Le mercredi 26 octobre 2016 des salarié·e·s de l’enseigne de restauration rapide et des militants de diverses organisations ont manifesté à Paris pour revendiquer haut et fort des hausses de salaire et la fin de l’évasion fiscale pratiquée par le groupe.
«Frite par frite, nugget par nugget, nous reprendrons le fric à McDonald’s!» «McDo, escroc, faut partager le magot». Pendant deux heures, une cinquantaine de salariés grévistes de l’enseigne de restauration rapide, des militants, entre autres, de la CGT, de SUD, du NPA, de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France), accompagnés d’un clone bouffon de Ronald McDonald, ont sillonné les rues de Paris avec ce slogan.
Deux exigences: des salaires à 13 euros de l’heure – beaucoup d’étudiants sont contraints de travailler pour se payer des études – et la fin de la fraude fiscale du groupe. En effet, pour le syndicat étudiant (UNEF), il ne s’agit plus seulement de se battre pour un salaire de 13 euros de l’heure, à l’image du mouvement Fight for 15 dollars aux Etats-Unis, mais de remettre en cause la «logique» de ce type de transnationale.
En octobre 2016 à l’occasion de blocage du McDo – qui fait face à la gare du Nord à Paris – Gilles Bombard, secrétaire général de la CGT McDonald’s Paris-Ile-de-France, met en cause un système d’optimisation fiscale qui permettrait à l’enseigne de restauration rapide de transférer un quart de ses bénéfices au Luxembourg, où le taux de l’impôt sur les bénéfices est inférieur à celui qui a cours en France (Les InRocKs, 27 octobre 2016). Le 25 mars 2017, Jean-Luc Mélenchon manifeste aussi son soutien aux grévistes de MacDo. Il reprend leur slogan et entre autres les arguments déjà exposés par le réseau ReAct. (Réd. A l’Encontre)
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Le Canard enchaîné, daté du 5 avril, ne se limite pas aux costumes de Fillon. Il explique les mécanismes de l’optimisation fiscale de McDo. Voici ses explications didactiques.
Par Isabelle Barré
Après un an de grèves perlées et plusieurs blocages de restaurant, la CGT [McDonald’s Paris-Ile-de-France] prévoit de nouvelles actions le 5 avril, pour obtenir des hausses de salaires.
Car la fiche de paie des 73’000 salariés de McDonald’s ressemble plus à une feuille de salade défraîchie qu’à un burger juteux. Pas de prime le dimanche ni le soir jusqu’à minuit, pas de 13e mois, et des salaires au ras du smic. Mieux, l’immense majorité des salariés ne touche aucune prime de participation aux bénéfices, alors que le groupe empoche des profits gras comme un Big Mac: près de 300 millions en 2015 en France, pour 4,7 milliards de chiffre d’affaires.
Déprime de participation
Sollicité par l’ONG ReAct, un grand cabinet d’experts-comptables a passé au crible les comptes d’un millier de restaurants entre les années 2006 et 2015. Un boulot de fourmi, et un constat accablant: si la participation avait été versée, les salariés se seraient partagé 419 millions d’euros de bénéfices en dix ans – 40 millions par an! En moyenne, chaque employé s’assoit ainsi sur un bonus annuel de 969 euros. C’est-à-dire plus d’un mois de salaire, pour ces nantis, beaucoup étant embauchés 24 heures par semaine et payés 780 euros par mois… Et ces veinards n’ont pas la frite?
La prime de participation est pourtant obligatoire dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Oui, mais voilà: la plupart des restos sont loués à des franchisés. Résultat, le géant du fast-food est saucisonné en autant de petites boîtes de 25 à 30 salariés. Un montage artificiel, estime un expert-comptable interrogé par «Le Canard»: «Les franchisés possèdent trois ou quatre restaurants, en moyenne. Ils devraient donc créer une untié économique et sociale qui permette de franchir le seuil des 50 salariés.» Mais ils s’en gardent bien. Et rien n’oblige à le faire… sauf si les salariés le réclament. «Ça arrive très rarement, constate Gilles Bombard, de la CGT Ile-de-France, car le turnover est énorme.» Seulement 15% des enseignes régalent ainsi leurs salariés.
Pour un partage plus équitable du gâteau, la CGT réclame aussi «une relocalisation des profits», dont une partie s’envole vers le Luxembourg via des «redevances» versées par les franchisés. Entre 2009 et 2015, plus de 7 milliards de recettes seraient ainsi partis vers le grand-duché, explique le rapport de l’ONG. Un système parfaitement légal, se défend McDo. Le fisc a tout de même réclamé au groupe une ardoise de 300 millions d’euros, révélait «L’Express» en avril 2016. Depuis un an, et suite à une plainte d’élus syndicaux pour blanchiment de fraude fiscale, le parquet national financier enquête lui-même pour vérifier que ce circuit est bien digeste. Miam!
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