Ni à Whirlpool, ni ailleurs, Le Pen n’est la candidate des ouvriers et ouvrières

Par Marianne Mugnier et Eugène Bégoc

Ce mercredi 26 avril, plusieurs militant·e·s d’Ensemble 80 (courant qui soutenait la candidature de J.-L. Mélenchon et a adhéré au Front de gauche) ont rencontré les Whirlpool [1] pour échanger sur leurs perspectives et leurs attentes de soutien (caisses de grève, appel public, relais des revendications…). L’accueil est bon, l’approfondissement du soutien recherché. Le point de la rencontre à l’heure de la pause déjeuner, l’essentiel de l’échange devant être repris et approfondi dans les heures et les jours qui viennent car la venue de Le Pen nous a contraints à donner la priorité à activer les réseaux socio-politiques.

Depuis lundi 24 avril, soit trois mois après la réunion du Comité d’entreprise (CE) du 24 janvier qui a déclenché le PSE loi Florange [PSE: Plan de sauvegarde de l’emploi], une partie seulement des 500 salarié·e·s Whirlpool et des intérimaires maintient les lignes de production qui ont assuré en 2016 la sortie de 700’000 sèche-linge, dont la majeure partie est situés dans le haut de gamme: une autre partie se relaie pour bloquer les sorties des composants, le site amiénois [Amiens] approvisionnant dans la banlieue de Bristol [Royaume-Uni] l’autre unité du groupe à fabriquer des sèche-linge. Le rachat du concurrent Indesit, qui exploitait le site anglais, conduit désormais Amiens à produire des composants pour les fabrications réalisées en Angleterre, voire à réaliser une part du cahier de commandes de Bristol, 100’000 machines en 2016.

Vendredi 28 avril, le préfet fera au nom du comité de suivi gouvernemental et régional un point d’avancement à l’intersyndicale. La veille, l’intersyndicale fera le point, elle, des possibilités de poursuite d’actions avec l’ensemble des salarié·e·s. La semaine de grève a en effet été précédée d’un autre temps fort avec le déplacement au siège francilien de la moitié des salarié·e·s de l’usine amiénoise suivi d’un rassemblement au Champ de Mars où étaient convié·e·s les onze candidat.e.s du 23 avril.

Le 26 mai arrive à échéance le délai loi Florange de l’obligation pour Whirlpool de démontrer qu’il démarche des repreneurs pour les salarié·e·s qu’il licencie et la reconversion du site. Le site de Montières, exploité depuis 1945 et situé dans le lit majeur de la Somme, est étroitement surveillé par les directions centrales du gouvernement pour les menaces de percolation de décennies de polluants dans la nappe phréatique. Il ne semble pas qu’à cette étape ni Caseneuve (Premier ministre), ni Sapin (ministre des Finances) ou Sirugue (secrétaire d’Etat au numérique et à l’innovation) n’entendent imposer une quelconque obligation de mesures correctives et préventives en préalable à la vente par Whirlpool de son foncier et de ses bâtiments: l’union sacrée avec la municipalité et le conseil régional de droite – «au nom de l’emploi» – entérine même l’inverse, la demande de l’agglomération à Whirlpool de cession du foncier à l’euro symbolique, quand tout contrat privé exigerait au contraire que le vendeur verse à l’acheteur un montant à dire d’expert pour le financement des futures mesures de surveillance et de dépollution d’une partie des sols.

Malheureusement, le 26 avril relègue l’enjeu social, professionnel et environnemental au second plan des projecteurs télévisuels (visite de Macron et Le Pen).

BFM TV: une longueur d’avance

BFM TV n’est pas une TV à l’écoute des salarié·e·s, ni dans l’ordinaire des tâches d’exécution, ni dans les actions. Aussi partagions-nous l’étonnement de nombre des grévistes de Whirlpool ce 26 avril à midi sur leur présence depuis le matin ainsi d’ailleurs que sur leur voisinage avec le groupe local du FN et leurs quelques interlocutrices et interlocuteurs de l’usine. Dénouement à 12h50 avec la précipitation de l’équipe à aller à la rencontre du service d’ordre au milieu duquel finissait par sortir la candidate de second tour: Marine Le Pen

Quinze minutes plus tard, débarquait la cohorte de journalistes du car Paris-Amiens-Arras de la campagne Macron, sortis de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) d’Amiens dès les premières images télévisées: trop tard pour saisir des images de Le Pen dans la zone d’activités de Montières, suffisamment tôt pour saisir à chaud le «ressenti» des salarié·e·s.

Captifs des horaires du car Macron pour le meeting d’Arras, les pigistes n’auront pu attendre le retour de l’intersyndicale qui interpellait Macron à la CCI sur les carences gouvernementales et régionales dans l’application de la loi Florange. Ils auront néanmoins pu mesurer la densité des échanges suscités par les quelques manifestations bruyantes d’hostilité au FN, et leur appui dans l’ensemble de l’arc syndical, de la CFTC à la CFDT et à la CGT, comme des nouvelles arrivées de soutien, Ensemble! 80 bien sûr et les autres composantes du comité législatif de la candidature Ruffin-Desburaux [le réalisateur – François Ruffin – du film Merci Patron! va se présenter aux législatives de juin 2016].

Les deux candidats de deuxième tour polluent donc une action menée au sein d’une multinationale majeure: l’une en venant engranger à BFM TV des images sur le mode «moi présidente» avant son débat télévisé du 3 mai; l’autre en récusant toutes les interpellations des Whirlpool depuis l’annonce de la fermeture le 24 janvier. Contraint par Ruffin – sur le plateau de son «Pujadas» [le débat dit politique sur FR2] – à s’engager à enfin rencontrer l’intersyndicale. Il a fait prévenir en dernière minute que ce serait à la CCI voisine de la gare et non sur le site de la zone d’activités, pourtant situé à 10 minutes de taxi de la gare. [Le face-à-face a eu lieu, finalement; Macron a «promis de revenir sur le site, qu’il soit élu ou non. S’il est élu, il s’est engagé à ne pas homologuer le plan de sauvegarde de l’emploi «s’il n’est pas à la hauteur» et de faire le maximum pour trouver un repreneur», selon Le Monde.]

Une intersyndicale qui ne baisse pas les bras devant la multinationale

Sur l’invitation d’Envoyé spécial, présent aujourd’hui comme devant le siège francilien de Whirlpool avec les salarié.e.s, deux participants de l’intersyndicale sont allés à Lodz [Pologne]. L’unité Indesit de Lodz transférerait la production de réfrigérateurs en Italie pour assurer à compter de janvier 2018 la production de sèche-linge pour le secteur Europe, Moyen-Orient et Afrique du groupe. Rien n’est à cette date engagé à Lodz pour ce passage de la production réfrigérateurs à celle de sèche-linge. Le cahier des charges de Bristol, 900’000 sèche-linge d’entrée de gamme, est-il également concerné? Le gouvernement actuel ne semble avoir pris langue ni avec l’exécutif polonais, ni avec les autres gouvernements des autres pays de production, les Britanniques et les Italiens.

Devenue majoritaire au détriment de la CFTC amiénoise, la CFDT Whirlpool travaille étroitement avec la CGT à construire la démarche intersyndicale, avec la CGC et avec FO Prima. Les intérimaires, pendant cette semaine de grève, sont associé.e.s à la conduite de l’action – quand bien même la cible est le refus d’une reprise au rabais et donc un P.S.E. ambitieux. L’implication dans le soutien des candidats Ruffin/Desbureaux et du comité de circonscription entre dans son plein développement avec l’étape de l’occupation du parking. L’image offerte par BFM TV relève du coup médiatico-politique: elle en dit davantage sur la dégradation du politique, de l’élection d’un conseil régional avec moins de 25% de suffrages exprimés pour le PS et les gauches du PS à un deuxième tour présidentiel avec Le Pen toujours pas virée des urnes. (27 avril 2017; publié par Ensemble).

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[1] Whirlpool Corporation est une entreprise américaine spécialisée dans le développement, la construction et la distribution d’appareils électroménagers. Le siège de cette transnationale se trouve dans l’Etat du Michigan, à Benton Harbor. Cette société a opéré le rachat de multiples firmes: Maytag (laveuses, sécheuses, réfrigérateurs), entreprise états-unienne. Indesit, une entreprise d’électroménager qui a été créée en 1930 dans la province d’Ancône (les Marches) dans le cadre de la «modernisation» fasciste, par la famille Merloni; cette famille a opéré de très nombreux rachats dans le secteur ample de l’électroménager. L’entrée en bourse s’effectue, sous le contrôle du holding familial, en 1987, après l’acquisition d’Indesit, qui est aux mains du concurrent Philco Italy.Tout le groupe Merloni est rebaptisé Indesit Company en 2002 et dès 2005 des restructurations ont lieu, entre autres en France. Entre-temps, le holding Merloni avait fait une acquisition en Russie en mettant la main sur un des plus grands fabricants d’appareils ménagers Stinol et était entré dans le secteur de l’électronique de consommation en intégrant le groupe italien Sinudyne. La restructuration s’accentue dès 2010 autour des produits phares: Hotpoint-Ariston, vendus sous divers noms selon les pays. En juillet la collaboration avec Whirlpool se conclut par une prise de capital de ce dernier à hauteur de 60,4%, puis en 2015, du total des actions d’Indesit. Bauknecht, entreprise allemande, créée en 1919, est acquise par Whirlpool, après avoir été captée par Philipps. En 1991, elle passe à 100% dans les mains de Whirlpool. Jeen-Air, producteur des ensembles dits de «cuisine de luxe», passe aussi dans les mains de Whirlpool. Cette transnationale multiplie les sous-traitances, les échanges croisés, les marques, etc. (Rédaction A l’Encontre)

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