Grèce. La mise en examen de Panayiotis Lafazanis: du jamais vu depuis la dictature des colonels

P. Lafazanis au centre de la photo

Dossier

Un long réquisitoire à charge invoquant une bonne partie du Code pénal grec. Le secrétaire d’Unité Populaire (LaE) a déclaré: «L’intimidation et les poursuites vindicatives qui ciblent ma personne ne passeront pas comme ça!» (Voir les deux articles déjà publiés à ce sujet sur le site alencontre.org en date, respectivement, des 29 septembre et 7 octobre 2018.)

«C’est avec un sentiment de dégoût et de honte pour la déchéance de mon pays, que j’ai aujourd’hui reçu la convocation me déférant devant la Direction de la Sécurité de la région d’Attique, plus précisément, prenez bien note, devant le «Département de la protection de l’État et du régime Républicain», dans le cadre d’une enquête préliminaire ordonnée par le Procureur Général d’Athènes.

Cette convocation, en vue d’une mise en examen, concerne des accusations relatives à une bonne partie du Code pénal grec, encore même à la législation qui concerne le port et usage d’arme et les pétards et feux d’artifice. Il s’agit en réalité de la criminalisation de mon action contre les ventes aux enchères, action pour la défense des résidences principales et des biens des foyers populaires.

Force est de constater qu’aujourd’hui en Grèce nous sommes face à un gouvernement qui brade le pays tout entier, au point de légiférer un transfert de propriété de sites archéologiques et monuments historiques au Fonds des biens publics à privatiser, organisme sous administration étrangère.

Nous sommes face à un gouvernement d’exécutants, incarnant la subordination totale et la colonisation du pays, un gouvernement devenu un pion entre les mains de centres impérialistes sans scrupule.

Un gouvernement qui, en substance, abolit la Démocratie et gouverne en s’appuyant sur les forces de police antiémeute et l’usage des gaz toxiques contre les manifestants.

C’est bien le gouvernement de la paupérisation généralisée, s’appuyant essentiellement sur le consensus des partis politiques de l’establishment oligarchique, qui semble avoir désormais fait le choix d’inaugurer une nouvelle ère de répression politique sans nuances ni prétextes, répression vindicative en ce qui concerne ma personne, afin de faire céder la résistance, le moral et la dynamique ascendante de ces mouvements et forces politiques qui ne se soumettent pas, ne baissent pas la tête, ne se laissent pas abattre, ne se découragent pas et ne désarment pas suite à la désillusion, mais qui, au contraire, continuent à brandir les drapeaux de la Gauche, celle que le gouvernement a trahie mais qui reste cependant toujours vivante en animant le grand projet toujours d’actualité d’une société d’humanité et de liberté.

C’est bien la première fois que je subis des poursuites judiciaires depuis l’époque de répression politique subie de la part de la junte militaire du colonel Geógios Papadopoulos (premier ministre de 1967 à 1973, avec un titre de «régent» en 1973], puis du général de brigade Dimitrios Ioannidis [un des instigateurs du coup d’Etat de 1967]. Ce n’est pas pour moi une tragédie, mais c’en est une pour mon pays, car je suis le premier responsable de parti politique démocratique de la période post-dictature, qui est convoqué pour répondre à des accusations clairement politiques mettant en jeu une bonne partie du Code Pénal grec. Elles m’ont été adressées, et j’y trouve de l’ironie, par le dit «Département de la Défense de la Sécurité de l’État et de Protection du Régime Républicain».

Il est bien connu que de telles pratiques sont aujourd’hui appliquées en Turquie voisine. Je les combats personnellement lorsqu’elles ont lieu là-bas, non seulement en les dénonçant depuis Athènes, mais en me rendant encore sur place, à Ankara et à Istanbul.

Le gouvernement et l’ensemble de l’establishment qui soutiennent la politique des mémorandums ne sont pas seulement dérangés par ma position politique et la lutte d’Unité Populaire (LAE) pour la défense des résidences principales contre des mises aux enchères injustes, arbitraires et non démocratiques. Ils ne sont pas dérangés seulement par nos luttes contre les débranchements des compteurs d’électricité des foyers modestes prévus de s’intensifier dans les mois à venir, au point d’en devenir un cauchemar pour la société.

Ils ne sont pas même dérangés seulement par notre résistance politique et sociale en faveur de salaires et retraites décents, des conquêtes salariales et des droits sociaux.

Le gouvernement et tout l’establishment qui imposent les mémorandums ou qui en profitent, sont essentiellement dérangés par la dynamique ascendante d’Unité Populaire, qu’ils tentent vainement de dissimuler par leurs faux sondages, dérangés par le fait que cette dynamique pourrait modifier la carte politique dans un futur proche, et envoyer aux poubelles toute cette partie de la Grèce qui porte la décadence, la corruption, l’escroquerie politique, la collusion d’intérêts, l’appropriation frauduleuse des biens d’autrui et la servitude volontaire aux puissances étrangères.

La répression exercée envers ma personne n’a pas le but de m’intimider. Mes anciens camarades, haineux et vindicatifs, de la direction de SYRIZA et du gouvernement, me connaissent assez pour savoir que cela ne passera pas comme ça.

La persécution envers ma personne ainsi qu’envers les trois militants qui comparaissent mardi (le 9 octobre 2018) au Palais de Justice d’Athènes, suite à leur résistance aux mises aux enchères, les 20 militants réprimés pour la même raison à Volos, les 15 poursuivis à Nafplio, les 2 de Thessalonique, a pour but de réprimer tout un mouvement, qui s’étend et marque bien l’étape traversée aujourd’hui par la Grèce, un mouvement qui effraie et menace certains, qui est efficace et enregistre des victoires.

Nous assurons les faussaires politiques, les vindicatifs haineux et les fous du pouvoir, qui aspirent à rivaliser dans les persécutions les pires moments d’intolérance qu’a connus notre pays au cours de la période après la guerre civile, qu’ils n’arriveront à intimider personne et que leurs sinistres desseins antidémocratiques échoueront.

Les jours de leur pouvoir non démocratique sont comptés, car la Grèce fera l’expérience d’un nouveau printemps et d’un nouvel espoir, en laminant les forces destructives qui portent aujourd’hui les mémorandums et l’austérité.» (P. Lafazanis)

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Déclaration de Maître Sarantos Theodoropoulos,
conseil juridique de Panayiotis Lafazanis

Avec une profonde tristesse et un étonnement sincère, j’ai pris connaissance de la situation tragi-comique de la convocation devant la Sécurité de l’État d’un dirigeant politique pour y répondre de ses activités politiques, situation jamais vue depuis l’époque du ministère aux Affaires Intérieures grecques du général de brigade des blindés Stylianos Pattakos [un des instigateurs du Coup d’Etat exécuté dans la nuit du 20 au 21 avril 1967; condamné à vie, il fut libéré pour «raisons de santé» en 1990, sous le gouvernement de Konstantinos Mitsotakis ; il affirma alors avec force être toujours le partisan de la dictature, dont il fut le ministre de l’Intérieur]

P. Lafazanis intervenant début août 2015, suite à la capitulation du gouvernement Syriza-Anel après le référendum gagné de juillet 2015 contre l’austérité

Par des manipulations, que même le régime Erdogan aurait enviées, l’opposition aux mises aux enchères est présentée pour rébellion, trouble de l’ordre public et de la paix intérieure, dégradations simples ou aggravées des biens d’autrui, insulte, violence physique simple ou potentiellement dangereuse, notamment contre des agents de police. L’esprit retors de ceux qui ont forgé le réquisitoire insensé n’a pas omis d’y rajouter des infractions à la loi sur les armes et munitions et encore à la loi sur les pétards et feux d’artifice.

Heureusement les 7 mars, 21 mars et 28 mars 2018, les caméras des journalistes ont immortalisé l’orgie de répression asphyxiante exercée contre le mouvement populaire. Et l’opinion publique a son propre avis sur les accusations abusives contre Panayiotis Lafazanis, uniquement motivées par le désir de vengeance de certains face à la cohérence de son parcours politique.

Je tiens à rappeler la seule convocation pénale d’un ridicule comparable à celle-ci, conservée dans ma mémoire, est une convocation de police, adressée au syndicaliste Diamantis Mavridoglou pour avoir lâché en famille un cerf-volant le mardi gras, selon la coutume, en contrebas d’une montagne dans la région d’Attique, en 1960.

Je soutiendrai de toutes mes forces Panayiotis Lafazanis dans ses luttes. Dans notre pays, les jours du général de brigade Pattakos sont définitivement du passé et les jours d’Erdogan ne doivent jamais advenir.

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Le document d’accusation adressé à Panayiotis Lafazanis. Toutes les charges contre Panayiotis Lafazanis et les peines encourues

Nous énumérons ci-dessous les charges portées contre Panayiotis Lafazanis, et les seize (16) articles du Code Pénal qui auraient été enfreints selon le réquisitoire d’accusation, lui faisant encourir, par cumul des peines, neuf ans d’emprisonnement!

  • Rébellion à l’autorité (article 167 du Code Pénal grec, un an d’emprisonnement)
  • Violences simples (article 308 du CP grec, peine de 6 mois de prison ou amende de 3000 €)
  • Violences pouvant entraîner des lésions dangereuses (article 309 du CP grec, 3 mois d’emprisonnement)
  • Violences contre agents de police (article 315- A du CP grec, circonstance aggravante)
  • Trouble de la paix domestique (article 334-3 du CP grec, 6 mois d’emprisonnement)
  • Dégradations simples des biens d’autrui (peine d’emprisonnement maximale de 2 ans)
  • Dégradations graves (article 382 CP, 6 mois d’emprisonnement minimal)
  • Insulte (article 361 du CP grec, jusqu’à un an d’emprisonnement)
  • Menaces (article 333 CP, jusqu’à un an d’emprisonnement)
  • Récidive d’un crime ou délit (article 98 CP)
  • Sur le cumul des peines (article 94 CP)
  • Complicité à un crime ou délit (article 45 CP)
  • Trouble de l’ordre public (article 189 CP, jusqu’à un an d’emprisonnement)
  • Tentative de commettre un crime ou délit (article 42 CP)
  • Infraction à la loi 2168/93 sur les armes et munitions (de 6 mois à 5 ans d’emprisonnement)
  • Infraction à la loi 456/76 sur les pétards et feux d’artifice (de 6 mois à 2 ans d’emprisonnement)

(Source: Iskra.gr ; Traduction E. Kosadinos)

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