Syrie-Egypte: Morsi et l’adaptation diplomatique présente

alep5_400343064Par Samar Al-Gamal

«Je ne tendrais pas ma main à celui qui soutient le régime d’Assad», ainsi avait commencé le mandat du président égyptien. Aujourd’hui, Mohamed Morsi fait marche arrière, ce qui lui vaut le soutien de plusieurs de ses opposants.

Lors de son premier déplacement en Russie, Morsi a affirmé que Le Caire et Moscou «partageaient le même point de vue sur la crise syrienne». Une déclaration que reprend à son compte, cette semaine, le ministère égyptien des Affaires étrangères.

Quelques jours auparavant, le président décide de dépêcher en Iran une délégation qui regroupe Essam Al-Haddad, son adjoint chargé des relations extérieures – et qui fait office de conseiller pour la sécurité nationale –, ainsi que le directeur du cabinet présidentiel et ancien chargé d’affaires à Téhéran, Rifaa Al-Tahtawi.

A Téhéran, les envoyés égyptiens parlent économie, aides financières et sécurité, mais évoquent surtout la situation en Syrie. Au menu, «les moyens d’activer l’initiative du quartet, lancée par Morsi, au cours du sommet islamique extraordinaire à La Mecque».

Un haut diplomate égyptien qui était absent de la rencontre explique que «suite aux déclarations de Morsi en Russie, le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali-Akbar Salehi, a appelé son homologue égyptien, Mohamad Kamel Amr, pour proposer une réunion ministérielle des pays du quartet». Cette réunion regrouperait l’Egypte, la Syrie, l’Arabie saoudite et la Turquie.

Le ministre égyptien aurait répliqué: «C’est encore prématuré de tenir une telle rencontre», raconte ce diplomate qui a requis l’anonymat. D’après lui, le ministre iranien a alors appelé Essaml Al-Haddad qui n’aurait pas caché son enthousiasme. Haddad est parti en Iran moins d’une semaine après.

Entre-temps, Le Caire décide de dépêcher de nouveau son chargé d’affaires à Damas – après qu’il a été convoqué au Caire suite à la chute d’un missile sur l’hôtel de l’ambassade égyptienne – qui prend comme siège un bâtiment se situant à côté de la mission de Lakhdar Brahimi (Algérie), envoyé spécial de l’ONU.

La décision de le renvoyer a été prise, affirme un haut responsable au ministère des Affaires étrangères, «suite à des gages syriens de renforcer les mesures de sécurité autour de l’hôtel». Le chargé d’affaires Alaa Abdel-Aziz est l’unique diplomate égyptien sur place à Damas depuis le retour de l’ensemble du personnel de l’ambassade en décembre 2012.

«Il aura surtout pour mission de veiller sur quelque 2000 Egyptiens toujours en Syrie. Sa présence n’est pas synonyme de relations politiques de haut niveau», poursuit le haut diplomate. L’Egypte avait retiré son ambassadeur Chawqi Ismaïl, en février 2012, sans jamais le remplacer, préférant abaisser le niveau de sa représentation diplomatique en Syrie.

L’Egypte veut compter dans le dossier

Mais les Egyptiens ne cachent pas leur volonté de rester présents, voire proches, de tout règlement de la question. «L’ambassade est nécessaire car elle nous permet de communiquer avec les Egyptiens en Syrie et nous donne un aperçu de ce qui se passe là-bas», avance le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, Nazih El-Naggary.

Le diplomate, qui qualifie la Syrie de l’un des plus importants dossiers de politique étrangère égyptienne, nie qu’une volte-face ait eu lieu dans la diplomatie égyptienne. Il affirme que Le Caire n’a à aucun moment soutenu l’idée de militariser l’opposition syrienne.

«Lorsque nous évoquons une solution politique, ceci ne signifie pas nécessairement un appui à Assad ou un aval pour son maintien en place.» Naggary précise: «Nous sommes fermement opposés à toute intervention militaire contre la Syrie.»

«Ils s’agitent sur place», diton. D’autres diplomates égyptiens s’accordent à dire que la position du Caire est restée «inchangée», même si certains évoquent un retour «avec modification» au plan proposé par Brahimi qui permet une cession progressive du pouvoir par Bachar Al-Assad. [Ce que confirment les toutes récentes négociations entre l’administration Obama, par l’intermédiaire de John Kerry, et la présidence de Poutine, par l’intermédiaire de Sergueï Lavrov, cherchant une voie de sortie assurant une continuité de l’appareil d’Etat. Pour l’instant, l’opposition syrienne refuse une négociation qui impliquerait directement le clan Assad.]

«Un plan faisable uniquement si Moscou décide de lâcher son allié», avance un diplomate européen en visite au Caire. Il parle d’une entente américano-russe où Poutine accepterait le remplacement d’Assad ou l’appui d’une opposition pour arriver à un gouvernement de coalition qui ne toucherait pas aux intérêts russes.

Assad avait souvent annoncé qu’il ne quitterait le pouvoir qu’en 2014 avec la fin de son mandat. «Nous ne sommes pas du tout loin de cette date», remarque un diplomate égyptien qui estime que cette issue pourrait faire fléchir les Russes.

«Un changement en Russie en engendrerait un autre chez les Iraniens», poursuit le diplomate égyptien. Ainsi Morsi aurait proposé dans un entretien accordé à l’agence officielle russe un «élargissement du quartet» pour inclure la Russie, le Qatar, la Chine et l’Union européenne.

Washington, vers une nouvelle étape ?

Mais c’est à Washington que se décide la prochaine étape. Déjà John Kerry, secrétaire d’Etat américain, a réussi avec Ban Ki-moon [secrétaire général des Nations Unies depuis 2007] de convaincre Lakhdar Brahimi de reporter sa démission, prévue selon des sources à l’ONU avant la fin du mois de mai. Des noms de potentiels successeurs sont évoqués, comme l’ancien président américain Bill Clinton, précise un diplomate proche de Brahimi.

Rien n’est pourtant sûr. Brahimi, qui a quitté les Etats-Unis pour une visite médicale à Paris, est attendu plus tard à Dublin. Sa mission, qui avait trouvé refuge au Caire suite aux bombardements aux alentours de son hôtel, est de retour à Damas, laissant espérer une solution politique.

Les Américains disent pourtant que toutes les options sont sur la table, y compris une intervention militaire. Une intervention que les experts jugent peu probable. Mais une guerre par procuration – à travers Israël – n’est pas écartée. Israël a déjà annoncé cette semaine avoir frappé un convoi de camions transportant des armements entre la Syrie et le Liban [1]. La présidence égyptienne était parmi les rares pays à avoir condamné «l’agression».

Ces raids sont «une violation des principes et du droit internationaux et sont de nature à ajouter à la complexité de la situation et à menacer la sécurité et la stabilité de la région», a-t-elle affirmé dans un communiqué. La Ligue arabe a appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à «agir immédiatement». Mais les espoirs d’un règlement rapide du conflit restent quasi nuls.

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[1] Hassan Nasrallah, le chef du «mouvement chiite» libanais – étroitement lié à la direction iranienne – a évoqué, mardi 30 avril 2013, une possible intervention directe de l’Iran et du Hezbollah en Syrie pour empêcher une éventuelle chute du régime de Bachar. Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, a condamné l’intervention israélienne indiquant que la conséquence la plus directe consistait à renforcer le régime de Bachar el-Assad. Ce qui n’est pas sans pertinence.

La déclaration de l’helvétique Carla Del Ponte – la «patronne de la «commission d’enquête» de l’ONU – sur la base d’une recherche dans les camps de réfugiés en Turquie et en Jordanie sur l’utilisation très probable du gaz sarin (un puissant neurotoxique, inodore, invisible et mortel) par les «rebelles» pose deux questions: 1° la Syrie est l’un parmi les six Etats qui n’ont pas signé, en 1993, la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC); aux côtés de la Syrie on trouve la Corée du Nord, la Somalie, l’Angola, la Birmanie, l’Egypte et Israël; ce dernier n’a toujours pas ratifié la CIAC; 2° si l’évidence de l’utilisation par les rebelles du gaz sarin était si forte, pour quelle(s) raison(s) le régime de Bachar al-Assad se refuse-t-il à une enquête de l’ONU en Syrie, effectuée par une commission libre de se rendre dans toutes les parties de la Syrie, sans être cornaquée par les sbires du régime?

Les massacres commis par les «Forces militaires» de la dictature d’Assad continuent: ainsi dans la ville de Al-Bayad, région contrôlée par le régime et ses méthodes confessionnelles-clientélaires, 150 personnes ont été tuées (les photographies sont «claires») de la manière plus épouvantable. Le régime initie des «nettoyages ethniques» comme cela se confirme dans la région de Banias par les gangsters du régime, nommés chabihas, où enfants, femmes, adolescents deviennent les cibles «choisies» dans les maisons et fusillés sur des places comme à Ras al-Nabaa. (Rédaction A l’Encontre)

(Article publié dans Al Ahram, 8 mai 2013)

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