Par rédaction A l’Encontre
La Haute-Commission électorale, ce jeudi 16 janvier 2014, annonçait que les votant·e·s du gouvernorat du Caire avaient voté à 97,57% en faveur du projet de nouvelle Constitution. La participation révèle pourtant une autre dimension de cette consultation. Les inscrit·e·s dans ce gouvernorat était 6’674’865. La participation a été de 27,7%. Le décompte des OUI et des NON est, dès lors, le suivant: 1’809’900 OUI et 27’453 NON.
Dans 26 gouvernorats – sur 27 – les résultats sont les suivants. Le taux de participation est supérieur au référendum constitutionnel de 2012, mais il reste limité bien que 3 millions de votants supplémentaires aient participé. Ainsi, le nombre de votant·e·s (dans les 26 gouvernorats) a été de 19’311’010. Le nombre de OUI: 18’631’844, soit 97,7%; les NON: 366’410, soit 2,3%.
Cette vague de OUI stimule, selon les observateurs, la «poussée» en faveur d’une élection présidentielle avant des élections parlementaires. Ce qui impliquerait un renforcement de la position du cercle autour de l’homme fort, pour ne pas dire de lui-même: le général Abdel-Fattah Khalil al-Sissi.
Une vaste campagne en faveur d’une présentation d’Al-Sissi à la présidence s’est développée ces dernières semaines dans les médias. Le «nassérien de gauche», Hamdeen Sabbahi – qui était arrivé, en 2012, en deuxième position dans certaines villes importantes –, a annoncé qu’il se présenterait à des élections présidentielles. Néanmoins, diverses forces qui avaient soutenu sa candidature en 2012 affirment vouloir soutenir Al-Sissi, s’il se présentait.
Ce jeudi 16 janvier 2014, un porte-parole de l’armée, le colonel Ahmed Ali, a indiqué que les Etats-Unis allaient, sous peu, «dégeler» leur aide économique à l’Egypte. Il a déclaré: «Cette reprise de l’aide traduit une plus grande compréhension de ce qui se passe en Egypte et aussi un respect plus marqué du rôle de l’armée dans la protection de la volonté populaire.» Il ajouta que les relations entre l’armée égyptienne et celle Etats-Unis étaient historiques et «n’allaient pas diminuer suite à une dispute». L’aide de plus de 1,5 milliard de dollars, entre autres pour les dépenses militaires, doit reprendre sous peu.
Les spécialistes en droit constitutionnel soulignent que la nouvelle Constitution alloue à l’armée des privilèges plus marqués que ceux reconnus par la Constitution de 1971, sous Sadate, ou de 2012, celle des Frères musulmans.
En outre, la répression contre les Frères musulmans, très forte, se prolonge contre les ONG et les diverses organisations situées dans le champ politique des «jeunes révolutionnaires».
La question socio-économique reste le défi principal pour le nouveau pouvoir. Les mesures sécuritaires – prises dans un climat où la «fin du chaos» et le «retour à la sécurité» ont été des thèmes rythmant la campagne en faveur du vote pour le OUI, thèmes certes ressentis, sous diverses formes, par des secteurs de la population – ne sont pas étrangères à cette préoccupation. La façon dont le pouvoir va affronter des mouvements de revendications sociales (par exemple, des grèves, même d’ampleur réduite) sera un indicateur de la situation. (Rédaction A l’Encontre)
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Al-Sissi à la présidence?
Par May Al-Maghrabi
Le général Abdel-Fattah Al-Sissi sera candidat à l’élection présidentielle si le peuple le réclame. «Si je dois déclarer ma candidature, il faut qu’il y ait une demande du peuple en ce sens», a déclaré, samedi 11 janvier 2014, le général Abdel-Fattah Al-Sissi, ministre de la Défense, lors d’une réunion avec des responsables du pouvoir. Le général Al-Sissi a parallèlement appelé les Egyptiens à participer massivement au référendum sur la Constitution.
Perçu par beaucoup comme le sauveur de l’Egypte de la poigne des Frères musulmans depuis la destitution du président Morsi le 3 juillet 2013, le général Abdel-Fattah Al-Sissi jouit d’une grande popularité. Certaines forces politiques ont clairement exprimé la volonté qu’il se présente à l’élection présidentielle et plusieurs campagnes ont même été lancées en faveur de sa candidature. Mais très discret, Al-Sissi n’a jamais donné de réponse claire. Aujourd’hui, sa candidature à la présidentielle semble être tranchée suscitant diverses réactions.
Le débat oppose ceux qui voient en lui l’homme capable de relever les défis de cette période et un rempart contre le terrorisme et le retour des islamistes au pouvoir, et ceux qui redoutent l’établissement d’un régime militaire à l’encontre des aspirations de la révolution de janvier.
L’écrivain nassérien, Abdallah Al-Sennawi, trouve que la candidature d’Al-Sissi à quelques jours du référendum sur la Constitution incitera les citoyens à y participer massivement étant donné qu’il ne s’agit pas simplement d’un vote sur les textes d’une Constitution, mais sur la légitimité de la révolution du 30 juin, dont Al-Sissi est l’icône. «La candidature d’Al-Sissi à la présidence de la République va rassurer beaucoup d’Egyptiens effrayés par l’instabilité et le terrorisme en cours depuis la destitution de Morsi. Le peuple voit en lui une bouée de sauvetage», affirme Al-Sennawi.
Le mouvement Tamarrod [Rébellion dont les cadres dirigeants se sont ralliés au pouvoir] s’est réjoui de l’annonce de la candidature d’Al-Sissi et projette d’organiser des manifestations massives le 25 janvier prochain, date de la commémoration de la révolution, pour soutenir la candidature d’Al-Sissi. Le parti salafiste Al-Nour, partenaire de la révolution du 30 juin, a aussi déclaré son soutien à la candidature d’Al-Sissi y voyant le président dont a besoin l’Egypte en cette phase critique pour rétablir l’ordre, combattre le terrorisme et relancer l’économie.
Au contraire, le Mouvement du 6 Avril a annoncé son opposition à la candidature d’Al-Sissi qui risque, selon le mouvement, de «crédibiliser les prétentions que le 30 juin a été un coup d’Etat ».
L’écrivaine Fatma Naout affirme que la candidature d’Al-Sissi était nécessaire au vu de l’état de fragmentation dans lequel se trouvent les forces politiques actuellement. Pourtant, au départ, elle préférait qu’il reste ministre de la Défense, mais elle a changé d’avis.
«Comme beaucoup d’Egyptiens qui ont participé à la révolution du 25 janvier, je voulais qu’on ait un président civil à la tête d’une nouvelle Egypte démocratique. Mais les forces politiques ont déçu le peuple par leurs divisions et leur incapacité de s’entendre. Parmi les candidats potentiels à l’élection présidentielle, Al-Sissi est le plus approprié pour occuper le poste de président», avoue Naout.
Oussama Al-Ghazali Harb, cadre du Front national du salut (FNS, formation qui se délite), trouve que si le général Al-Sissi décide de disputer l’élection présidentielle, il doit savoir qu’il doit gérer le pays dans un esprit démocratique et dans des circonstances tout à fait différentes de la situation d’avant 25 janvier 2011. «Nous ne pouvons pas nier que la candidature d’Al-Sissi à la présidentielle est devenue une revendication populaire et les Egyptiens misent beaucoup sur lui. Toutefois, au moment où il décide de devenir le président de l’Egypte, il doit savoir qu’il sera un président civil et un politique, et non plus un général. Il doit admettre qu’il fera l’objet de critiques et que ses décisions seront négociables. L’Egypte n’admettra pas un retour en arrière ou des dérives», prévient Harb.
Plus lucide, le politologue Hassan Nafea trouve qu’Al-Sissi doit étudier scrupuleusement la décision de sa candidature à la présidentielle et son impact sur la scène intérieure et extérieure. «Personne ne peut nier que sans le soutien d’Al-Sissi à la révolution du 30 juin, l’Egypte aurait plongé dans le chaos. C’est presque sûr que s’il se présente à la présidentielle, il remportera l’élection vu sa popularité écrasante. Mais, il doit étudier minutieusement toutes les conséquences de sa décision. Le peuple mise beaucoup sur lui et la situation en Egypte n’est pas facile. C’est pourquoi si le général Al-Sissi n’a pas de programme politique et économique concret capable de satisfaire la rue, il décevra ses partisans et perdra beaucoup de sa popularité. Chose que les Frères musulmans utiliseront pour resurgir sur la scène politique», conseille Nafea. (Article publié le 15 janvier dans Al Ahram)
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