Etats-Unis. Harvey «sélectionne» aux plans social et urbanistique

Par Maurin Picard

D’abord, les tweets. Un déluge de tweets, pour marquer de son empreinte la pire inondation de l’histoire des Etats-Unis et les opérations de sauvetage engagées pour sauver ce qui peut l’être. Depuis vendredi 25 août, Trump multiplie les messages d’encouragement envers les habitants de Houston et les officiels du Texas, tout en concédant une certaine fascination morbide pour l’ouragan Harvey. «Beaucoup de gens disent maintenant que c’est la pire tempête qu’ils aient jamais vue!», écrivait-il dimanche 27 août 2017 avant de laisser transparaître le lendemain une certaine excitation déplacée, lors d’une conférence de presse depuis la Maison-Blanche.

• Le mardi 29 août 2017, le Président s’est envolé pour le Texas à bord de son Boeing Air Force One. Le geste n’a pour une fois suscité aucune critique à Washington, Trump choisissant d’évaluer lui-même l’étendue des dégâts et l’ampleur des secours déployés, depuis Austin et la cité côtière de Corpus Christi, alors que les précipitations, d’un niveau déjà catastrophique, doivent se poursuivre jusqu’à jeudi ou vendredi. «En des heures aussi décisives, le vrai caractère de l’Amérique peut s’exprimer», prédisait-il lundi, ajoutant qu’une action rapide devrait permettre au Congrès de débloquer les fonds d’urgence d’un montant encore impossible à déterminer.

• [Initialement la somme a été évaluée à 20 milliards – pertes assurées (au sens des contrats d’assurance) – et un montant de 42 milliards de dollars est déjà projeté, la somme la plus importante liée à une telle catastrophe naturelle. Les zones évacuées sont soumises à un couvre-feu pour éviter les pillages dans la quatrième métropole des Etats-Unis. Les secteurs de la population les plus paupérisés souffrent particulièrement: manque de soins, de logement, de nourriture. Et les initiatives de bénévoles, nombreuses dans diverses communautés, sont loin de répondre ces exigences de base. Selon les études faites sur la base des cartes des Centers for Desease Control and Prevention’s, les indices géographiques sur la vulnérabilité sociale sont corrélés (et se superposent) à la densité de la population immigrée, des «poches de pauvres», des milieux ayant une maîtrise limitée de l’anglais, personnes handicapées. De plus, la localisation des populations les plus fragilisées est socialement déterminée: elles vivent dans les lieux les plus facilement inondables et proches des zones accaparées par une partie de l’industrie pétrochimique avec des ruissellements possibles lors d’une telle inondation. Or, le Texas a dépensé des sommes relativement limitées et la planification des zones constructibles reste placée sur la contrainte de la rente immobilière et des impératifs de l’industrie pétrochimique – Réd. A l’Encontre]

 • «Le Texas, écrit Russell Berman, de la revue The Atlantic, a de la chance». Fief «rouge» vermillon, entendez profondément républicain (Parti républicain), le Lone Star State peut compter sur une majorité parlementaire disposée à agir sans délai, faisant fi de tout état d’âme sur le gouffre des dépenses publiques et les excès d’une bureaucratie dispendieuse à l’extrême. La facture pourtant sera lourde, se chiffrant en milliards de dollars et s’étalant probablement sur des années, à l’instar de la tempête Sandy qui frappa New York en 2012, voire Katrina à La Nouvelle-Orléans en 2005.

Or, l’agence fédérale des situations d’urgence (FEMA) ne dispose plus que de 1,8 milliard de dollars en trésorerie, ce qui semble d’ores et déjà totalement insuffisant pour couvrir les semaines à venir dans un Texas sinistré. [Un thème est déjà repris par certains médias: «Il serait préférable de transférer les sommes consacrées à la construction du mur sur la frontière mexicaine en direction des régions dévastées par l’ouragan Harvey.»]

Jouer la carte à la Obama?

Novice en politique, Donald Trump semble avoir retenu les leçons de ces deux désastres récents: en 2005, lors de Katrina, son prédécesseur George W. Bush avait fait les frais de sa passivité et de ses commentaires déplacés. «Sacré boulot, Brownie», s’était-il exclamé à l’adresse du patron de la FEMA, Mike Brown, alors que des centaines de victimes étaient à déplorer dans une ville abandonnée à la montée des eaux et aux pillages.

En 2012, a contrario, Barack Obama avait vu sa popularité grimper en flèche une semaine avant sa confortable réélection à la Maison-Blanche, apparaissant soucieux et déterminé sur les rivages du New Jersey, au milieu des sauveteurs.

• Avec 20 tweets en trois jours, et un déplacement ultra-médiatique au Texas, le successeur d’Obama veut se forger une posture présidentielle, «en pleine possession de ses moyens et d’une vigilance accrue», observe Chris Cilizza, de CNN. L’ouragan Harvey, à ce titre, pourrait servir une opportunité en or au magnat new-yorkais de l’immobilier: incapable, jusqu’ici, de faire approuver son programme par un Congrès pourtant aligné idéologiquement, qu’il s’agisse de l’abrogation de l’Obamacare ou de l’érection d’un mur sur la frontière mexicaine, le voici en mesure de capitaliser sur l’aide d’urgence aux naufragés climatiques. Massive et rapide, celle-ci le conforterait dans la figure – tentante – du sauveur. Lente et inadaptée, elle se transformerait en cicatrice indélébile sur un mandat déjà passablement chaotique. (Article publié dans Le Soir du 30 août 2017)

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