Guyane, la santé en coma dépassé, ils ont raison #NouBonKeSa

Le 7 avril 2017, devant la préfecture

Par Fédération SUD Santé Sociaux

Le 8 avril 2007, Patrick Karam, ancien délégué à l’Outre-mer, déclare sur France3-TV: «Il faut arrêter de parler d’aide d’urgence. Le milliard d’euros qui a été débloqué ne va pas l’être demain, c’est sur 5 ans, sur 10 ans, sur 15 ans que ses effets vont se faire sentir. On va construire des écoles et des commissariats. En réalité, ce que demandent les Guyanais, ce sont des plans à long terme. Le président de la République prend un risque grave, c’est de finir son mandat sur du sang versé. Il doit savoir que Mayotte va s’embraser de la même façon et la Guadeloupe également.»

Ce même jour, la police est intervenue devant la préfecture de Cayenne. Selon un membre du collectif Pour que la Guyane décolle (Pou la Gwiyann dékolé) qui organisait depuis le milieu d’après-midi un rassemblement devant la préfecture – afin d’exiger la prise en compte des revendications – les «500 frères contre la délinquance», qui encadrent les manifestations, «avaient fait un cordon devant les policiers». «Mais la foule a réussi à porter des coups.» (RFI, 8 avril 2017). «Nous venons chercher la discussion, et on nous amène les lacrymos», a dénoncé de son côté Dimitri Guard. Ce cadre du collectif de s’interroger: «Devant la préfecture, il y a beaucoup enfants. On ne peut déjà pas leur proposer d’éducation en Guyane. Est-ce qu’en plus il faut les gazer?» Selon France-Guyane (8 avril 2016): «La tension, palpable, est devenue vive lorsque des grenades lacrymogènes ont été lancées du haut du balcon de la bâtisse. La rencontre prévue avec le préfet n’a jamais eu lieu.» Restées sur place, des centaines de personnes ont participé à un«pique-nique» citoyen. Selon France-Guyanne, des horaires de fermeture et d’ouverture des routes vont alterner le week-end du 8-9 avril [1].

Pour rappel, le plan d’urgence de 1,085 milliard d’euros présenté par la ministre des Outre-mer a été jugé insuffisant par le collectif Lagwiyann dékolé qui estime les besoins de la collectivité à 2,5 milliards d’euros. Les propositions faites sur la santé et l’éducation ont été jugées insuffisantes. Concernant la santé, parmi les revendications sont mises en relief: les déficits du CMK, le Centre médico-chirurgical de Kourou, et du CHAR, le Centre hospitalier d’Andrée Rosemon dont la situation a fait l’objet de nombreuses alertes de la part du personnel et des élus ces derniers mois. Alors que de plus en plus de malades se retrouvent en situation de précarité, le CHAR ne bénéficie pas de la dotation «Mission d’intérêt général précarité», notent les syndicats qui réclament une rénovation du bâtiment et de nouveaux matériels médicaux. «Notre objectif est d’offrir à la population de Guyane une offre de soins identique à celle de l’Hexagone, tout en tenant compte des spécificités du territoire Guyanais», écrivent les praticiens du centre hospitalier dans une motion jointe aux revendications. Ceux-ci alertent également «sur la mise en danger des patients, les conditions inacceptables de leur prise en charge et les difficultés d’exercice du métier de soignant». (FranceInfo, 3 avril 2017). Selon un rapport de la Cour des comptes, publié en 2014, la Guyane affiche un retard de 28 ans par rapport à l’Hexagone et de 12 ans par rapport aux autres départements d’outre-mer. Nous publions ci-dessous, le document de SUD Santé Sociaux qui explicite la situation et étaye les revendications très largement partagées par la population. (Réd. A l’Encontre)

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[1] Joël Terry, le commissaire «blessé lourdement à la clavicule» vendredi 7 avril 2017 à Cayenne suite à des heurts avec des manifestants, a reçu samedi des représentants des «500 frères». Le commissaire a déclaré, selon Le Parisien (Aujourd’hui en France): «Les valeurs que nous partageons sont bien plus importantes que nos différences.» […] «Je suis dans mon rôle. J’obéis aux lois de la République. Mais ça n’enlève rien au respect que j’exprime pour les personnes qui sont en face de moi», a poursuivi le numéro 2 de la police de Guyane. L’officier a ensuite serré la main des quelques dizaines de 500 Frères présents.» Par ailleurs, le mouvement social doit se poursuivre. Le blocage deviendra «total» lundi. Le collectif «Pou La Gwiyann dékolé» (Pour que la Guyane décolle) a en effet annoncé un durcissement des blocages. Dans un tel processus, «l’information» va mettre un accent bien appuyé sur les désaccords qu’expriment certains secteurs de la société. (Réd. A l’Encontre)

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Alors qu’en Guyane, l’espérance de vie à la naissance est de 3 ans inférieure à la métropole en 2006,

Alors qu’en Guyane, le taux de mortalité infantile est de 12,1 pour 1000 naissances vivantes contre 3,7 en métropole en 2007,

Alors qu’en Guyane, le taux par million d’habitants de découverte de l’infection par le VIH est de 140 contre 50 en métropole en 2012,

Alors qu’en Guyane, il n’existe que 39 médecins généralistes pour 100’000 habitants contre 112 en métropole,

Alors qu’en Guyane, il n’existe que 22 médecins spécialistes pour 100’000 habitants contre 87 en métropole,

Alors qu’en Guyane, il n’existe que 59 infirmiers pour 100’000 habitants contre 107 en métropole,

Alors qu’en Guyane, certaines maladies ne peuvent être prises en charge (neurologie, cancérologie) du fait d’absence de spécialistes.

Alors qu’en Guyane, les politiques de casse de l’hôpital public ont fait des ravages:

  • Le Centre hospitalier de Cayenne, qui gère des centres délocalisés pour une population de 150’000 habitants, présente un déficit structurel de 45 millions d’euros et un retard de paiement de 25 millions, les fournisseurs ne veulent plus livrer…
  • Le Centre de St Laurent du Maroni, qui couvre 50’000 km2, 60% du territoire, 100’000 habitants, présente un déficit de 49 millions d’euros avec un retard structurel de 15%.
  • Le Centre Médico Chirurgical de Kourou souffre aussi d’un déficit chronique avec un déficit structurel de 5 millions d’euros.

Alors qu’en Guyane, comme partout en France, le capitalisme dévore les missions de service public, ainsi le Centre médico-chirurgical de Kourou est en passe d’être cédé au privé lucratif (Rainbow santé) ce qui accroîtra les inégalités d’accès aux soins.

Dans ce contexte, début 2017, 5 prématurés sont morts d’infection nosocomiale en néonatalogie en 2 mois à Cayenne, une personne âgée a brûlé dans son lit, ce qui fait dire à un sénateur socialiste en séance du Sénat (janvier 2017) que cet hôpital est considéré comme un mouroir!

Face à cette situation, après une enquête de l’inspection générale des affaires sociales, le gouvernement a choisi la fuite et la démission en ne prenant pas des mesures d’urgence et en gardant secret le rapport d’enquête.

Devant tant d’inégalités et de risques pour la population, la grève générale et l’insurrection sont légitimes et justes.

Ces discriminations dans l’accès aux soins sont le fruit de politiques conduites en matière de santé avec notamment la T2A, tarification à l’activité, incapable de corriger les spécificités géographiques ni les surcoûts locaux. L’inégale répartition des richesses, la recherche permanente de la rentabilité et du profit conduisent à ce qu’une morbidité haute des classes populaires côtoie une classe de métropolitains privilégiés.

La Fédération SUD Santé Sociaux Solidaires exige du gouvernement en matière de santé, comme sur toutes les autres inégalités présentes en Guyane, un plan d’urgence accompagné de «rebasage budgétaire» pour l’ensemble des activités qui y sont liées. La reprise par la Fonction publique hospitalière du Centre médico-chirurgical de Kourou, seule à même de garantir l’accès aux soins pour toutes et tous et la pérennité de l’activité.

Pour la Fédération SUD Santé Sociaux Solidaires, la situation pré-insurrectionnelle qui enflamme aujourd’hui la Guyane est le signe de l’abandon politique dont souffre ce département de la part des gouvernements successifs depuis de longues années. Cette politique est le fait de résidu de pensées colonialistes et ségrégationnistes.

La Fédération SUD Santé Sociaux Solidaires soutient et s’associe au mouvement #Nou-BonKeSa issu de l’union locale des forces syndicales. (4 avril 2017)

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