Selon une étude publiée, le 17 mai 2011, par l’Observatoire des inégalités (France), sur la base de données datant de 2008: 26,1% des habitants du Royaume-Uni déclaraient être dans l’incapacité de se payer une semaine (par année) de vacances loin du domicile. Un chiffre légèrement en dessus (24,4%) de celui recueilli en Allemagne – toujours sur la base d’appréciations des personnes interrogées – mais inférieur à celui relevé, alors, en France (30,9%).
Depuis 2008, la situation des classes laborieuses au Royaume-Uni s’est fortement dégradée. Une étude de l’Institute for Fiscal Studies (ISF) – publiée en octobre 2011 et intitulée Child and working-age population from 2010 to 2020 (61 pages) – a suscité de nombreuses enquêtes et articles. Ainsi la chute des salaires était estimée à 7% entre 2009 et 2011. Le taux chômage se situait à hauteur de 7,7% en mars 2011 (corrigé des variations saisonnières) et à 8,2% en janvier 2012. Quelque 22% des jeunes, «lancés sur le marché du travail», sont à la recherche d’un emploi. Selon l’ISF, le nombre de travailleurs pauvres – dit autrement ceux et celles dont le salaire obtenu contre la vente de leur force de travail ne permet pas sa reproduction sociale selon les normes historiques établies – devrait s’établir à 8 millions en 2013. En prenant comme critère le 50% du revenu médian comme seuil de pauvreté – et avant déduction des dépenses de logement – 3,5 millions d’adultes travaillant étaient plongés dans une situation de pauvreté, en 2011. Après déduction des frais de logement, ce chiffre s’élevait à 5,5 millions (p. 55 et 56). Le nombre d’enfants pauvres relevant de cette «catégorie statistique» est de 2,3 millions en 2011. Selon, l’ISF ils seront au nombre de 2,5 millions en 2013.
La BBC, le 7 juin 2011, reproduisant une étude de l’ONG Save the Children, affirmait: «La Grande-Bretagne a beau être l’un des pays les plus riches au monde, elle n’en compte pas moins de nombreux enfants vivant dans la pauvreté. Le taux britannique se situe parmi les plus élevés du monde industrialisé. Près d’un enfant sur trois grandit dans une famille gagnant moins de 60% du salaire britannique médian.» Les témoignages des enfants étaient résumés de la sorte: «Certains d’entre eux se plaignent de ne pas manger le soir, d’autres expliquent qu’ils n’ont aucun endroit où jouer. D’autres encore racontent les brimades subies à l’école, parce qu’ils sont mal habillés ou ont l’air sales. Paige, 10 ans, habite une tour à Glasgow, en Ecosse. Elle explique qu’elle n’ose pas inviter ses camarades chez elle, car les murs de l’appartement sont couverts d’humidité et de moisissure. Sam, 11 ans, vit à Leicester, dans le centre du Royaume-Uni, avec son père et sa sœur. A l’école, il est victime des brimades de ses camarades. «Ils se moquent de moi parce que mes pantalons sont déchirés et trop courts pour moi», explique Sam. «Ils me traitent de fille, parce que je suis obligé de porter les vieux chemisiers de ma grande sœur. Cela me met hors de moi et j’ai envie de les frapper, mais je serais puni.» Sa sœur, Kayleigh, âgée de 16 ans, se dit inquiète pour son frère: «Je me fais du souci pour lui en permanence. Quand on est marqué, c’est pour la vie.»
L’article du Guardian, reproduit ci-dessous, doit être lu en ayant à l’esprit ce décor social. Quand bien même, les personnes ayant recours aux banques alimentaires ont, souvent, l’apparence de «simples familles modestes», comme le laisse entendre la vidéo du Trussel Trust, le principal réseau de banques alimentaires en Grande-Bretagne. (Rédaction A l’Encontre)
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Par Patrick Butler
Le Trussel Trust, le principal réseau de banques alimentaires en Grande-Bretagne, distribue quotidiennement des colis de nourriture de secours à des parents qui se passent de repas pour pouvoir nourrir leurs enfants ou qui envisagent même de voler de la nourriture afin de s’alimenter depuis qu’ils sont frappés par les mesures d’austérité du gouvernement [dirigé par le Premier ministre David Cameron, conservateur, installé au 10 Downing Street, le 11 mai 2010].
Lors de la publication de son rapport annuel, qui est rapidement en train de devenir un baromètre du dénuement social, le Trussel Trust a déclaré que le nombre de personnes auxquelles il distribue des colis de nourriture de base a doublé au cours des derniers 12 mois. L’institution prévoit que ce nombre va encore s’accroître suite aux ravages entraînés par l’augmentation du coût de la vie, la diminution des salaires et les coupes dans les allocations de «l’Etat social».
Selon cette fondation, chaque semaine, deux nouvelles banques alimentaires ont ouvert leurs portes en Grande-Bretagne au cours des 12 derniers mois. Cela pour faire face à une explosion des demandes de la part de familles qui vivent au seuil du dénuement. Cette œuvre de bienfaisance supervise actuellement 201 banques alimentaires – soit 100 de plus qu’en 2010-2011 – qui fonctionnent avec des équipes professionnelles partout dans le Royaume-Uni.
L’année passée, ces centres ont ainsi nourri 128’000 personnes en distribuant 1225 tonnes de nourriture données par des personnes, par des écoles et par des entreprises. Ils évaluent à un 500’000 le nombre de personnes qui recevront un carton de nourriture d’ici 2016.
Chris Mould, le président du Trussel Trust, explique: «Les banques alimentaires voient passer des personnes qui se trouvent dans toute sorte de situation qui viennent nous demander de l’aide lorsqu’elles sont frappées par la crise. (…) Dans la situation économique actuelle beaucoup de gens se trouvent en difficulté. Tous les jours nous rencontrons des parents qui sautent des repas pour nourrir leurs enfants et qui envisagent même de voler pour empêcher que leurs enfants ne doivent se coucher le ventre vide.
Il est choquant qu’il y ait un tel besoin de banques alimentaires en Grande-Bretagne au XXIe siècle, et pourtant les besoins augmentent encore ».
Les cartons des banques alimentaires contiennent assez de nourriture non périssable pour que le bénéficiaire puisse se nourrir pendant trois jours. Il y a deux grandeurs: une pour les familles et une pour les personnes seules.
En général ils contiennent des pâtes, des légumes en conserve, des fruits, du poisson, des jus de longue durée et du lait. Les clients peuvent recevoir au maximum trois cartons avant d’être envoyés au Citizen’s Advice [un office d’assistance sociale et de conseils] ou d’autres agences d’aide].
Mould explique qu’en général ceux et celles qui présentent avec des bons pour des banques alimentaires sont envoyés par des professionnels des services d’assistance au niveau local. Il ne s’agit pas de sans domicile ou d’indigents, mais plutôt des familles travailleuses qui se battent avec des revenus bas ou on droit à des minima sociaux: «Il y a cinq ans, le principal problème était l’endettement personnel. Maintenant ce sont les délais avant de toucher des allocations ou pour percevoir des prêts de secours face à une crise aiguë. Il y a de sérieuses carences dans le système d’aide sociale.»
Mould a ajouté que durant les années antérieures la très grande majorité des usagers des banques alimentaires ne venaient qu’une seule fois, pour les aider lors d’une crise passagère. Maintenant, il y en a davantage qui reviennent. «De plus en plus de gens à bas revenu devant gérer des situations grevées par les prix des biens alimentaires et des loyers à la hausse ainsi que des salaires à la baisse ne pourront plus tenir.»
Gavin Kimble, le directeur de projet à la banque alimentaire de Coventry – qui a nourri 7’500 personnes en 2010-2011 – la première année de l’opération, a décrit la banque alimentaire comme étant un «baromètre de l’état de la nation». Il a ajouté: «En ce moment, il y a une conjonction de facteurs qui provoque un déferlement social. Pris un à un ces facteurs ne provoqueraient pas un problème trop compliqué, mais ensemble ils sont en train de jeter beaucoup de gens dans la détresse.» (Traduction A l’Encontre)
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Cet article a été publié dans le quotidien The Guardian, en date du 26 avril 2011.
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