Par Haggai Matar
Des dizaines d’officiers municipaux de police de Tel-Aviv, d’agents de la Police des frontières et des déménageurs privés ont effectué des raids contre plusieurs commerces tenus par des requérants d’asile africains près de la station centrale de bus de Tel-Aviv, confisquant des biens et apposant les scellés sur les portes. Ils ont également versé de l’eau de Javel dans de la nourriture dans un restaurant de réfugiés du Darfour. La mairie est-elle en train de préparer les prochaines élections municipales?
Dimanche 12 mai, vers 19 heures, un groupe de fonctionnaires municipaux a mené une opération de fermeture de commerces illégaux tenus par des requérants d’asile africains dans les quartiers Neve Sha’anan et Shapira situés au sud de Tel-Aviv. Les officiers municipaux étaient accompagnés par des officiers de la Police des frontières, un photographe et de plusieurs grands camions de déménagement n’employant que des travailleurs africains.
Par petits groupes, les forces de l’ordre sont entrées dans plusieurs bars, restaurants et épiceries appartenant à des requérants d’asile. Comme leur statut légal en Israël leur interdit de travailler et/ou de posséder un commerce, la plupart des requérants d’asile soudanais et érythréens sont obligés de gagner leur vie illégalement, ce qui conduit les autorités à les pourchasser et à punir leurs employeurs ou à fermer leurs magasins.
C’est ce qui s’est passé dimanche soir. Toutes les marchandises, fournitures et autres équipements du magasin ont été inventoriés et confisqués, et les portes ont été scellées. Sur aucun des lieux que le photographe Oren Ziv et moi-même avons visités il n’y a eu de résistance opposée par les propriétaires de magasins, et les policiers armés (avec même un chien policier d’attaque) n’ont pas eu grand-chose à faire. Plusieurs badauds israéliens ont d’ailleurs félicité les fonctionnaires de les aider ainsi à mettre les étrangers dehors, alors que d’autres ont marmonné contre eux des insultes, leur reprochant d’encourager les politiques racistes.
Selon diverses estimations, on sait que, dans le sud de Tel-Aviv, des centaines de petits magasins sont exploités par des requérants d’asile. Ces commerces servent principalement leurs propres communautés et, naturellement, les autorités ne peuvent pas les fermer tous. Leurs propriétaires se plaignent néanmoins souvent d’être victimes de brutalité policière, comme par exemple ces patrouilles de la Police des frontières qui, à minuit et par la force, traînent des gens hors des bars à l’aide de matraques et même de sprays au poivre. La municipalité s’emploie également à combattre énergiquement ce petit monde du commerce et des loisirs, mais des opérations de l’ampleur de celle de dimanche ne sont pas courantes.
Il est possible que l’administration du maire Ron Huldai ait poussé en avant cette opération, la considérant comme une préparation aux prochaines élections municipales du mois d’octobre. Beaucoup d’habitants israéliens vivant au sud de Tel-Aviv sont susceptibles de soutenir de telles actions, puisqu’il règne parmi eux le sentiment que les requérants d’asile sont une charge pour les infrastructures médicales et sociales déjà bien faibles ainsi que pour l’aide sociale à laquelle une grande partie de la population du quartier doit avoir recours. Ce sentiment est renforcé par le fait que certains requérants d’asile sont poussés vers des activités criminelles et que la presse couvre abondamment cette criminalité. Ces tensions entre les communautés ont déjà conduit à plusieurs attaques contre des requérants d’asile, perpétrées aussi bien par des individus que par des groupes d’Israéliens.
Complément en date du 13 mai à 10.30
Aladin Abaker, un réfugié soudanais, a publié des photos du raid de dimanche soir montrant des inspecteurs du Ministère de la Santé versant de l’eau de Javel dans des casseroles de nourriture d’un restaurant, sous le prétexte que cet établissement constituait un «danger pour la santé publique». Il écrit ce qui suit:
«Des amis se rencontrent dans ce délicieux restaurant à l’ambiance familiale pour manger et parler de nos familles restées au Darfour. Tout à coup, des inspecteurs de la santé et des forces de police ont fait irruption et ont détruit la nourriture que nous avions commandée ainsi que la nourriture dans les casseroles, sans aucun égard pour des gens dont la culture considère la nourriture comme une chose sacrée à traiter avec respect. Nous avons essayé de leur dire que ce restaurant était ouvert depuis maintenant quatre ans, que c’était ici que nous mangions tous nos repas et que personne n’était jamais tombé malade. Que d’ailleurs même des Blancs venaient manger ici…» […] «Toutes les personnes présentes étaient en larmes. La serveuse nous a dit qu’elle avait vu des choses horribles dans sa vie, même la torture dans le Sinaï, mais que cet événement l’avait plus humiliée que la torture». Je lui ai dit qu’ils faisaient cela pour rendre nos vies misérables et nous encourager à retourner en Afrique ‘de notre plein gré’». [Traduction A l’Encontre, publié sur +972, le 13 mai 2013]
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