Le décret du 20 mai 2016, dit décret Macron car pris en application de la loi Macron du 6 août 2015, est venu bouleverser la procédure prud’homale en appel. [Voir sur ce thème l’article publié sur ce site en date du 5 mai 2017.] Que ce soit le ministre de l’Economie qui réforme la justice des salariés, et non la ministre de la Justice, révélait déjà sa conception de la justice et, par conséquent, la place laissée au justiciable, au salarié. La procédure d’appel avait été conçue simple, gratuite et souple, pour permettre à tout salarié de se défendre, y compris tout seul; elle est désormais rigide et coûteuse, le salarié pouvant être contraint de recourir à plusieurs reprises à un huissier à ses frais. Le moindre retard dans différentes étapes, et son appel devient irrecevable. La justice est organisée pour être complexifiée et évacuer à tout moment le justiciable avant qu’il n’ait atteint le juge. La justice du salarié est désormais conçue comme un parcours d’obstacles ayant pour objet de l’éjecter sans l’avoir entendu. La justice du travail vue par Emmanuel Macron n’est pas un service public auquel on doit faciliter l’accès: elle relève de la gestion des stocks.
Grâce à M. Macron, les défenseurs des salarié·e·s abordent donc la procédure d’appel comme un parcours d’épreuves à anticiper et à déjouer, le tout dans un timing chronométré. Alors qu’on aimerait consacrer notre énergie à défendre notre client, à inventer, à avancer, on nous noie sous de nouvelles démarches administratives chronophages. Au regard de la rédaction du texte, se rajoutait aux contraintes nouvelles la question du libre choix de l’avocat.
Les parties peuvent-elles toujours se faire représenter par tout avocat ou sont-elles désormais contraintes de recourir, en plus de leur avocat plaidant avec qui elles ont construit le dossier, à un avocat postulant relevant obligatoirement du ressort de la cour d’appel, jouant le rôle d’une boîte aux lettres mais avec des honoraires? Soit encore des frais supplémentaires et un archaïsme à une époque où l’on a supprimé les avoués et où la procédure dématérialisée se fait par Intranet, rajoutant des tâches administratives absurdes (l’avocat plaidant envoie les actes de procédure à l’avocat postulant, qui les renvoie par Intranet à la cour et à l’avocat adverse). Les juges saisis de cette question viennent de trancher (1) et de rappeler à M. Macron ce qu’est la justice: «Dans un objectif d’intérêt général de simplifier et de rendre moins onéreux l’accès au service public de la justice», les parties peuvent être représentées par tout avocat en appel. (8 mai 2017)
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[1] Avis n° 1707 de la Cour de cassation du 5 mai 2017.
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