Par Hubert Huertas
1.- UMP: Pince-mi et Pince-moi font Copé-Copain… ou la crise de leadership au sein de la droite «classique»
Officiellement la page est tournée à l’UMP (Union pour un mouvement populaire), et Jean-François Copé [1] formellement depuis le 19 novembre 2012 l’assure en majesté, à la une du Figaro: «Je suis à la tête de l’UMP pour la faire gagner». Autrement dit «Taïaut, Taïaut, Taïaut!» [Dans la chasse à courre, cri du veneur pour signaler la bête et lancer les chiens à sa poursuite]. Mais François Fillon [2] comme l’écho de la chanson [«taïaut taïaut taïaut, ferme ta gueule répondit l’écho»] répond dans un communiqué que «le report de l’élection pour la Présidence de l’UMP n’efface pas le passé».
En un mot le principal parti d’opposition part sur de nouvelles bases, mais il consacre les anciennes. Il dépasse la querelle de décembre 2012, c’est-à-dire la guerre Copé-Fillon, mais donne une légitimité à l’élection du premier, que le second avait reçu comme le résultat du trafic d’une «mafia».
C’est là tout le paradoxe de cette drôle d’élection, pour un drôle de congrès, qui a demandé à des militants de voter pour savoir s’ils voulaient voter.
Revoter pour la Présidence de l’UMP. Là, la réponse a été: «non».
Et voter en 2016, dans des primaires ouvertes, pour la désignation du candidat à la présidentielle [de la France] de 2017. Là, la réponse a été: «oui».
En fait, pour des raisons de calendrier qui tiennent à l’urgence de s’organiser pour les municipales et les européennes, l’UMP n’a pas tranché dans sa contradiction existentielle. A Copé qui représente la tradition, c’est-à-dire la culture du chef et du fait accompli, elle a donné satisfaction en procédant, de la manière la plus RPR [Rassemblement pour la République créé en 1976 par Jacques Chirac, futur Président de 1995 à 2007] qui soit, à un vote de ratification [de son résultat, contesté, de 2012]. Copé a pris la Présidence du Parti par la force, le vote de ce week-end la lui confère par les urnes.
A Fillon, qui représente l’aile parlementariste du Rassemblement, il a promis l’élection primaire, qui donnerait aux sympathisants le pouvoir futur de désigner son chef.
Chef autoproclamé pour tout de suite, contre chef désigné par la base, pour plus tard.
Mise à feu d’une révolution démocratique, selon Fillon, mais en mettant la mèche au frigo, version Copé, qui y est, qui y reste, et qui n’en sortira que par la force des baïonnettes, pour l’instant remisées dans la salle d’arme.
Sachant que les duellistes ne sont pas deux, mais au moins trois, car Nicolas Sarkozy entend les mettre d’accord, en se passant des primaires, et qu’un tien vaut mieux que deux tu l’auras, Jean-François Copé est incontestablement le gagnant de la bataille.
Il n’est qu’à entendre le résumé de ce vote byzantin par les médias pour mesurer son effet immédiat. Fillon peut toujours regarder vers 2016 à la manière des sages tibétains, ce qui est répété en boucle sur les antennes françaises c’est que «Copé est confirmé à la Présidence», et point barre.
Le deuxième constat c’est que l’UMP est en morceaux. Ce vote de militants, donc de gens plus concernés que la moyenne, n’a pas dépassé 27% de participation, c’est-à-dire moins qu’une cantonale partielle. Si ce n’est pas une manière de déchirer sa carte, c’est au moins une façon de l’oublier au fond d’une poche. (1er juillet 2013)
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[1] Président, enfin, de l’UMP, maire de Meaux, avocat dans un bureau réputé d’affaires ou d’affaires réputées, le bureau Gide Loyrette Nouel, «à titre individuel de consultant», depuis peu, afin de peaufiner son image; siège aussi au conseil consultatif d’un fonds spéculatif: Lutetia. (Rédaction A l’Encontre)
[2] Premier ministre de 2007 à 2012, sous Sarkozy; député de Paris depuis juin 2012; il conteste le vote à la présidence de l’UMP, lors d’élections primaires le 18 novembre 2012, vote «gagné» par Jean-François Copé. (Rédaction A l’Encontre)
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2.- «Faire des économies», disent-ils…
On va beaucoup parler de «devoir de vérité» à partir d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale [parlement français], où le gouvernement [Ayrault] va défendre ses premières orientations budgétaires pour 2014. Vérité des comptes. Vérité sur l’état réel de nos finances publiques. Vérité toute nue, vérité quasiment naturiste, qui prendra pourtant soin, comme d’habitude, d’esquiver sa nudité en la cachant derrière des mots. Aucun débat politique ne se revendique autant de la vérité que le débat budgétaire, aucun débat ne l’évite davantage.
Ce n’est pas qu’on mente, c’est qu’on habille. On joue de la sémantique. Passons sur le jeu de cache-cache démocratique entre la majorité qui gère les affaires, et l’opposition qui exerce le contrôle. La première qui n’appelle pas augmentation d’impôts une augmentation d’impôts; la seconde la dénonce; la première qui anesthésie; la deuxième qui appuie là où ça fait mal. Tout cela fait partie du débat «nécessaire»?
Non. L’habillage est collectif. Il consiste en une manière de parler d’autre chose. D’esquiver la portée de son propos. Officiellement, tout le monde serait d’accord sur un principe inattaquable, «l’Etat doit faire des économies», et les désaccords ne porteraient que sur les moyens d’y parvenir.
Or, le subterfuge, vis-à-vis du citoyen, commence précisément dans cette évidence-là, reprise par exemple par le très rigoureux journal Les Echos [journal financier de référence en France] dans son édition d’hier 1er juillet 2013, je cite l’un de ses titres: «Les dépenses de l’Etat vont diminuer l’an prochain de 9 milliards, ce qui est sans précédent».
Rien n’est faux dans cette affirmation, tout est précis, documenté, illustré, graphiques à l’appui. Sauf un détail. Passée au philtre [breuvage auquel on attribue des vertus magiques] de vérité, la phrase donnerait à peu près ceci: «L’année prochaine les Français recevront neuf milliards de moins, ce qui est sans précédent».
La vérité c’est que l’Etat est toujours présenté, au moment des budgets comme un gros truc à part, isolé du pays, et de ses habitants et que ce n’est pas la vérité. L’Etat c’est tout le monde.
Bien sûr il y a ce qu’on appelle le train de vie de l’Etat, les voitures et appartements de fonction, les pistons, les privilèges, les fonctionnaires qui ne ficheraient rien, toutes ces choses qui font régulièrement, la couverture du magazine Le Point, mais retirez tout cela, les abus et les glandeurs, et la question des déficits ne serait pas mieux réglée par cette remise en ordre, que la baisse du salaire de François Hollande [baisse du salaire présidentielle de 30% en août 2012; Sarkozy l’avait fait monter de 140%; mais leur politique est la même : celle dictée, dans le consensus bilatéral, par la Troïka et l’Ecofin auquel le ministre français des Finances donne son accord] n’a réduit l’endettement.
Pour l’essentiel les dépenses de l’Etat, ou des collectivités locales, ce sont les prestations ou les services que reçoivent les citoyens et citoyennes, et ce n’est pas ce qu’on leur dit au moment des budgets. On parle des ministères qui se serrent la ceinture, comme si le sacrifice avait lieu là-haut, mais dans la vie d’en bas ce sont les fins de mois des gens qui deviennent des épreuves. (2 juillet 2013)
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3.- Medef. Pierre Gattaz promet la lutte finale… pour le «prenant-donnant»
Le bon M.Gattaz [fils d’Yvon Gattaz, président de l’organisation patronale française de l’époque, le CNPF, de 1981 à 1986; le fils a fait ses classes chez Dassault électronique et est à la tête de l’entreprise Radiall, secteur électronique, fondée par son père et le frère de son père; l’entreprise se trouve à Rosny-sous-Bois, dans la Seine-Saint-Denis] élu avec le pourcentage collectiviste de 95% à la tête du Medef a des idées très combatives.
Alors que le gouvernement n’en finit pas de faire les fonds de tiroirs pour financer, notamment, le «pacte de compétitivité» de 20 milliards d’allégements pour les entreprises, il réclame en supplément une baisse de 100 milliards sur leurs charges et leurs impôts.
Comment y parvenir? Très simple… On baisserait les impôts des entreprises et on augmenterait celui des particuliers. On enlèverait cinquante milliards payés pour les cotisations sociales, et on augmenterait la CSG [Contribution sociale généralisée, instaurée en 1990; elle est assise sur les revenus d’activité, les revenus de remplacement tels que les allocations de chômage, le RSA, etc. et la TVA, impôt indirect touchant plus que proportionnellement les «petits revenus», qui ne peuvent épargner, entre autres].
Ensuite et conjointement, parvenu à ce résultat, on baisserait encore les impôts des entreprises à hauteur de cinquante nouveaux milliards.
Pierre Gattaz considère que la France est «un jardin envahi de ronces», avec son code du travail trop complexe, «et de cailloux», avec ses prélèvements trop lourds.
Pierre Gattaz en veut par ailleurs à l’Education nationale. Il cite le sujet du bac de sa fille, en science économique et sociale: «Vous montrerez de quelle manière les conflits sociaux peuvent être facteurs de cohésion sociale». Il s’indigne qu’on puisse insinuer par là que la cohésion sociale puisse passer par le conflit. Lui il est un pacifiste, un pèlerin de la croissance dont le programme d’allégement multipliera les emplois comme jadis un Jésus multiplia les pains. Pour être clair, Pierre Gattaz voudrait que l’Etat lui lâche un peu les baskets, avec ses prélèvements, et avec ses règlements.
Et c’est vrai qu’il n’a pas tort.
Prenez les ronces administratives. Chaque année l’Etat verse aux entreprises des aides, à travers un maquis de 6000 subventions, prêts, exonérations, niches fiscales auxquelles personne ne comprend rien. C’est sans doute à cela que pense M. Gattaz, et c’est la suppression de ces aides qu’il exige également, elles coûtent si cher à la nation!
Au total, chaque année, l’Etat providence verse, avec l’argent du contribuable, une somme que les ronces administratives rendent difficile à défricher, mais qui, selon un chiffre cité par le journal Les Echos, atteindrait cent dix milliards par an. Ce n’est plus un caillou, c’est une montagne.
Assurément c’est à ces milliards reçus de l’Etat que songe M. Gattaz, en échange des cent milliards qu’il n’aurait plus à payer.
Donnant-donnant!
Si ce n’était pas le cas, si les choses allaient à sens unique, s’il pratiquait le donnant-prenant, le nouveau Président du Medef, qui a réfléchi au sujet du bac de sa fille [1], n’ignore pas qu’il créerait de fortes tensions sociales. Et sauf à laisser penser qu’il défend l’idée que «la cohésion sociale passe par le conflit», donc qu’il se comporte comme un syndicaliste à l’ancienne, et qu’il est un fervent de la lutte des classes, le Président du Medef fera des ouvertures, dès aujourd’hui, par exemple à propos des retraites… (4 juillet 2013)
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[1] Selon le journal économique La Tribune, en date du 3 juillet 2013, Pierre Gattaz devant un parterre de patrons a déclaré: «Le nouveau patron des patrons a aussi proposé ce jeudi, à l’issue de son plébiscite, un «pacte de confiance au gouvernement, un engagement réciproque entre les entreprises, les partenaires sociaux et les pouvoirs public» . Et révélé dans la foulée le sujet d’économie de sa fille au bac cette année: «Vous montrerez de quelle manière les conflits sociaux peuvent être facteurs de cohésion sociale». Et de s’esclaffer en lançant: «Il y a du travail!» La salle remplie d’entrepreneurs riait, aux anges. (Rédaction A l’Encontre)
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4.- Sarkozy se fâche avec l’argent
Décidément la chronique politique est pleine de valises, de billets, de comptes en Suisse, d’arbitrages à quatre cents patates, et depuis hier d’un coup de tonnerre à onze millions d’euros. Le Conseil constitutionnel a donc invalidé les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy qui a dépensé sans compter pour être réélu et qui met son parti en faillite après avoir été battu. [11 millions d’euros de déficit, plus exactement 10’692 millions qui ne seront pas remboursés, autrement dit 47,5% du plafond autorisé des dépenses de campagne! Ce qui est un cadeau pour Copé qui lance une grande campagne de souscription, cela après que le Conseil constitutionnel a rejeté les comptes de la campagne présidentielle de Sarkozy de 2012.]
Affaire Cahuzac (ministre du Budget ayant des comptes en Suisse, spécialiste dans l’implantation capillaire), dont la rumeur insistante assure qu’il ne serait pas un exemplaire unique – exemplaire quel joli mot – et qu’il cacherait une forêt ; scandale Tapie, argent Guéant, financement libyen, et désormais comptes de campagne de l’ancien Président, tout cela donne le tournis. En pleine crise économique, la vie politique, qui devrait offrir des repères, paraît se dissoudre dans cette accumulation.
Pire encore, ces affaires ne se contentent pas de perturber l’atmosphère de la démocratie, elles en deviennent l’arbitre. Elles paraissent déterminer le calendrier des grands rendez-vous, et même procéder à la sélection des dirigeants.
Quand l’hebdomadaire Le Point se demande en couverture si François Hollande pourra tenir, alors qu’on ne voit pas ce qui pourrait l’empêcher de finir son mandat, c’est qu’il rôde des hypothèses autour d’un développement de l’affaire des comptes en Suisse. (Cahuzac et d’autres?)
Et quand le Conseil constitutionnel, plus haute autorité juridique de la République, rejette les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, ce nouvel épisode où se brassent des millions vient s’ajouter aux autres, pour poser la question de son empêchement [présentation de Sarkozy comme «sauveur»] pour les prochaines présidentielles.
Face à ce déferlement, un chroniqueur politique, Alain Duhamel, qu’on peut aimer ou ne pas aimer, mais dont le billet matinal sur RTL était un baromètre respecté, Duhamel vient de déclarer forfait, après trente ans. Il n’en peut plus de transformer le récit national en récit des turpitudes.
Si le plus gourmet de la chose publique se déclare écœuré, qu’en sera-t-il des Français déjà méfiant depuis longtemps.
Les politiques pourront toujours se dire, par commodité, que le système médiatique est destructeur. Ils pourront aussi se poser des questions sur eux-mêmes et leurs us et coutumes.
Bien sûr, il faut le dire et le redire, la plupart sont intègres et agissent au nom du bien public. Mais quelques-uns, pas si rares, ne sont pas regardants, ou se croient tout permis, pendant que les autres ferment les yeux. Ils tolèrent, ils supportent, ils laissent courir et les dégâts sont là, qu’il faut réparer d’urgence.
Ils feraient bien d’y repenser, tous ensemble, à l’heure ou le Sénat va examiner une loi sur la transparence qui s’est opacifiée, et où l’Assemblée nationale va voter la loi sur ce fameux cumul [des mandats] auxquels ils s’agrippent comme des damnés, en toute bonne foi, comme d’autres à leurs comptes en Suisse, ou à leurs liasses d’argent liquide. (5 juillet 2013)
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Hubert Huertas fait un billet politique sur France Culture le matin à 7h36
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