Conférence-débat
SYRIE: UNE RÉVOLUTION DÉFIGURÉE
«Là-bas, des civils et des combattants ne comprennent pas
que nous ne comprenions pas»
JEAN-PIERRE FILIU
Jean-Pierre Filiu est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po, Paris. Il est l’auteur, entre autres, de Je vous écris d’Alep. Au cœur de la Syrie en révolution, Denoël, 2013, et Le Nouveau Moyen-Orient. Les peuples à l’heure de la révolution syrienne, Fayard, 2013.
Lausanne, UNIL, mardi 18 mars
Bâtiment Géopolis, salle 1612, à 17h30
Ladite conférence de Genève 2 en janvier et février 2014 a abouti à un échec, programmé. Pire, l’image construite, afin de camoufler mille et une compromissions, est devenue la suivante: «deux camps, également responsables, refusent une solution de paix». Il y a là la mise en forme d’une duperie affublée d’un «réalisme géopolitique» onusien.
Or, le soulèvement pacifique de la population rebelle syrienne contre la dictature du clan Assad a explosé dès mars 2011. Puis la brutale répression du régime de Bachar el-Assad a nécessité une autodéfense. Face à cette stratégie de massacres, de tueries, de dévastations, la militarisation de la rébellion devenait une exigence pour tenter d’abattre un pouvoir autocratique. Les rebelles, qui s’appuyaient sur un réseau significatif de résistance civile (comités locaux, approvisionnement, centres médicaux, etc.), avaient besoin d’une véritable aide militaire. Elle leur fut déniée. Le pouvoir de Bachar recevait, lui, un appui sans réserve de l’Iran, du Hezbollah libanais, de troupes venant de l’Irak, et de la Russie de Poutine.
Le refus des pays occidentaux de répondre aux demandes pressantes de la rébellion d’obtenir des moyens de défense face à l’aviation et aux hélicoptères a dès lors élargi le champ de manœuvre pour des forces djihadistes appuyées par le Qatar et l’Arabie saoudite qui jouent leurs propres cartes dans cette région chamboulée par des soulèvements démocratiques. La présence médiatisée des «combattants djihadistes» – dont une partie fait le jeu d’Assad – a brouillé les enjeux essentiels du soulèvement. Ce qui ne pouvait que fournir une justification supplémentaire au déni d’une aide effective à cette rébellion. Sa persistance – au-delà de toutes ses difficultés et des «négociations locales» contraintes – s’ancre dans la détermination d’une population blessée, affamée, de continuer à vouloir se battre pour sa dignité et ses revendications démocratiques et sociales.
C’est en allant «au cœur de la révolution syrienne», avec Jean-Pierre Filiu, que la compréhension de ce qui le fait battre renforcera toutes les formes de solidarité avec une population résistante qui, au-delà de ses souffrances innombrables, attend qu’on l’entende et la soutienne.
Organisée par FemmeS pour la démocratie, solidaritéS, Mouvement pour le socialisme