L’industrie de la Vallée de l’Arve: le miroir d’une mondialisation qui transforme la planète ?
par Charles Barbey et Nicola Cianferoni
Comment décortiquer un phénomène aussi complexe que la mondialisation du capital ? Dans le film “Ma mondialisation”, Gilles Perret nous propose d’assister aux transformations de l’industrie du décolletage qui ont affecté la vallée de l’Arve en Haute-Savoie. Ce type d’industrie fabrique des pièces de haute précision pour la production de l’automobile et l’aéronautique militaire et médicale. Ces dernières années, la mondialisation du capital a tout bouleversé. À travers le regard d’un chef d’entreprise, le film révèle les dynamiques économiques et financières qui mènent à la fermeture des usines et à la délocalisation de la production vers la Chine et l’Europe de l’Est. Nous avons rencontré Gilles Perret pour lui poser quelques questions à propos de ce film.
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Pour quelle raison avez-vous choisi de tourner un film sur l’industrie du décolletage (plutôt qu’une autre branche industrielle)? Y a-t-il eu un ou plusieurs éléments déclencheurs?
Gilles Perret: J’ai l’habitude de travailler localement et de prendre des petits exemples qui ne sont pas trop compliqués. En l’occurrence, il s’agissait ici de partir d’une histoire locale pour l’élargir aux problèmes du monde. Avec l’industrie du décolletage dans la Vallée de l’Arve, on a un bon modèle constitué d’un grand nombre d’entreprises qui ont connu toutes les différentes phases de développement de l’industrie mondiale durant les trente ou quarante dernières années. À travers ce groupe d’entreprises, j’ai essayé de raconter la mondialisation vue par des hommes qui l’ont vécue et qui l’ont faite, comme les patrons de cette vallée. Enfin, on ne les entend pas très souvent. De plus, l’un des patrons, que je connais déjà depuis longtemps, me paraissait être un personnage plutôt atypique. Quand j’entendais ce qu’il était en train de vivre, son appréciation du rapport de force dans ses rapports à l’industrie automobile pour qui il fabrique diverses pièces décolletées, les incitations à la délocalisation qu’il recevait, alors je me suis dit que l’on pouvait faire un film traitant de ces questions. L’interrogation était de savoir si les patrons allaient suffisamment se lâcher pour expliquer concrètement ce qu’ils étaient en train de vivre. Finalement, j’ai été agréablement surpris.
Pourquoi n’avez-vous pas choisi de suivre un ou plusieurs salariés au lieu des patrons afin de voir comment ils et elles font face à la mondialisation?
Tout simplement parce que j’ai déjà vu des films à propos des conséquences de la mondialisation sur les salariés. Mais c’est sûr que ce sont eux qui sont les principales victimes de la mondialisation. Lorsque les patrons sont rattrapés par le modèle néo-libéral, ils peuvent toujours vendre leur entreprise, ce qui n’est pas possible pour les salariés qui eux n’ont rien à vendre en dehors de leur force de travail. En même temps, ce sont les patrons qui sont aux commandes de la mondialisation, qui sont des acteurs qui la subissent et qui la répercutent car ils ont beaucoup plus d’influence et de pouvoir. Il est intéressant de voir comment ils sont rattrapés par la mécanique de la mondialisation dans un contexte de mise en concurrence de tout le monde contre tout le monde, on trouve toujours plus fort que soi-même. Ce qui arrive dans la Vallée de l’Arve c’est exactement cela : les patrons ont voulu fricoter avec les délocalisations et la finance, puis, d’un coup, tout cela les dépasse et ils ne sont plus maîtres chez eux. Tout le monde se demande alors ce qui est arrivé à la Vallée et affirme qu’il est nécessaire de tenter de prendre les choses en main pour essayer d’éviter que la situation devienne catastrophique. Evidemment, tout ceci sans mettre en cause le libéralisme et sans prendre le temps d’étudier les mécanismes qui sont à l’œuvre.
A quel public vous adressez-vous à travers ce film?
L’enjeu de la réalisation de ce film était de tenter de sortir du réseau militant. Très souvent, lorsqu’on fait ce genre de films, le risque est de prêcher à des personnes déjà convaincues avec un film correspondant à leurs attentes. Mon objectif était de ne pas être trop manichéen et d’expliquer simplement ce qui est en train de se passer. Du coup, dans la vallée, pratiquement 4’000 spectateurs ont assisté à la vision du film accompagnée par des débats. Tout le monde est venu: les salariés, les patrons, les ouvriers, les syndicats, toutes les classes sociales. Ma plus grande satisfaction, jusqu’à présent, est celle d’avoir pu réunir dans la même salle des gens qui finalement ne se voient plus et qui ne se côtoient plus. Notons encore que le Maire UMP de Cluses a interdit la projection de ce film dans sa ville.
Comment les ouvriers et les ouvrières ainsi que les patrons de la Vallée de l’Arve ont-ils réagi à la vision du film?
La majorité des patrons ont plutôt bien adhéré au film. Ils étaient contents de voir des collègues à eux expliquer ce qu’ils étaient en train de vivre, montrant ainsi que la vie de patron n’est pas forcément une affaire tranquille. Ces derniers subissent de grandes pressions et sont pleins de soucis. Le monde devient toujours plus impitoyable à cause d’une concurrence de plus en plus grande. Les patrons sont pris là-dedans et analysent leur situation avec les références qui leurs sont propres. En effet, ils adhèrent beaucoup moins au discours politique mis en avant dans le film. Pour eux, c’était gênant d’entendre que cette situation est due à des politiques libérales qu’ils avaient cautionnées.
Les salariés qui sont venus ont bien apprécié le film. La seule déception provenait du fait qu’il y avait beaucoup plus de patrons que de salariés, compte tenu des proportions respectives entre patrons et salariés dans la vallée. Dans ce contexte, le film a questionné beaucoup plus les patrons que les salariés. Il faut encore mettre en évidence le fait qu’il n’y a pratiquement pas de culture ouvrière dans la Vallée de l’Arve. Force est de constater que les salariés ont malheureusement en quelque sorte “ démissionné ” du rôle de salariés et de citoyens. Ils ont adopté des méthodes de raisonnement et de consommation qui sont très loin de ce que l’on pourrait attendre d’un citoyen. Le film ne se veut pas manichéen parce qu’on ne veut pas montrer qu’il y aurait les “ salauds de patrons ” d’un côté et les “ pauvres ouvriers ” de l’autre. En effet, ce serait trop facile, parce que les salariés sont tellement dépolitisés qu’ils relayent souvent le discours de leur patron. D’autre part, ils se font aussi avoir par des thèmes populistes que l’on entend beaucoup en période électorale, et cela par manque de culture politique et syndicale dans la vallée. On pourrait y voir une part de responsabilité dans ce qui leur arrive, mais, d’un autre côté, on sait aussi que rien n’est fait pour favoriser l’accès aux informations de ce qui arrive, en particulier dans leurs entreprises. Il faut ajouter aussi que les rythmes de travail sont de plus en plus pénibles, alors la solution de facilité est celle de se mettre sur le canapé et de regarder la télévision. Ce constat n’a pas pour but de culpabiliser les salariés mais de porter un regard plus étendu sur une situation complexe.
Est-ce que le film a motivé les salariés à s’auto-organiser sur leurs lieux de travail par le développement de liens de solidarité?
Le film a créé énormément de débats et l’échange de courriels, y compris entre des gens qui n’ont pas vu le film. Il y a ceux qui sont allés demander des comptes à leur patron et ceux qui commencent à se préoccuper de leur avenir. Maintenant, ce n’est plus possible de dire qu’on ne sait pas comment fonctionnent les boîtes rachetées par des fonds de pension. Des patrons commencent aussi à réfléchir à des solutions alternatives lorsqu’il s’agit de reprendre la boîte. Cependant, les solutions de reprise sont très difficiles parce que les boîtes coûtent chers. Finalement, il y a eu des actions dans quelques boîtes qui, d’ailleurs, ne sont pas sans liens avec la diffusion du film.
Face à cette mondialisation, les patrons s’en sortent-ils mieux par rapport aux ouvriers et aux ouvrières?
Je crois que c’est la conclusion du film: à tous les niveaux, on souffre à des degrés très élevés. Après, il y a ceux qui sont formés et payés pour porter cette souffrance et cette pression, et ceux qui les subissent sans avoir les armes pour gérer tout cela. Donc, globalement, les pressions sont plus nocives sur les salariés plutôt que sur les cadres et les patrons. Face au ras-le-bol, les patrons accusent l’Etat d’imposer des charges sociales trop lourdes et décident de vendre. Ils ont joué au “ jeu du marché ” très longtemps, jusqu’à s’enrichir, puis, ils se cassent lorsque ça devient trop dur. Ainsi, lors de la vente de la boîte, toute la richesse créée par le savoir et la force de travail des salariés et des ingénieurs ira sur le compte en banque du patron. Le salarié peut aussi démissionner quand il en a ras-le-bol, c’est son droit, mais la différence est qu’il n’a pas d’indemnités de licenciement ni d’argent en plus sur son compte en banque.
Que répondriez-vous à quelqu’un qui vous rapprocherait de prendre, à travers ce film, la défense des patrons?
Effectivement, c’est un reproche que l’on peut faire. Je ne crois pas qu’en montrant l’avis des patrons, on prend forcement leur défense. Il y a un besoin urgent de voir et d’écouter ces patrons, pour comprendre leur mode de raisonnement et pour voir comment ils souffrent. Ils ont une culture politique inexistante parce qu’ils ne se sont jamais intéressés aux mécanismes de la mondialisation. Par conséquent, dans l’incapacité de mettre en perspective les événements, leurs propos affirment des jugements dramatiques. La grosse erreur serait celle de rester dans la caricature sans les écouter. Lorsqu’on les voit, on peut observer leurs incohérences et leurs contradictions.
Est-ce que votre idée sur la mondialisation a changé après le tournage du film? Pourquoi?
D’abord, il faut définir la mondialisation. Lorsqu’on la considère comme la mise en concurrence de tout le monde avec tout le monde, les délocalisations constituent les plus grands méfaits qui lui sont attribués. Pourtant, celles-ci sont la conséquence d’une gestion financière de l’industrie. Les échelles de temps de la finance imposent aujourd’hui une rentabilité à court terme au détriment des temps propres à l’industrie. Malgré le tournage de ce film qui met en évidence cette question de la rentabilité à court terme, beaucoup de questions restent en suspens. L’idée que les pays du centre amènent de la richesse dans les pays où il y a un bas coût de main-d’œuvre continue à me questionner. Aux ouvriers de ces pays, j’avais tendance à dire de rester dans leur village et à inventer un système de développement afin qu’ils ne soient pas obligés de migrer là où les conditions de vie sont pénibles. En même temps, si le PIB de la Chine augmente de 10% par an, c’est qu’il faut bien reconnaître que dans ce pays les entreprises occidentales amènent de la richesse. Le problème est comment on repartit la richesse créée sur la planète. Déjà, les salaires des ouvriers de base n’augmentent pas. Puis, quand on regarde qui rachète les déficits américains et les grands groupes en Europe et aux Etats-Unis, ce sont aussi des Chinois. La richesse créée en Chine est donc mal distribuée car elle utilisée pour autre chose que pour la rémunération des salariés.
En regardant ce film, la mondialisation telle qu’elle existe aujourd’hui paraît inévitable. Selon vous, serait-il possible d’avoir une mondialisation différente? Et si oui, comment?
C’est effectivement le discours véhiculé tout au long du film par les patrons lorsqu’ils affirment de ne pouvoir rien faire. Ça les arrange de dire qu’ils n’ont pas de choix, parce que ce monde dont on parle les a plutôt bien servis. Sur cette question, le film est évasif dans le but de créer des débats. Des choix alternatifs existent tout de même : les citoyens ont le droit de voter pour des partis politiques qui peuvent limiter les impacts de la finance. Pourtant, en France, les hommes politiques ont déserté ce terrain-là: celui de la ponction et de la redistribution des richesses. Et je m’imagine qu’en Suisse c’est la même chose. Moi je reste persuadé que la solution des problèmes liés à la mondialisation passe par la reprise en main des mécanismes qui sont à l’œuvre. Par exemple, face aux Chinois qui n’appliquent pas le protocole de Kyoto et qui exploitent les salariés, il ne me paraît pas compliqué de conditionner la poursuite des relations commerciales à l’introduction de normes sociales. Pour lutter contre la logique financière, on pourrait, par exemple, plafonner le taux de rendement des fonds de pension à 5%, au lieu des 15% qui constituent la moyenne d’aujourd’hui. Tout l’argent généré au-delà de ce plafond tomberait dans un impôt commun ou serait réinvesti dans l’outil industriel. Cette proposition a été élaborée par l’économiste Frédéric Lordon, lequel intervient à plusieurs reprises dans le film.
Par rapport au passé, le poids de l’Etat national s’est réduit considérablement. La mise en œuvre d’une politique uniquement nationale serait-elle encore possible?
S’attaquer au chantier de la mondialisation paraît colossal. Pourtant, si personne ne bouge, le chantier sera toujours plus grand au fil des années. Il faut surtout du courage politique. On voit la pression des médias contre le gouvernement du Venezuela, lorsque sont mises en cause les politiques libérales et le fonctionnement de certaines entreprises. Est-ce qu’il faut attendre d’aller droit dans le mur avant d’inventer un nouveau système économique, comme ce fut le cas à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale ?
Pourquoi n’y a-t-il pas le courage que vous souhaitez ? Quelqu’un devrait bien l’avoir et, pourtant, la droite et la gauche répondent avec de nouvelles libéralisations, dont la finalité consiste à rendre les entreprises encore plus concurrentielles.
Il est vrai qu’aujourd’hui les politiques sociales sont orientées en faveur des mesures d’accompagnement au libéralisme. Si la gauche est au pouvoir en France, elle va passer une serpillière afin de nettoyer les dégâts, et ceci sans tenter de s’affranchir de l’idéologie dominante. De plus, l’environnement est peu propice à une “ gauchisation ” de l’électorat. En effet, les valeurs de solidarité passent à la trappe. En même temps, on n’est pas non plus aidé par la presse car celle-ci ne fait pas son travail d’analyse et d’investigation. Après 25 ans de libéralisme, en quoi un service public peut-il rétablir un peu d’égalité dans cette société ? Le fonctionnaire est vu comme un parasite, l’impôt est vu comme une ponction injuste. Sans investigation ni analyse, les journalistes ne font que relayer les propos dominants.
En regardant ce film, il semble que le salarié n’existent pas en tant que sujet social parce que celui-ci subit toutes les décisions prises par les patrons. Ne pensez-vous pas que les salariés puissent lutter contre cette mondialisation? En ce qui concerne les syndicats, sont-ils à la hauteur des défis posés par la mondialisation?
La vallée de l’Arve a une caractéristique particulière: à cause d’une culture ouvrière inexistante, les syndicats sont très peu représentatifs. Malgré cela, on peut dire que les syndicats pratiquent aussi des politiques d’accompagnement du libéralisme. La CFDT, par exemple, a complètement trahi les intérêts de ses adhérents. Désormais, les syndicats ont une culture clientéliste et leur intérêt est celui de vendre des cartes pour avoir de nouveaux membres. Si, dans le cyclisme, les inventeurs de nouvelles drogues vont plus vite que les systèmes de dépistage, face à la mondialisation, les syndicats restent en arrière par rapport à la réalité. Des cours sur la finance devraient être un impératif non seulement pour chaque syndicalisé, mais également pour chaque travailleur dans le cadre d’une éducation populaire.
Les différences de productivité semblent être très grandes entre la Chine et l’Europe de l’Est. Croyez-vous qu’il s’agisse d’une tendance générale? Et si c’est le cas, pourquoi, en Europe, craint-on partout que la production ne soit tôt ou tard délocalisée en Chine?
Les différences de productivité qu’on voit dans le film s’expliquent par deux installations industrielles mises en place à deux moments distincts. Celle de la République Tchèque date de 12 ans déjà. Par conséquent, le patron a eu le temps de perfectionner la productivité et de mettre la pression là où elle n’était pas. En Chine, par contre, l’installation est plus récente et est due à la crainte d’être rayé de la liste des fournisseurs de Renaut, de Peugeot, de Mercedes, etc. Donc, cette délocalisation n’est pas due à un calcul industriel mais uniquement commercial.
La logique financière a pris le dessus sur la logique industrielle: si vous ne délocalisez pas en Chine, vous êtes un dinosaure qui n’avez rien compris à la mondialisation. En effet, les entreprises donneuses d’ordres exigent souvent, comme condition préalable et indépendamment de toutes autres considérations, que les usines de décolletage de la vallée aient à leur tour une sous-traitance en Chine. Il s’agit d’une condition indispensable pour obtenir de nouveaux contrats.
Du point de vue des heures de travail, les entreprises européennes installées en Chine fonctionnent à peu près 40 heures par semaine. Au contraire, dans les joint-ventures (associations entre entreprises occidentales et chinoises), les horaires de travail sont plus longs et les salaires encore plus bas. Pour imaginer comment évoluera la productivité en Chine, voici une anecdote. Il y a dix ans, les salaires étaient deux fois moins importants qu’aujourd’hui dans la boîte tchèque, mais la vie aussi a augmenté d’au moins deux fois. À partir du moment où les coûts de la main-d’œuvre augmentent et que des nouveaux concurrents arrivent sur le marché, le patron ne peut plus se permettre de laisser des pauses pour une cigarette ou un sandwich. Autrefois, le climat était détendu et parfois les personnes rigolaient entre elles. Aujourd’hui, il n’y a pas besoin d’être malin pour sentir la pression et la tension une fois passée la porte de l’usine. Chacun a un chronomètre derrière soi et tout a été rationalisé. Là où il y avait quatre ouvriers, on en a laissé trois. Or, les entreprises de la vallée de l’Arve sont des sous-traitants et si, en allant en Chine, ces derniers réalisent 30% de plus-value en plus, du fait de la baisse des coûts salariaux, alors en réalité cette plus-value est finalement pour le constructeur d’automobile donneur d’ordre, parce que lui-même exigera à son tour une baisse des coûts du même ordre de grandeur. Ce sont les entreprises en contact direct avec le consommateur qui font dans ce cas le plus de profit.
Est-ce que la faible productivité chinoise s’explique aussi par l’existence d’une grande “ armée de réserve ” dans le pays, exploitable 12 heures par jour à des salaires très bas?
C’est possible. Il faut aussi retenir que pour des Européens c’est plus difficile de travailler avec des Chinois plutôt que des ouvriers de l’Europe de l’Est. Les chinois découvrent tout de ce qu’est la concurrence, la consommation, le travail avec des machines, etc. Ce qui donne lieu parfois à des incompréhensions totales dues aux règles qui semblent tomber du ciel mais qui sont imposées par un système néo-colonial. En même temps, les Chinois travaillent pour eux-mêmes mais aussi pour leur pays. Quand je demande à un ouvrier de la banlieue de Shangai que l’on voit dans le film s’il n’aurait pas meilleur temps de rentrer dans son village, il est indéniable qu’il serait mieux là-bas d’un point de vue humain et sentimental, mais ce n’est pas possible de rentrer au village car il passerait pour un incapable. Culturellement, ce ne serait pas possible. Avec la transposition du modèle libéral en Chine, les mêmes rêves qui existent chez nous se sont développés dans ce pays. Chacun pense que si ce n’est pas cette année, c’est peut-être l’année prochaine qu’il sera calife à la place du calife, appartenant ainsi à la minorité qui va émerger. L’ouvrier que l’on voit dans le film avait le poster d’une voiture 4 x 4 dans sa chambre, même s’il gagne seulement 80 Euros pas mois. Les travailleurs chinois sont donc tenus par les rêves de consommation et une force politique coercitive. Pour les industriels, c’est le paradis: il n’y a pas de contre-pouvoir au sein des entreprises et les formalités administratives sont réduites à l’extrême. Pour moi, c’est le pire des systèmes économiques du monde: à la lourdeur administrative et à la privation de liberté pour les gens, il faut ajouter les pires abus du libéralisme en ce qui concerne les disparités des salaires. Dans la boîte délocalisée, la fourchette de ces disparités salariales est de 1 à 50. Enfin, à Shangai, il y a de la publicité partout, de la prostitution, de la drogue, de la corruption, etc. En même temps, les expatriés français ont toute la liberté et le confort possible. Dans le film, le constat le plus difficile est qu’on ne voit pas d’issue à cette mondialisation car le libéralisme constitue la culture politique générale d’aujourd’hui.
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Ceux qui souhaitent obtenir une copie du film peuvent commander le DVD à l’adresse http://www.filmsduparadoxe.com/mamondialisation.html.
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