Par Nelli Tügel
Pour tous ceux qui se soucient de la question sociale, la soirée de dimanche 26 septembre comportait à première vue des messages contradictoires. Le parti Die Linke a été brutalement sanctionné [il n’atteint pas le quorum de 5%, il obtient 4,9% des suffrages]. Dans le même temps, plus d’un million de personnes, soit une majorité de 56%, ont voté dans la capitale Berlin pour l’expropriation des grandes sociétés immobilières et la socialisation du logement – une brillante victoire d’étape. D’une part, Die Linke obtient à peine 5% à l’échelle nationale, d’autre part, une revendication de gauche radicale s’avère crédible et apte à mobiliser dans tous les quartiers de Berlin et dans les milieux les plus divers. Comment cela s’articule-t-il?
L’idée que quelques membres de la gauche ont simplement eu la bonne idée au bon moment et au bon endroit est fausse. L’initiative «Deutsche Wohnen und Co enteignen» (Exproprier les firmes immobilières allemandes) s’est plutôt développée à partir des luttes des locataires et de la mise en réseau des voisins. Cela ne s’est pas fait de manière linéaire, mais avec une capacité de faire face y compris à des revers. Une condition essentielle à la victoire présente était qu’une certaine base sociale pour le référendum existait dès le début. Et a pu s’élargir.
Le mythe d’une campagne bien huilée qui a assuré un accouchement par la tête est donc trompeur. C’est pourquoi «Deutsche Wohnen und Co enteignen» ne peut pas être simplement copié – mais on peut apprendre certaines choses qui s’appliquent au-delà de Berlin. Il était essentiel qu’un plan concret soit élaboré pour un problème social commun, qui soit radical mais qui semble en même temps réalisable. De plus, les militant·e·s sont sortis – hors des quartiers de gauche, des bulles du «gâteau de la gauche», hors du simple activisme sur Internet. Les militants de cette initiative ont sonné aux portes de milliers et de milliers de personnes, en particulier celles qui ont de faibles revenus et celles qui vivent en marge de la société. Des personnes dont beaucoup de politiciens bien connus de Die Linke ne font que parler. Tout le monde pouvait participer, et ceux qui n’osaient pas pouvaient apprendre.
La campagne référendaire a vécu du fait que de nombreuses personnes s’y organisaient. Son message n’a jamais été: «votez pour nous, et ça marchera». Mais plutôt: «nous devons le faire nous-mêmes et pour cela, nous avons besoin de vous». Il ne s’agit pas d’une politique représentative, mais d’une prise en charge par les personnes intéressées elles-mêmes. La force qui en a résulté sera encore nécessaire, la mise en œuvre des résultats du référendum a besoin qu’une pression continue s’exerce. Cependant, la confiance dans le fait que cela peut être réalisé est grande: cela est très important.
Nous bouclons ici la boucle de la crise de Die Liinke. Depuis longtemps, ce parti n’est pas en mesure de partager une perspective d’application de ses propositions avec les personnes qu’il veut représenter et organiser. Même à Berlin, où il est le seul parti à soutenir pleinement le référendum, il a légèrement perdu lors des élections à la Chambre des représentants [à Berlin, les voix recueillies dans les circonscriptions avoisinent les 14%, contre 15,6% en 2016]. Ses représentants les plus éminents ont souvent dit pendant la campagne électorale qu’ils voulaient s’assurer que la socialisation des logements expropriés serait réalisée – mais jamais comment exactement cela serait réalisé dans un Sénat rouge-vert-rouge [législatif de Berlin]. Beaucoup auront conclu qu’il suffisait de voter oui au référendum – et ils auront donné plus de poids à d’autres facteurs dans la décision électorale.
Non, des revendications radicales ne suffisent pas à faire une campagne réussie, un bon programme et des déclarations d’intention ne font pas un parti de gauche fort. Mais ceux qui, sans fausse modestie, se concentrent sur un projet social commun, misent sur l’auto-organisation comme stratégie d’exécution et quittent ainsi la «scène de la gauche», peuvent vraiment gagner quelque chose. (Article publié le 30 septembre 2021 dans l’hebdomadaire allemand Der Freitag; traduction rédaction A l’Encontre)
Ce que je trouve affolant par rapport au 4,5 % ou au moins de 5 % de “die Linke” , c’est les 11% des Néo-Nazis… Très peu de commentateurs relèvent qu’il ne manquerait plus qu’un Adolf et “ça repart….”Les “spécialistes” sont-là muets. “Que faire ?” est, ce me semble ,la question.