Milan est une ville où agissent, de plus en plus, de nombreuses organisations et groupuscules néofascistes et néonazis. Avec le soutien, plus ou moins actif, de la police, ces groupes ont organisé un nombre croissant d’initiatives de propagande raciste, homophobe et xénophobe: stands de propagande dans différents marchés et dans des quartiers, concerts, manifestations de rue, etc.
Par ces initiatives, ils ont contribué à rendre attractif le «nouveau sujet» politique noir-vert construit par Matteo Salvini [1]. Il ne s’agit pas de groupes particulièrement raffinés au niveau politique. Toutefois, ils sont en mesure de s’organiser, y compris dans une logique d’affrontement physique. Cela explique le nombre croissant des cas d’agressions contre des étudiant·e·s, des migrant·e·s et des militant·e·s antifascistes.
Dans ce cadre, le mouvement antifasciste traverse une période particulière. En avril de cette année, au-delà des célébrations officielles de la 70e année de Libération du fascisme [2], trois autres événements caractérisent la vie politique de Milan: les assassinats des militants antifascistes Claudio Varalli et Giannino Zibecchi et celui du fasciste Ramelli [3].
Cette «conjoncture» peut constituer un «grand tournant» pour tous les groupes antifascistes présents dans la ville de Milan, car les différents groupes fascistes et nazis se préparent pour des initiatives unitaires. Pour l’occasion, ils organisent un défilé sous le sigle unitaire «I Camerati» [qualificatif similaire des membres du parti fasciste à celui utilisé par les nazis: kameraden] dans le but de célébrer les morts fascistes, ceux tués dans les années 1970, ainsi que les «tombés» pendant la guerre de Libération. La date choisie coïncide avec celle de la mort d’un militaire républicano-fasciste connu à Milan, justifié par les partisans pendant la Libération de la ville [4]. Cette année, en exploitant l’attention médiatique lors des journées d’Expo-Milan, les groupes fascistes ont appelé à une journée de mobilisation de toutes les forces nazies-fascistes européennes. Plusieurs organisations de dimensions et de structures organisationnelles différentes ont été déjà contactées.
Au plan institutionnel, aucun moyen n’a été mis en place pour freiner et s’opposer à cette énième provocation des forces nazies-fascistes milanaises. Il n’y a rien d’étonnant à cela, car la sous-estimation, la tolérance mais aussi un certain niveau de dialogue constituent désormais les modalités par lesquelles les institutions tendent à se comporter avec ces forces. Ces dangereux et «idiots utiles» sont toujours au service du pouvoir…
Dans ce contexte, le «meilleur Milan», celui antifasciste, antiraciste et métis, a déjà commencé au cours de ces dernières années à s’organiser pour empêcher la progression de ces groupes. Les mobilisations antifascistes et d’autres initiatives visant à empêcher l’enracinement de ces groupes augmentent en termes quantitatifs mais aussi qualitatifs. La capacité d’analyse s’affine, de plus en plus de gens participent aux assemblées et le mouvement réagit avec vigueur aux initiatives antifascistes. Cela est un indice que le mouvement antifasciste à Milan intègre de plus en plus de gens d’origines et d’histoires politiques différentes.
La préparation des célébrations du 29 avril est en cours. Plusieurs initiatives sont prévues telles que la soirée de commémoration après 40 ans de l’assassinat du camarade Claudio Varalli, organisée par Sinistra Anticapitalista à Baranzate, une commune aux portes de Milan où Claudio a vécu et milité. Du 25 au 28 avril dans le parc Trenno aura lieu le «Festival des cultures antifascistes». Le lieu de l’événement est hautement symbolique, car ce parc a été sauvé par une forte mobilisation populaire qui a contraint les autorités à revenir sur le projet de destruction prévue afin de construire la canalisation d’eau pour le «village» d’Expo. A la suite de ce festival, un campement «NO Expo» sera installé dans ce parc.
Enfin, le 29 avril [voir appel ci-dessous] nous serons sur la Place Susa pour empêcher le défilé traditionnel des fascistes milanais et d’autres groupes fascistes de divers pays qui décideront de répondre à l’appel lancé par la coalition fasciste «I Camerati». Cela se révèle fondamental pour bloquer un «effet amplificateur» et de visibilité pour les nazis-fascistes lors du démarrage de l’Expo. Nous n’attendons rien des institutions nées de la Résistance [les institutions de la République], c’est ainsi qu’il nous appartient de faire nous-même la Résistance.
La ville de Milan a été proclamée médaille d’or à la Résistance. Nous devons maintenir ce devoir de mémoire de l’insurrection du 25 avril, car cet événement historique ne doit jamais être oublié. Des associations antiracistes, cercles de l’Association nationale des partisans italiens (ANPI), organisations politiques et sociales, communautés des migrantes, centres sociaux, comités de base, se battent tous les jours pour que la société ne soit pas détruite par une guerre entre pauvres qui favorise seulement les pires des pouvoirs à travers la haine cultivée par l’extrême droite. Montrons à ces nostalgiques, à leurs patrons, aux patrons politiques et aux institutions que Milan aime la liberté et refuse le fascisme, aujourd’hui comme il y a 70 ans!
Milan antifasciste, antiraciste et métis. Milan: nazis, racistes, non merci! (Publié par Sinistra Anticapitalista, Milan; traduction A l’Encontre)
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[1] Depuis le 15 décembre 2013, Matteo Salvini est le nouveau secrétaire fédéral de La Ligue du Nord, parti nationaliste et xénophobe. Il a remplacé Roberto Maroni, en charge du 1er juillet 2012 au 15 décembre 2013. Salvini se profile de plus en plus comme le potentiel leader de la droite et comme alternative au gouvernement Renzi. Figure très médiatisée, il contribue actuellement à relancer le parti suite au scandale des détournements des fonds électoraux dans lesquels sont impliqués des membres de la famille du leader historique Umberto Bossi. La ligne politique de Salvini consolide le processus de construction nationale de la Ligue du Nord. Cela implique l’abandon du sécessionnisme et de l’«approche nordiste» (le parti s’est construit dans la région de Lombardie et de Vénétie), pour embrasser une perspective nationaliste basée sur l’anti-européisme (contre l’UE et ses institutions, contre les politiques d’immigration, etc.). La Ligue du Nord de Salvini s’allie et collabore avec des groupuscules fascistes, notamment avec l’association Casa Pound basée à Rome. Par exemple, la manifestation du 18 octobre 2014 contre les politiques migratoires de l’UE (Marenostrum) organisée par la Ligue du Nord et le mouvement fasciste Casa Pound a réuni plus de 40’000 personnes au centre de Milan en attestant l’essor de ce parti. Sur ce point, voir sur ce site http://alencontre.org/europe/italie/italie-milan-18-octobre-une-mobilisation-reactionnaire-qui-en-dit-long.html (Rédaction A l’Encontre).
[2] En Italie, le 25 avril est la date choisie pour célébrer la fin de la «double décennie» fasciste qui s’étale depuis la prise du pouvoir de Benito Mussolini, le 29 octobre 1922, jusqu’à la fin de la République sociale italienne (RSI) le 25 avril 1945. En effet, le 25 avril 1945, les forces de la Résistance réunies dans le Comité de Libération Nationale – front unitaire de lutte contre le régime fasciste qui rassemblait en son sein divers partis et associations – appuyé par les forces Alliés libèrent les villes de Turin et de Milan. D’autres villes du Sud, par exemple Naples, étaient libérées par les forces de la Résistance déjà en 1943 grâce à des soulèvements populaires. Depuis 1949, le 25 avril est officiellement proclamé fête nationale. Des célébrations sont prévues dans toutes les villes d’Italie. Cette année renvoie donc à la 70e année de la Libération. (Rédaction A l’Encontre)
[3] Il s’agit des épisodes d’assassinats politiques dans le cadre des affrontements des années 1970 en Italie. Le 16 avril 1975, de retour d’une manifestation pour le droit au logement, le militant antifasciste et membre du Mouvement des travailleurs pour le socialisme (mouvement issu du mouvement des étudiantes de l’Université d’Etat de Milan) Claudio Varalli est tué par les balles de l’arme de poing d’Antonio Braggion, membre de l’organisation fasciste Avant-garde nationale (AN). Le lendemain, les camarades de Claudio organisent une grande manifestation de protestation qui débouche sur des affrontements avec la police. Dans le cadre de ces affrontements, l’enseignant d’éducation physique Giannino Zibecchi trouve la mort, écrasé par un véhicule blindé de la gendarmerie italienne. Dans le premier cas Antonio Braggion fut condamné en deuxième instance à 6 ans de prison tandis que la mort de Zibecchi a été classée comme relevant d’un «accident» et les policiers responsables ont échappé à toute enquête sérieuse. (Rédaction A l’Encontre)
Pietro Ramelli fut un jeune militant de la formation fasciste Mouvement social italien (MSI). Le 13 mars 1975, il est agressé par des militants d’Avant-Garde ouvrière (AO). Il meurt le 29 avril 1975 après 48 jours de coma. Le tribunal a reconnu huit agresseurs. Quatre d’entre eux ont été condamnés en deuxième instance à des peines respectives de 11 ans et 4 mois, 10 ans et 10 mois, 7 ans et 9 mois, 7 ans et 11 ans. (Rédaction A l’Encontre)
[4] Depuis des années, les forces de l’extrême droite en Italie s’organisent sous le sigle « I Camarati » pour défiler le 29 avril dans les rues de Milan dans le but de rendre hommage aux morts fascistes tué lors de la libération de Milan ou lors des affrontements des années 1970. Le 29 avril marque l’anniversaire de la mort de Carlo Borsani. C’était un militaire milanais qui avait adhéré à la République sociale italienne (RSI de Mussolini de septembre 1943 à avril 1945, dans les zones contrôlées par l’armée nazie), puis qui a été exécuté par les partisans le 29 avril 1945. Selon les chiffres fournis par les médias, entre 2000-2500 fascistes ont défilé lors de la dernière manifestation le 29 avril 2014. (Rédaction A l’Encontre)
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Appel unitaire pour empêcher le défilé nazi-fasciste du 29 avril à Milan
Au cours des dernières années, nous avons assisté à une augmentation du nombre des initiatives de propagande raciste, sexiste, homophobe et xénophobe de la part des nombreux groupes et organisations fascistes dans la ville de Milan. Cette dernière est devenue un carrefour des organisations d’extrême-droite européenne.
Renforcés par des nouvelles alliances, tactiques ou stratégiques comme le nouveau sujet noir-vert de Salvini, ces groupes continuent à opérer tranquillement. Ainsi, nous avons assisté à l’augmentation des stands dans les marchés et les quartiers populaires, à leur présence dans les médias (y compris à la télé), à des initiatives dans les écoles et les universités et à des manifestations de rue où les plus vulnérables sont les victimes d’agression.
Grâce à cette tolérance, aux couvertures et aux alliances [des autorités] les néofascistes milanais ont durci leurs actions avec des agressions contre les migrant·e·s, réfugié·e·s, étudiant·e·s, militant·e·s ou sympathisant·e·s antifascistes. La dernière attaque recensée a fait qu’Emilio est tombé dans le coma, un camarade du centre sociale Dordoni [dans la ville de Crémona] [1]. Après avoir été pour plusieurs jours entre la vie et la mort, ce jeune est rentré récemment à la maison et a rejoint sa famille.
Seules les mobilisations que nous avons construites collectivement en partant des lieux où le travail politique et social est quotidien et constant – dans les quartiers, écoles et universités — ont permis de freiner le développement de ces groupes. Cela représente une réponse concrète à ceux qui veulent utiliser la profonde crise économique et sociale pour redonner audience à leur idéologie pourrie et nostalgique et alimenter une guerre entre pauvres dont le seul but est de nous faire s’affronter les uns contre les autres, pendant que les puissants et les gouvernants continuent à s’enrichir sans le moindre souci.
D’une part, les nazis-fascistes jouent le rôle des utiles et dangereux idiots au service du pouvoir dans un moment si délicat et sont de véritables vecteurs de haine, de racisme et de domination envers les plus démuni·e·s. On constate ces attitudes imprégnées de l’idéologie dont ils s’inspirent dans leurs conférences ou lors des leurs mobilisations dans les rues de nos villes.
Sur le plan institutionnel, rien n’a été mis en place pour s’opposer à l’activité de ces groupes. A l’intérieur même des partis et associations se revendiquant de l’antifascisme, le silence est parfois assourdissant. On tombe dans une sorte de formalisme «démocratique» selon lequel tous ont le droit de manifester. Mais à ceux et à celles qui soutiennent l’idéologie de la domination, de la violence et de la suprématie raciale on ne doit pas laisser le droit à la parole. Affirmer une telle option signifie participer à maintenir le devoir de mémoire de chacun d’entre nous, comme lors de la Journée de la mémoire que nous avons récemment célébrée [2].
Dans un tel contexte, nous avons réussi à construire des moments importants de mobilisation. Après des années de défilés nazi-fascistes, le 29 avril [2014] nous avons réussi à construire une contre-manifestation antifasciste. Le 18 octobre [2014], des milliers des jeunes (et moins jeunes), «métis» et antifascistes sont descendus dans la rue pour protester contre la tenue d’une manifestation organisée par la Ligue du Nord et Casa Pound [sur la place du Dôme de Milan]. Il est vrai que nous n’étions pas plus nombreux que les fascistes. Ceux-ci ont organisé une mobilisation nationale avec des bus payés par le parti, alors que nous avons mobilisé à l’échelle locale (Milan) et en construisant la mobilisation d’en bas. Toutefois, ce qui compte le plus, c’est que nous avons montré qu’il y a une large partie de la ville de Milan qui n’accepte pas les défilés fascistes et qui refuse d’être prisonnière des tergiversations des policiers, gouvernants et de la mairie
Dans cette perspective, plusieurs initiatives se sont développées à la suite du 18 octobre dans toute l’Italie, comme les mobilisations du 28 février 2015 à Palerme et Rome sous les mots d’ordre « #maiconsalvini » [jamais avec Salvini]. Elles ont débouché sur une réponse ferme et déterminée face aux actions des nouveaux fascistes noirs-verts.
Notre intelligence collective nous a permis d’organiser ces mobilisations sur la base d’un débat autour des choix à mettre en place, d’initiatives à entreprendre et du niveau de conflictualité à avoir par rapport à l’efficacité politique, au résultat et aux objectifs réels que nous nous sommes posés et non pas sur la base d’une esthétique du conflit ou des «discours abstraits» sur la démocratie.
En utilisant le même prétexte des «tombés à la guerre», le 29 avril prochain (quatre jours après la commémoration de l’anniversaire de la Libération) les néofascistes et néonazis de Milan envisagent d’organiser un défilé nazi dans les rues de notre ville avec leurs alliés fascistes d’Europe. Cette année, leur but est d’utiliser la présence de l’Expo et l’attention médiatique qui en découle dans le but de réaliser un grand «spot publicitaire» [ou vidéo promotionnelle] de leur triste idéologie.
A ce propos, nous appelons à mobiliser tous et toutes les camarades qui ont contribué ces dernières années à construire les mobilisations antifascistes afin que le Milan antifasiscte et antiraciste soit à la hauteur du défi en arrivant à construire une large mobilisation le 29 avril. C’est le seul moyen d’empêcher que notre ville soit offensée et violée une fois de plus par les nazis-fascistes.
La ville de Milan a été proclamée médaille d’or à la Résistance. Nous devons maintenir le devoir de mémoire de l’insurrection du 25 avril car cet événement historique ne doit jamais être oublié. Des associations antiracistes, cercles de l’Association nationale des partisans italiens (ANPI), organisations politiques et sociales, communautés des migrantes, centres sociaux, comités de base, se battent tous les jours pour que la société ne soit pas détruite par une guerre entre pauvres qui favorise seulement les pires des pouvoirs à travers la haine cultivée par l’extrême droite. Montrons à ces nostalgiques, à leurs patrons, aux patrons politiques et aux institutions que Milan aime la liberté et refuse le fascisme, aujourd’hui comme il y a 70 ans!
Milan antifasciste, antiraciste et métis. Milan: nazis, racistes, non merci !
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[1] Le soir du 18 janvier 2015, Emilio, un homme de 49 ans militant du centre social Dordoni dans la ville de Crémone [dans la région de Lombardie] a été agressé par des militants de Casa Pound. L’homme a été à plusieurs reprises frappé par des coups de matraque à la tête. Après 46 jours passés à l’hôpital, le 5 mars Emilio est rentré chez lui. Pendant sa longue hospitalisation, un élan de soutien et de solidarité s’est exprimé dans toute l’Italie. Il faut signaler une manifestation antifasciste qui s’est tenue le 24 janvier à Crémone en solidarité avec Emilio qui a rassemblé au moins 2500 personnes. (Rédaction A l’Encontre)
[2] Il s’agit de la Journée internationale de la mémoire dédiée aux victimes de l’Holocauste qui a lieu le 27 janvier, date de l’anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz. (Rédaction A l’Encontre)
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