Durant des mois, une bataille a été menée contre le licenciement à Genève d’une déléguée syndicale de Manor, la chaîne de grands magasins en Suisse, Marisa Pralong.
La section d’UNIA de Genève soulignait, le 3 mars 2009, que «Manor, l’entreprise aux mains des familles multimilliardaires Maus et Nordmann (via la holding des Frères Maus qui contrôle aussi Athleticum, Jumbo, Fly,…), a réalisé en 2008 un chiffre d’affaire de près de 3 milliards de francs, en hausse de 3.2% par rapport à 2007. Malgré ces excellents résultats et malgré les dorures philanthropiques dont se pare l’entreprise en participant activement au réseau Philias « en faveur d’une “responsabilité sociale des entreprises», Manor est une entreprise qui piétine les droits de ses employés! Manor a bloqué les négociations quant à une augmentation des salaires minimaux pour 2009, ne respecte pas les temps de pause ni le droit aux vacances de son personnel. Ne tolérant aucune forme d’activité syndicale, a licencié à la mi-février 2009 la déléguée syndicale de l’entreprise. Ce licenciement intervient au moment où, avec ses collègues, cette vendeuse dénonçait des pratiques de l’entreprise contraires aux conventions collectives de la vente et demandait l’instauration d’une commission du personnel.»
Ce licenciement illustrait, une fois de plus, ce que la protection légale, élémentaire, des délégué·e·s syndicaux sur le lieu de travail n’existe pas en Suisse.
Une campagne d’UNIA-Genève a été menée. Fait extraordinaire, elle se conclut juridiquement ainsi: «dans une décision sur mesures provisionnelles rendue le 26 mai 2009, la Chambre des relations collectives de travail (CRCT) de Genève a ordonné à Manor de réintégrer Marisa Pralong, déléguée syndicale Unia et représentante des travailleurs à la Commission paritaire de la convention collective cadre du commerce de détail. Cette vendeuse avait été licenciée pour s’être prononcée dans la presse régionale concernant les extensions d’horaires dans la vente.» (Tribune de Genève,27 mai 2009).
Une victoire juridique qui aurait pu être utilisée, de suite, pour mener une vraie campagne nationale. Or, l’USS ne fit rien. Il faut savoir attendre, attendre et encore attendre.
Or, depuis 2004, l’OIT (l’Organisation internationale du travail) – un organisme peu enclin exiger des clarifications de la part d’un pays – demandait que les autorités helvétiques s’expliquent à propos de la législation nationale ayant trait à la protection des délégués syndicaux.
Depuis lors, avec une volonté sanglée par un intérêt de classe quasi proclamé, le Conseil fédéral et le patronat helvétiques bloquent toute avancée dans ce dossier fort important pour les salarié·e·s. Ils se refusent de modifier la législation.
Pourtant, l’USS (Union syndicale suisse) – avec ses jeunes néodirigeants, ses secrétaires centraux, tel Jean-Christophe Schwab, qui manifestent, très vite, toutes les qualités de l’archéo-passivité de la quasi totalité des secrétaires de la centrale syndicale – restait silencieuse. Un immobilisme apprécié… par le patronat.
Enfin, le 9 juin 2009, une action symbolique de l’USS est organisée à l’occasion d’une visite de Doris Leuthard, la Conseillère fédérale du PDC (Parti démocrate chrétien) – ce parti bien à droite dont le PS (Parti socialiste) cherche sans cesse l’appui dans le législatif – auprès de l’OIT.
Sous la pression de Vasco Pedrina, qui craint de terminer sa «carrière syndicale» avec un bilan désastreux – pourtant prévisible, depuis des années – l’USS et son secrétariat central osaient une action symbolique. Quasi une aventure.
Or, actuellement, c’est une vraie action à l’échelle nationale – au moins dans la lignée de ce qu’a fait UNIA-Genève à propos de M. Pralong Manor – qu’il faudrait développer. Elémentaire. C’est une nécessité pour la défense minimale des travailleuses et travailleurs plus que jamais menacés dans cette période de crise socio-économique.
Pour information, nous publions, ci-dessous, le communiqué de l’USS. Il rappelle la procédure lancée par l’USS auprès de l’OIT. Ses résultats finaux – les premiers sont déjà concluants – pourraient servir d’étayage à une mobilisation concrète contre la répression qui vise les militant·e·s syndicaux en Suisse. (cau)
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Aujourd’hui 9 juin 2009, l’Union syndicale suisse (USS) a protesté par une action symbolique devant le siège genevois de l’Organisation internationale du Travail (OIT).
Le Conseil fédéral refuse en effet de légiférer pour protéger comme il se doit les représentant·e·s syndicaux contre les licenciements abusifs. Quelques victimes de licenciements antisyndicaux ont participé à cette action.
Celle-ci a été organisée à l’occasion de la visite de la conseillère fédérale Doris Leuthard à l’OIT lors de la commémoration du 90 anniversaire de cette dernière. De cette même OIT qui… a demandé à plusieurs reprises au gouvernement suisse d’agir sur cette question.
La conseillère fédérale Doris Leuthard a été invitée à faire en sorte que la Suisse, le pays hôte de l’OIT, ne prêche pas le respect des droits démocratiques uniquement pour le Tiers-monde, mais les applique elle-même sur son propre territoire.
Un peu d’histoire: en 2003, l’USS a déposé une plainte [élaborée, pour l’essentiel, par R. Molo, licencié par la direction de l’USS pour avoir exprimé un désaccord sur la prise de position de la centrale syndicale sur lesdites mesures d’accompagnement avancées par cette dernière à l’occasion des accords de libre circulation avec l’Union Européenne ! – réd.] contre la Confédération helvétique devant le Comité de la liberté syndicale du Bureau international du Travail (BIT).
Cette plainte portait sur le fait que la législation suisse ne protège pas assez (sic !) les travailleurs et travailleuses contre les licenciements antisyndicaux, alors que la Suisse a ratifié en 1999 la convention 98 de l’OIT sur la liberté syndicale, convention qui prévoit pareille protection.
L’USS y exigeait aussi que les licenciements antisyndicaux soient annulés et pas uniquement indemnisés par le versement d’un maximum de six mois de salaire (dans la réalité, il s’agit la plupart du temps de deux ou trois mois).
En 2004, le Comité de la liberté syndicale a accepté cette plainte et prié la Suisse de mettre sa législation en conformité avec les normes internationales du travail. Mais le Conseil fédéral refuse d’obtempérer, se fondant sur le refus des patrons qui n’estiment pas nécessaire d’agir.
En 2006, l’USS a soumis, à une nouvelle reprise, au même comité du BIT plusieurs cas récents de travailleurs syndiqués licenciés à cause de leur engagement syndical. Et le comité du BIT a à nouveau prié la Suisse de mettre sa législation en conformité avec la convention 98, lui suggérant de s’inspirer de la loi sur l’égalité entre femmes et hommes, qui prévoit l’annulation d’un licenciement reconnu abusif.
Mais une nouvelle fois, le Conseil fédéral a refusé d’agir. Pour l’USS, une chose est claire: cette politique qui consiste à toujours reporter à plus tard la résolution de ce problème et à se cacher derrière les patrons, leur accordant ainsi de facto un droit de veto, doit prendre une bonne fois fin. Car aujourd’hui, en pleine crise, les licenciements antisyndicaux se multiplient (Manor à Genève, Karl Mayer AG [machines textiles, ex-Benninger, à Uzwil], les quotidiens Tages-Anzeiger, Bund ).
Ce faisant, on cherche, dans ce contexte, à dégoûter directement – et à titre dissuasif – les représentations du personnel dans leur lutte pour le maintien d’emplois. C’est pourquoi, si le Conseil fédéral persiste dans sa passivité, l’USS veillera à ce que la Suisse soit à nouveau mise en accusation lors de la Conférence internationale du Travail de 2010.
Ces dernières années, parmi les pays qui se sont retrouvés sur le banc des accusés, on trouvait la Birmanie, la Chine ou le Bélarus …
Lors de la conférence de presse qui a suivi cette action symbolique, le président de la commission du personnel du Tages-Anzeiger [quotidien de Zurich, du groupe Tamedia], Daniel Suter, licencié en 2009, a présenté son témoignage.
Daniel Suter travaillant depuis 22 ans comme rédacteur dans ce quotidien. Il y a cinq ans, il a mis sur pied une commission du personnel avec d’autres collègues et contre l’avis de l’entreprise. Son licenciement dans le cadre d’un licenciement collectif représente clairement à ses yeux une attaque contre cette commission du personnel. Dès le départ, il s’agissait de la dégoûter de s’opposer à des licenciements collectifs. Ce que Daniel Suter commente en ces termes: «Aussi longtemps que le législateur n’empêchera pas ces congés abusifs – les employeurs coupables […] devant […] être condamnés […] aussi à la réintégration des personnes abusivement licenciées – la protection des représentants(e)s des travailleurs restera une illusion.» (USS)
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