Par le Nouveau Parti Anticapitaliste
«Personne ne sera épargné», François Hollande a décidé de tenter d’affirmer son autorité sur le gouvernement et, par là même, sur le Parti Socialiste. Nouvelle manifestation du séisme politique provoqué par l’affaire Cahuzac [ex-ministre du budget et spécialiste du compte non déclaré auprès de l’UBS] alors que le discrédit politique de l’exécutif et de ses deux chefs de file – François Hollande [Président] et Jean-Marc Ayrault, [premier Ministre] – ne cesse de s’aggraver en conséquence de leur propre mensonge. Ils osent prétendre résoudre les questions du chômage et de la dégradation des conditions de vie par une politique d’austérité et de course à la compétitivité.
Il n’est pas dit que la mise à l’ordre du jour d’un remaniement ministériel suffise à rétablir l’autorité du chef de l’État. C’est même plutôt fort peu probable. L’UMP (Union pour un mouvement populaire) ne réussit pas à tirer bénéfice de cette crise politique, minée elle-même par les affaires dont la dernière en date, l’affaire [de Claude] Guéant [ancien ministre de l’Intérieur, soupçonné de diverses affaires financières, de financement par Kahdafi et sa guerre des chefs [entre Jean-François Copé, François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet, Valérie Pécresse…]. Fillon règle ses comptes avec Sarkozy dont la presse annonce le retour alors que Copé nous promet un « printemps des cons» [formule lancé lors d’un meeting à Nîmes le 6 mai [1]. Au regard de cette mascarade, Frigide Barjot [la figure grotesque des «nuits parisiennes», recyclée dans la mobilisation contre le droit du «mariage pour tous»] en apparaîtrait presque crédible. Le Front National de Marine Le Pen est le seul qui semble, sur le plan électoral du moins, réussir à être le gagnant.
C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier les manifestations du 1er et du 5 mai.
Malgré les éternelles divisions syndicales du 1er mai, accentuées cette année par la politique du gouvernement autour de l’ANI (Accord national interprofessionnel), les cortèges n’ont pas été ridicules.
Le 5 mai, indépendamment du bluff de Mélenchon qui a tenté de masquer le fait qu’il n’avait pas atteint les 100’000 en doublant la mise, la manifestation par elle-même représente un fait politique positif. Les 50’000 manifestant·e·s rassemblés pour l’essentiel par le Parti Communiste (PC) en avaient conscience et cela s’est exprimé dans une manifestation joyeuse et déterminée.
«Comme les dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté dimanche dernier à la Bastille, il y a de quoi être en colère contre la politique du gouvernement Hollande. Il y a de quoi être révolté de le voir s’aplatir en permanence face au grand patronat et de renier ses maigres promesses. Il y a de quoi être écœuré par sa lâcheté! Il est rageant aussi de voir comment la politique du gouvernement fait le lit du Front national.» écrivent les camarades de Lutte ouvrière (LO) dans l’introduction de leur tract distribué sur les boîtes cette semaine. Ils ont raison et c’est bien pour cela qu’il fallait être dans la rue le 5 mai comme le 1er.
Une telle manifestation d’opposition à un gouvernement de gauche organisée à l’initiative de partis ayant porté cette gauche au pouvoir et se considérant comme de la majorité est inédite et participe d’une situation inédite.
Certes, et ce n’est pas sans importance, tant les dirigeants de la CGT le 1er mai que ceux du Front de gauche le 5 mai, n’ont pas voulu dire clairement qu’ils étaient dans l’opposition, les uns comme les autres plaident pour un changement de cap et veulent faire pression sur le gouvernement. Nous devons affirmer notre désaccord et défendre nos propres perspectives, ce que nous avons fait. Ceci dit, les deux manifestations et surtout celle du 5 apparaissent comme des manifestations d’opposition et ont été traitées comme telles par Ayrault et Hollande.
Cela est un fait très positif. Le mécontentement qui s’y est exprimé, qui sourd de partout dans le pays fait pression sur EELV [Europe Ecologie et Les Verts] comme le PS et met le gouvernement en difficulté. La crise sociale et politique continue son travail de sape.
Notre démarche politique a consisté à être partie prenante de ces mobilisations, au coude à coude avec celles et ceux qui voulaient dire leur mécontentement dans la rue tout en disant nos désaccords, nos critiques avec le Front de gauche (FdG) comme avec la direction de la CGT pour défendre notre propre orientation.
Cette politique nous a permis de nous faire entendre, de trouver un écho, de rencontrer une large sympathie.
Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de nous bluffer ni sur les rapports de forces généraux ni sur le rapport de forces entre le FdG et nous, nous n’avons aucune illusion, mais nous avons formulé et mis en œuvre la politique nécessaire pour agir dans le cadre de ces rapports de forces, sans bluff, pour essayer d’agir dessus.
Cette séquence du 1er et du 5 mai représente pour notre parti, encore en convalescence, une nouvelle étape réussie pour relancer notre dynamique.
Nous pouvons nous appuyer sur cet acquis fragile pour avancer dans le cadre de notre orientation. Chacune et chacun peut y trouver sa place même si des différences d’analyses persistent et si nous n’avons pas encore réussi à surmonter les divergences formulées lors du congrès. Mais l’évolution de la situation sociale et politique devrait nous rapprocher.
Nous continuons d’articuler des propositions pour l’action avec le débat sur les perspectives pour travailler à la convergence des mécontentements et des luttes, c’est-à-dire convaincre autour de nous et plus largement qu’il n’y a pas d’autre issue qu’un affrontement avec ce pouvoir pour ne pas laisser l’initiative à la droite et surtout à l’extrême droite. Préparer l’affrontement suppose d’être capable de formuler une perspective politique en réponse au Front de gauche et à la direction de la CGT qui prétendent qu’il est possible d’imposer à Hollande de changer de cap. Cette perspective, c’est un gouvernement anti-austérité autour du programme que nous avons défini dans nos textes d’orientation et que nous reprenons dans la brochure qui va sortir sur un an après Hollande et notre politique. Nous voulons en débattre avec les militants et proches du Front de gauche mais aussi avec Lutte Ouvrière. Nous serons présents à leur fête pour Pentecôte et participerons le dimanche à un forum.
Ainsi, dans l’idée de continuer le débat nous serons le 13 mai à la réunion initiée par le Parti Communiste qui doit définir le cadre des assises nationales du 16 juin. A l’issue de cette réunion nous verrons s’il est possible ou pas de nous inscrire dans ce débat.
Mais quoi qu’il en soit, nous devons nous donner les moyens de poursuivre le débat engagé du fait de la crise sociale et politique.
C’est aussi à travers ce débat en lien avec les luttes et mobilisations que nous construirons le NPA, entraînerons autour de nous, convaincrons. Loin d’avoir des réticences et des réserves, des timidités politiques, nous avons toute raison de reprendre confiance, d’être offensifs pour débattre tant vis-à-vis du Front de gauche que de Lutte ouvrière, vis-à-vis de toutes les organisations à la gauche des partis gouvernementaux et, plus largement, au sein du monde du travail et de la jeunesse.
Rendez-vous pour Notre Dame des Landes, le 11 mai 2012 [mobilisation contre l’aéroport mégalomaniaque défendu par Ayrault]
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[1] Voilà la formule: «Les cons, c’est nous, c’est vous, ce sont les justiciables, ce sont les victimes, c’est le peuple français, c’est tous ceux qui ne pensent pas comme eux […]. Que François Hollande et sa République des camarades prennent bien garde! Car je le prédis, il y aura bientôt un “printemps des cons”.» Cette formule faut référence au «Mur des cons» dans le local du Syndicat de la Magistrature – soit une exposition de photos de dirigeants politiques de la droite française – et est une sorte de plagiat à une formule du directeur du site l’Atlantico. Cette déclaration fait suite aux mobilisations assez importantes de la droite et de l’extrême-droite à l’occasion du vote de la loi sur le droit du «mariage pour tous». (Rédaction A l’Encontre)
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