France: des élections partielles de l’Oise au président oiseux

1754515470_hollande_a_la_tv_la_droite_une_partie_de_la_gaPar Alencontre et billets d’Hubert Huertas

En France, lors du 1er tour des élections législatives du 10 juin 2012 et du 2e tour le 17 juin, une circonscription avait déjà suscité quelques analyses. Il s’agissait de la 2e circonscription de l’Oise (région de Picardie). Lors du 1er tour, le candidat de l’UMP (Union pour un mouvement populaire), Jean-Français Mancel, captait 33,36% des suffrages. La candidate du PS, Sylvie Houssin, 30,50%, Florence Italiani du Front national, 23,23%. Le Front de gauche obtenait 5,25%, Lutte ouvrière 0,73% et le NPA 0,41%. Au second tour, Jean-Français Mancel réunit 38,97% des suffrages, Sylvie Houssin 38,85% et Florence Italiani 22,18%.

Le scrutin de juin 2012 a été invalidé par le Conseil constitutionnel. Dès lors, des élections législatives partielles se sont déroulées le 17 mars (1er tour) et le 24 mars 2013 (2e tour).

La candidate du PS a été éliminée au premier tour non seulement parce qu’elle ne figurait pas parmi les deux premiers candidats, mais parce qu’elle n’a pas dépassé le seuil de 12,5% des inscrits. Le taux d’abstention s’est accru par rapport à 2012, ce qui est habituel dans une élection législative partielle. Il a passé de 41,2% à 67,2%.

Au second tour de ces partielles, le candidat de l’UMP – élu la première fois en 1978 – a obtenu 51,41% des suffrages. C’est la percée de Florence Italiani qui a marqué les esprits, même si le tropisme frontiste est relevé dans cette région proche du bassin parisien. Marie Le Pen avait recueilli lors du premier tour de la présidentielle 27,9% des voix, ce qui la situait à une hauteur de 10 points supérieure à son résultat national. Florence Italiani a gagné 22 points entre le 17 mars et le 24 mars 2013, à 48,59%. Mancel a recueilli 13’958 suffrages, la candidate du FN 13’190. La progression pour la candidate du «rassemblement bleu marine» est de quelque 6000 voix. Les divers analystes se sont de suite posé la question: d’où «viennent» ces voix, car il semblait que les réserves de suffrages à droite n’existaient pas? Leurs réponses – au-delà des considérations sur les casseroles accrochées aux souliers de Mancel, l’effet dépressif de la politique de Hollande, les affaires touchant aussi bien le ministre «socialiste» des Finances Cahuzac que l’ex-président Sarkozy soigné par L’Oréal Bettencourt – indiquent que Florence Italiani a pêché dans les marais de l’électorat de gauche.

Joël Gombin, Université Picardie-Jules Verne à Amiens, sur la chaîne régionale France 3 Picardie, en date du 25 mars, conclut: «Entre 40 et 45% des électeurs socialistes ont voté pour Florence Italiani – et il faut remarquer que cela semble se vérifier dans toutes les communes de la circonscription. Pour le reste, ces électeurs socialistes se sont répartis équitablement entre abstention, vote blanc ou nul et vote Mancel (environ 20 % pour chaque).» Il ajoute: «Ce qui est remarquable, c’est que les reports ne sont aussi importants pour aucun autre électorat (en dehors de celui de Florence Italiani elle-même, naturellement). Parmi les électeurs du Front de Gauche, en particulier, le report ne s’élèverait qu’à 15%.» Ce report de l’électorat de Sylvie Houssin vers le FN s’est effectué malgré les consignes de vote dites du «Front républicain», soit le vote Mancel contre Italiani. Cette analyse est partagée par le Département Opinion et Stratégies de l’IFOP (Focus, n° 78, 26 mars 2013). Cette étude souligne que depuis 2004 «tout se passe si le parti lepéniste pouvait compter sur des reports et des renforts très hétéroclites au second tour, provenant des abstentionnistes, de la droite, mais aussi de la gauche». Toutefois, c’est la première fois qu’au second tour, face à la droite, le Front national progresse autant. Il n’est pas impossible que ce pouvoir d’attraction soit lié au dit virage social engagé par Marine Le Pen, au moment même où la tactique électorale du Front républicain est sur son déclin et où le FN marque des points avec son mot d’ordre «UMPS», qui fait écho à un ressenti concret des politiques sociales et économiques de l’exécutif Hollande-Ayrault.

Nous publions ci-dessous deux billets politiques d’Hubert Huertas, donnés sur France Culture, le 25 mars et le 28 mars. (Rédaction A l’Encontre)

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Dreux [1] puissance quatre?

Bien sûr ce n’est qu’une législative partielle, et donc, peut-être, un accident local, mais le score du second tour de l’élection de la deuxième circonscription de l’Oise est tellement singulier qu’il ressemble à un séisme. Le candidat UMP Jean-François Mancel a certes été élu, mais sur le fil, et la candidate Front National, Florence Italiani, est battue, mais avec 48,5% elle double son score du premier tour, et cet envol de 22 points, face à un candidat de droite, et un événement inédit dans l’histoire électorale française.

Voilà trente ans que la vie politique nationale est marquée par l’alternance du PS et du RPR devenu l’UMP. L’échec de l’un fait la victoire de l’autre par un effet de vases communicants. Depuis trente ans aussi, un troisième parti, le Front National, hante ce face-à-face, et le trouble parfois, mais il plafonne au second tour.

Quand le FN parvient à dépasser la droite classique au premier tour, il peut atteindre des scores importants au second, mais il est presque toujours battu par la gauche.

En revanche, jusqu’à hier soir, quand le Front National affrontait un candidat de cette droite classique, ou se maintenait dans une triangulaire, il ne rassemblait pas. L’exemple le plus fameux est celui de 2002. Jean-Marie Le Pen n’a gagné qu’un point entre les deux tours, et Jacques Chirac est parvenu à un score surréaliste de 82%.

C’est exactement ce qui ne s’est pas passé dans l’Oise. Cette fois le rejet de la candidate PS au premier tour, et son élimination, n’a pas conduit à l’effet de vases communicants.

On sait, depuis qu’elle a pris les rênes du parti de son père, que Marine Le Pen veut dédiaboliser le Front National, le transformer en parti Bleu Marine, elle a même songé à le débaptiser.

On sent, avec la crise, et avec le très rapide rejet de l’équipe socialiste au pouvoir, qui fait suite au rejet massif de l’équipe UMP précédemment en place, que l’électorat est lassé de ce malheur de l’un qui fait le bonheur de l’autre sans apporter de mieux-être collectif. On constate également à travers toute l’Europe, et dernièrement en Italie, qu’un fort rejet des partis historiques se manifeste ouvertement, et de façon spectaculaire.

Si l’élection partielle d’hier est un symptôme de cette nature, alors nous sommes entrés dans une zone de tempête politique. Soit ce vote ne concerne que les quelques milliers d’électeurs de cette circonscription, et ce n’est qu’une anecdote, soit il représente un mouvement plus profond, et il exprime dans ce cas une volonté de renverser la table.

Naturellement, répétons-le, ce n’est qu’une élection locale. Mais celle de Dreux l’était aussi, en 1983, et l’extrême droite, qui devait être éphémère, s’est installée pour au moins trois décennies.

[1] En 1983, le Front national, mené alors par Jean-Pierre Stirbois, a remporté une victoire et a cogéré la ville de Dreux avec la droite classique de l’époque, le RPR et l’UDF.

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Hollande à la télé. To be or not to be

A peine dix mois et déjà quitte ou double. Le rendez-vous de François Hollande avec les Français, ce soir [28 mars], fait penser à celui de son prédécesseur, au bout d’une année de mandat. La maille avait lâché et le lien s’était rompu, jusqu’à l’échec de mai 2012. Si le Président de 2013 ne reprend pas l’initiative il aura beaucoup de mal à remonter une pente qui ressemble à un toboggan plutôt qu’à une montagne…

On l’attend sur une foule de sujets, chômage naturellement, pouvoir d’achat, impôts, mariage homosexuel, Mali, son entourage explique que le Président fera de la pédagogie, et la Parti socialiste en ébullition espère l’annonce d’une mesure forte en manifestant son inquiétude de plus en plus ouvertement.

Avant-hier une déclaration du député de Paris Pascal Cherki a semé l’émotion, il reprochait au Président de parler, je le cite, une «novlangue imbittable». Et hier le groupe PS a carrément voté au Sénat avec le groupe UMP, et contre le gouvernement, pour retirer les allocations aux familles qui ont perdu la garde de leurs enfants sur décision de justice…

Tout se passe comme si la présidence se vidait de sa substance, donc de son autorité, et qu’au-delà de la confrontation automatique entre l’UMP et le PS, l’absence de ligne politique émiettait la majorité en une foule de sous-groupes plus ou moins oppositionnels. Bref les symptômes d’une armée démoralisée, qui redoute la déroute.

Il se trouve que ce malaise identitaire de la majorité ne profite pas à l’opposition classique. Un sondage CSA-RTL publié ce matin confirme le doute sur François Hollande mais indique que plus de la moitié des Français ne regrettent pas Nicolas Sarkozy, et soixante-quatre pour cent ajoutent même que l’ancien chef de l’Etat ne ferait pas mieux que celui d’aujourd’hui, ce qui nous renvoie d’ailleurs à l’élection de l’Oise où le PS a été sanctionné au premier tour et l’UMP au second…

C’est que le malaise dépasse le terrain national, et que la crise, qui est européenne, est entrée dans les consciences, avec la certitude, juste ou fausse, que les décisions ne se prennent plus à Paris, ce qui renvoie François Hollande à sa campagne présidentielle. Il avait promis, grand 1 de réduire les déficits, donc d’être un bon élève, mais de lutter contre le dogme de l’austérité, donc de contrarier Mme Merkel. Il applique le grand 1, mais a oublié le grand 2.

S’il veut reprendre l’initiative il ne peut pas se contenter d’une énième mesure technique, à laquelle personne ne croira, mais devra redonner du contenu au message politique qui l’a porté à l’Elysée, c’est-à-dire parler fort et devenir le porte-parole d’une revendication qui traverse l’Europe entière, et qui réclame de la relance, quitte à fâcher Berlin.

Osera-t-il? That is the question, mais l’enjeu c’est d’être ou de ne pas être.

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