Par MPS (Tessin)
Soutenons les salariés de l’entreprise Ferrerie Cattaneo SA de Giubiasco [1], victimes d’un chantage de la part du Directeur général et patron de l’entreprise, Aleandro Cattaneo. Vous pouvez tous et toutes exprimer votre solidarité avec les salarié·e·s de l’entreprise qui ont courageusement refusé ce type de chantage en envoyant un e-mail directement à Monsieur Cattaneo : a.cattaneo@ferrierecattaneo.ch
Lundi 16 février 2015, la direction de l’entreprise Ferrerie Cattaneo SA de Giubiasco a présenté aux quelque 80 salarié·e·s de l’entreprise un vrai et propre chantage: soit vous acceptez une réduction du salaire – entre 3% et 7% –, soit on licencie et on délocalise une partie de la production liée à un mandat que l’entreprise Hupac SA [une grande entreprise de ferroutage à travers les Alpes] a reçu en en Slovaquie. Ce chantage est possible parce que Cattaneo a déjà délocalisé en Slovaquie plusieurs activités précédemment prises en charge par le site de production de Giubiasco dans le but d’exploiter une main-d’œuvre moins chère. Aujourd’hui, une grande partie de la production de cette entreprise s’effectue déjà dans ce pays. Dès lors, cette annonce représente une grande occasion pour le patron pour démanteler enfin l’ensemble de l’activité productive située sur le site de Giubiasco.
La Ferrerie Cattaneo SA a signé la Convention collective de travail de l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (CCT-MEM). Aleandro Cattaneo est aussi l’un des vice-présidents de l’association patronale de l’industrie MEM (SWISSMEM) [2]. Or, il est évident que l’annonce de l’abandon du taux plancher fixé à 1,20 CHF pour 1 euro, décidé par la Banque nationale suisse (BNS), le 15 janvier 2015, a été le signal pour initier une nouvelle offensive patronale dans le but d’améliorer les positions concurrentielles (où les coûts sont loin d’être le seul facteur) et d’accroître les profits des entreprises sur les marchés internationaux. Il est vrai que ces dernières années, l’accroissement des profits a fait le bonheur des patrons, dirigeants et actionnaires d’une grande partie des petites, moyennes et grandes entreprises suisses.
C’est en partant de ces considérations que les salarié·e·s de l’entreprise Ferrerie Cattaneo SA, réunis en assemblée extraordinaire le lundi 16 février, ont rejeté à l’unanimité la réduction du salaire et ont demandé à la direction d’accéder à des documents et à des informations attestant la réelle situation économique de l’entreprise. Il s’agit d’une demande plus que légitime qui a été refusée par Aleandro Cattaneo, qui a par ailleurs mis le personnel devant un chantage: le refus de toute négociation, la délocalisation de la production pour Hupac en Slovénie et l’annonce de licenciements sur le site de production de Giubiasco. Cela représente de facto une réaction abusive et illégale de la part de l’entreprise [3].
Par cette déclaration, les soussigné·e·s :
• dénoncent le diktat de la direction de l’entreprise Ferrerie Cattaneo SA qui est illégal, abusif et irrespectueux de la dignité des salarié·e·s de l’entreprise;
• dénoncent la volonté de l’entreprise de pratiquer le dumping salarial à travers la réduction des salaires;
• expriment leur solidarité avec salarié·e·s qui demandent des informations légitimes et nécessaires pour attester la situation économique réelle de l’entreprise;
• demandent à l’entreprise Hupac, société dont les actionnaires sont aussi des «acteurs publics» tels que les CFF, de rappeler à la raison le Directeur général et patron de l’entreprise, Aleandro Cattaneo.
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[1] L’entreprise Ferrerie Cattaneo SA a une longue histoire d’entreprise familiale qui s’est développée en suivant l’évolution industrielle du pays. Depuis 1870, sous la direction d’Antonio Cattaneo, fondateur de l’entreprise, une première activité de production d’outillages métalliques se développe dans la commune de Faido (Leventina). La participation aux travaux de construction de la ligne du Gothard (1882), notamment par la fourniture des machines-outils pour les travaux liés à la ligne Chiasso-Airolo sur l’axe central Chiasso-Lucerne, marque le développement de l’entreprise sous la direction du fils d’Antonio, Angelo Cattaneo. En 1932, le fils Fausto Cattaneo achète les ateliers de production de machines-outils Lenz à Giubiasco pour y développer une activité propre de charpentes métalliques. Depuis 1948, l’entreprise produit des rames pour les CFF. Selon les informations données par l’entreprise, depuis lors, 5’000 rames (surtout des wagons pour le fret) de 30 modèles différents ont été produits. À partir du milieu des années 1950, l’entreprise concentre toute sa production sur le site de Giubiasco. À la fin des années 1970, l’entreprise participe à des travaux sur deux grands chantiers: la centrale nucléaire de Leibstadt et le CERN de Genève. En 1991, l’entreprise diversifie sa production en produisant des composantes pour des turbines à gaz qui actuellement représentent 50% de son chiffre d’affaires. Dès 1985, l’entreprise est sous la direction de Aleandro Cattaneo. Au long de toute son histoire, l’entreprise Ferrerie Cattaneo SA a fait abondamment recours à une main-d’œuvre immigrés issus des grandes vagues migratoires des années de l’après-guerre : d’abord des travailleurs italiens et espagnols, ensuite des travailleurs turcs et des pays issus de l’ex-Yougoslavie. Actuellement, l’entreprise emploie 45 salariés frontaliers, soit la moitié du personnel du site de production de Giubiasco. (Réd. A l’Encontre)
[2] La CCT-MEM ne couvre qu’une partie du secteur MEM. Elle s’applique à plus de 96 000 salarié·e·s et environ 560 entreprises. L’association patronale Swissmem est issue d’une intégration progressive, amorcée en 1999, entre la Société suisse des constructeurs de machines (VSM) et l’Association patronale suisse de l’industrie des machines (ASM). Elle regroupe aujourd’hui plus de mille entreprises de la branche. (Réd. A l’Encontre)
[3] En l’occurrence, cette pratique va à l’encontre de l’article 44 de la CCT MEM qui prévoit l’obligation d’informer les parties contractantes en cas de licenciements collectifs et de veiller à la mise en place de certaines dispositions communes qui aboutissent à un plan social. Une fois de plus, nous pouvons saisir la «consistance» (ou l’inconsistance) des CCT en Suisse en l’absence d’un rapport de force favorable aux salarié·e·s. (Réd. A l’Encontre)
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