 19 mars 2014], quatre marées humaines qui se sont déplacées de tout l’Etat espagnol pour confluer en une grande manifestation unitaire. Elle réunit plus de 200 organisations, partis, syndicats et collectifs, d’origines très diverses, avec pour objectif commun de déclarer à l’exécutif du PP [Parti populaire, au gouvernement]: «Non au paiement de la dette. Plus de coupes! Dehors les gouvernements de la troïka!»

A la fin de la journée du 22 mars, alors que se déroulaient encore les meetings de la place Colomb, des dizaines de policiers antiémeute chargèrent la manifestation. Ensuite, se répétèrent les affrontements entre manifestant·e·s et agents de l’UIP [unités d’intervention policière] au long du Paseo Recoletos, du Paseo del Prado jusqu’à Atocha. Au moins 23 personnes ont été arrêtées et 50 agents ont été blessés dont certains hospitalisés selon ce qu’a confirmé au journal Público la Delegación de Gobierno de Madrid.

Huit colonnes sont parties au cours de la matinée de différents points de la capitale avec pour destination Atocha. Des dizaines de milliers de personnes sont parties de Getafe [ville industrielle au sud de Madrid] avec la colonne andalouse après avoir accueilli 600 autobus arrivés du sud, dont 40 ont été retenus par la Guardia Civil. La colonne de Galicie arriva par deux trains à Chamartín, plus de 500 personnes qui s’unirent plus tard avec 500 autres à la Place de Castilla où arrivaient les autobus de Galicie. La colonne d’Estrémadure et du nord-est, ainsi que celles de Galiza, Bierzo, des Asturies, de Cantabrique, de Castille et de León sont les premières à être arrivées à Atocha au milieu d’une grande multitude qui les attendaient. La colonne du Pays Basque et de Murcie est arrivée avec plus de 700 personnes à Vallecas, où des centaines d’habitant·e·s sont sortis pour les accueillir en les applaudissant mais aussi au milieu de larmes d’émotion. Aragón, Catalogne, Navarre, Euskadi, La Rioja et Burgos, les colonnes du nord et du nord-est arrivèrent pour s’unir à la grande multitude qui, plus d’une heure avant le début de la manifestation, se trouvait déjà dans les rues de Madrid.

Des centaines de personnes arrivées de tout l’Etat espagnol dénoncèrent les rétentions policières aux entrées de Madrid. L’organisation a estimé «qu’environ 100 autobus de 14 provinces» ont été retenus entre «une et trois heures» en ce qui a été qualifié comme «des contrôles policiers abusifs».    

Diego Cañamero, le porte-parole du Syndicat andalou des travailleurs (SAT), a qualifié la mobilisation de «succès complet», insistant sur le fait que «cela a valu la peine, que tout cet effort de plus de six mois, pour que cette majorité silencieuse ait décidé de prendre la parole, a porté ses fruits». Autour du slogan «pain, travail, toit et dignité!» des centaines de milliers de personnes ont marché d’Atocha jusqu’à la place Colomb où l’acteur Willy Toledo et la journaliste Olga Rodríguez ont lu le manifeste. Des porte-parole de toutes les colonnes et organisations se sont également dirigés vers une place pleine à craquer, où l’on pouvait entendre des slogans comme «oui, on le peut» ou «que vive la lutte de la classe laborieuse».

Un cortège nombreux de jeunes marchait aux cris de «ni chômage, ni exil, ni précarité». L’un d’entre eux, Antonio Canal, activiste de la Oficina Precaria [1], expliquait qu’il est venu «pour combattre la précarité du travail croissante des jeunes, qui s’ajoute au chômage», ce à quoi il ajoutait que «les marches sont un exemple clair qu’une majorité de ce pays s’oppose aux coupes budgétaires et à ce gouvernement qui nous dérobe nos droits».     

Beaucoup de participant·e·s qualifièrent cette marche comme «l’une des plus importantes de la démocratie». Jeunes, enfants et personnes âgées marchèrent au milieu des cris contre les coupes budgétaires, les effets de la crise et le gouvernement. Un des slogans les plus repris était: «Qu’est-ce qu’on veut? Du travail!» en référence explicite aux milliers de personnes au chômage présentes dans les marches et aux millions dans tout l’Etat.   

Plusieurs cordons d’agents antiémeute de l’UIP stationnaient dans la rue Genova derrière des clôtures situées près du local du PP. Les meetings continuaient encore sur la place Colomb et les porte-parole des différentes marches lisaient leurs interventions. Après qu’un petit groupe de jeunes a lancé des pétards, différentes unités de l’UIP chargèrent la place faisant reculer les manifestant·e·s vers Recoletos. Un officier cria cet ordre à ses hommes: «Putain! Fonçons contre eux!» 

A ce moment commença une bataille entre des centaines de personnes et la police, qui a dû reculer à différentes occasions alors que les jeunes dressèrent des barricades. Plusieurs agents ont été blessés par des pierres et les fusées, alors qu’ils tirèrent des balles de caoutchouc qui laissèrent au sol plusieurs jeunes.

Les policiers antiémeute ont également chargé contre des centaines de personnes qui tentaient de dresser un campement au milieu du Paseo Recoletos avec pour objectif d’y passer la nuit et qui avaient commencé à tenir des assemblées. Les affrontements se sont étendus du Recoletos au Paseo del Prado jusqu’à Atocha où les agents en civil ont arrêté au moins trois manifestants. Peu à peu, les groupes de manifestant·e·s qui restaient encore se sont dissous dans un centre de Madrid complètement rempli des fourgons de la police nationale. (Publié par le journal en ligne Publico.es la nuit du 22 mars 2014; traduction A l’Encontre)

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[1] http://oficinaprecaria.org/

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