Dossier par: Camille Magnard (France Culture, 7 février, 7h35), C.-A. Udry (7 février), Caracas Chronicles (5 février), Pablo Stefanoni, Decio Machao (6 févier), Marc Saint-Upéry (7 février)
(I) Ce matin, une image nous interpelle
Les médias internationaux rapportent que l’armée vénézuélienne fait bloquer le pont par où l’aide humanitaire de Colombie. Ce pont est fermé depuis 2016, précise, le 7 février 2019, Caracas.
Une image qui s’étale dans la plupart des grands journaux internationaux, mais qui semble presque trop belle, trop parlante.
La première fois où elle m’a frappé c’est dans le Guardian britannique. On y parle du nouvel épisode de la crise au Venezuela. On est à la frontière avec la Colombie, sur la frontière même, au point de passage de Las Tienditas. C’est là que doit passer dans les prochains jours «l’aide humanitaire» envoyée par les pays occidentaux qui soutiennent l’opposant Juan Guaido, qui l’ont reconnu comme président par intérim et qui, c’est le Guardian qui le dit, veulent «se servir de cette aide humanitaire pour tester la loyauté des militaires vénézuéliens» à leur président contesté Nicolas Maduro.
[Voici ce que publie Marco Rubio, sénateur républicain de Floride et président de la Chambre des représentants de cet Etat de 2006 à 2008, ancien candidat à la présidence des Etats-Unis pour le Parti républicain. Il a perdu les primaires face à Donald Trump. Il était soutenu par les milieux immobiliers de l’Alabama. Il a été réélu, comme sénateur, en novembre 2018 avec 52% des voix contre le démocrate P. Murphy. Il est contre l’Obamacare, climatosceptique. Il a fait campagne contre Maduro, qualifié de dictateur, dès début 2018. Selon le qutodien El Nuevo Diaet d’autres publications, il est favorable à un durcissement de la politique de Trump face au gouvernement officiel du Venezuela et il propose de soutenir un coup d’Etat. C’est un «dur», s’inscrivant dans la droite extrême. Son post ci-dessous ne nécessite pas de longues explications, ni de discours plus ou moins sophistiqués sur la propagande impérialiste. Réd. A l’Encontre]
Le convoi humanitaire, décrypté toujours dans The Guardian par la politologue Maryhen Jimenez Morales de l’Université d’Oxford, c’est ni plus ni moins qu’un «cheval de Troie envoyé par les alliés de Guaido pour créer une brèche dans le soutien de l’armée à Maduro». A quoi un avocat proche de Juan Guaido ajoute, que l’aide humanitaire va poser un «double dilemme fatal à Maduro: soit il laisse passer l’aide humanitaire, et il semblera faible… soit il la bloque (ce qu’il ne devrait pas faire s’il n’est pas stupide), et il sera aussi perdant».
Pour le moment, à en croire la fameuse photo du pont de Las Tienditas, l’armée de Maduro semble déterminée à tout bloquer. C’est ce qu’elle nous dit, dès le premier regard, et c’est la légende que lui accolent aussi bien Bloomberg l’américaine, La Opinion de Cucuta, le quotidien colombien publié de l’autre côté de la frontière, ou encore à Caracas le journal d’opposition El Universal.
Mais il semblerait bien qu’il manque une information à cette légende: VTV, la télévision publique vénézuélienne l’affirme par la voix du plus proche des «lieutenants» [un peu plus qu’un lieutenant pour celles et ceux qui connaissent le Venezuela, Réd. A l’Encontre] de Maduro: Diosdado Cabello.
Ce que dit Cabello (vers 1’25 sur la vidéo), après une démonstration sur la guerre psychologique et les fake news de la propagande américaine, c’est que «ce pont de la Tienditas a été construit par le Venezuela seul, achevé en 2016 et qu’il n’a jamais été ouvert à la circulation, suite au refus des Colombiens de coopérer».
C’est donc un pont déjà fermé qui a été fermé, et ça méritait d’être précisé, même ça n’enlève rien au fait que c’est par là que les Colombiens veulent faire passer l’aide humanitaire. «S’ils le font, conclut Cabello, nous le considérerons comme une invasion, un acte de guerre irrégulière, tenez-vous le pour dit.»
[Comme quoi une information précise et raisonnée démolit les infox développées par Guaido et ses sponsors du continent et des Etats-Unis comme de l’UE. Pas besoin de grandes péroraisons pour persuader non seulement les convaincus mais les sceptiques du sens concret de cette désinformation. Un élément consubstantiel à toutes les politiques impérialistes et aux alliances qu’elles constituent pour excuser, légaliser et permettre leurs expéditions qui adoptent plusieurs formes, donc protéiformes.
Par contre, l’acuité d’une démystification et démythification d’un système d’infox ne doit pas conduire à un aveuglement – ou même à une amétropie, ce trouble (politique) lié à la réfraction des rayons lumineux faisant obstacle à une mise au point des images. Autrement dit, la réalité du pouvoir social et politique de la néobourgeoisie bolivarienne ne peut être aux plans éthique et politique dissimulée, masquée, travestie. Au même titre, ne peuvent être escamotées ses alliances avec des secteurs bourgeois vénézuéliens historiques, accords qui certes ont évolué au cours des années et ont abouti à la polarisation actuelle. A quoi s’ajoutent ses concessions faites à la puissance impérialiste en construction qu’est la Chine et à ses sociétés transnationales (ressources pétrolières et minières «vendues» pour un plat de lentilles, afin de payer les dettes de l’Etat pétrolier contrôlé par le régime Maduro-Cabello et un secteur des militaires, rentier pétrolier). Ce qui est un signe de gouvernement patrimonial de dimension certes fœtale comparé au gouvernement militaire égyptien. Enfin, le soutien du gouvernement Maduro à la répression du binôme Ortega-Murillo contre le soulèvement populaire au Nicaragua ne peut être laissé sur le bord d’un sentier se voulant une autoroute anti-impérialiste. Le régime cubain de Miguel Diaz-Canel (et de Raul Castro) soutient aussi, avec détermination, le Nicaragua d’Ortega-Murillo et est présent, sous diverses formes, au Venezuela (à coup sûr pour ce qui est de «la sécurité interne»). Il est vrai qu’à Cuba, il est possible d’organiser des débats sur Trotksy et d’avoir un écrivain comme Leonardo Padura, mondialement connu, qui vit à La Havane, de manière dans un certain anonymat car ignoré par les médias officiels, effectivement diffusés. Du moins selon les informations qu’il n’est pas difficile d’obtenir sans faire un voyage touristique bon marché sans cette magnifique île. Pour ce qui est des relations entre Maduro et Poutine, l’échange existe sur divers plans (association pour ce qui est des tentatives d’accords pétroliers internationaux, armement. La BBC Mundo, mi-décembre 2018, annonçait une promesse d’investissement dans le secteur pétrolier et minier et l’envoi de deux bombardiers russes lance-missiles TU-160, ce qui a logiquement suscité un «duel verbal entre Washington et Moscou», comme l’avait souligné Christopher Woody dans Business Insider(un journal d’information du «monde des affaires» d’une assez bonne qualité) du 13 décembre 2018. Mais Poutine ne pousse pas le bouchon trop loin et a retiré assez vite ses bombardiers, qui d’ailleurs n’auraient pas pu être achetés, même pas en leasing. Réd. A l’Encontre, C.A. Udry]
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(II) Les nouvelles cibles de la répression maduriste: des adolescents
Par Caracas Chronicles
Leurs parents ne parlent pas à la presse. Les témoins restent silencieux. Les adolescents, pour leur part, arrivent dans les tribunaux d’Aragua [Etat du Venezuela, capitale Maracay, un des cinq principaux centres urbains] et de Portuguesa [un des 23 Etats du Venezuela, producteur de biens agricoles, capitale Guanare], la tête rasée et en tenue de prison. La plupart du temps, les juges ne leur accordent pas la liberté : ils les libèrent sous caution et leur demandent de comparaître devant la cour tous les 8, 15 ou 30 jours.
• La plupart des adolescents sont inculpés de résistance à l’autorité, d’obstruction de la voie publique [entraver ou gêner la circulation], de terrorisme et d’association criminelle; ils avaient été arrêtés arbitrairement lors des manifestations du 23 janvier [voir sur le site A l’Encontre l’article publié le 30 janvier], ou dans les jours qui ont suivi. La plupart disent qu’ils ne protestaient même pas.
Il y a une semaine, les juges des Etats d’Amazonas, de Zulia et de Yaracuy ont accusé les enfants d’être des «terroristes». Au moment où ils ont été condamnés, ils n’avaient pas eu de repas convenable depuis des jours. Is n’avaient pas vu leurs parents ou leurs avocats, ou n’avaient pas reçu de soins médicaux. Il est évident qu’ils ont été battus et maltraités par les autorités; les médias veulent des photos des hématomes, mais les victimes restent silencieuses. Leurs parents les embrassent et partent en silence, ce symptôme douloureux de la peur.
• «Notre Constitution et la LOPNA (Loi sur la protection des enfants et des adolescents) garantissent la participation des enfants à des manifestations et des protestations pacifiques», déclare l’avocat Carlos Trapani, coordinateur général de CECODAP, une ONG qui défend les droits des enfants. «Alors que la crise s’intensifie, les enfants cherchent naturellement à exprimer ce qu’ils ressentent, et ils ne devraient pas être détenus arbitrairement par des organes de sécurité aussi agressifs que la FAES.»
«Il y a un schéma dans ces détentions, où ils sont violemment isolés de leur famille. La loi établit que l’arrestation de mineurs est l’exception, pas la règle.»
•Jusqu’à présent, 51 mineurs (adolescents) ont été libérés sur les 70 qui étaient détenus le 23 janvier. La semaine dernière, les enfants libérés étaient des enfants atteints de maladies comme le diabète, la déficience intellectuelle, l’autisme ou l’épilepsie.
Le cas de Jickson Rodríguez (14 ans) a été très médiatisé. Le journaliste Jhoalys Siverio, de Bolívar, déclare: «Le garçon a été arrêté le 23 janvier à Villa Bahía, un secteur de Puerto Ordaz [ville de l’Etat de Bolivar]. Ils faisaient du tapage. La mère dit qu’il a été enlevé à 20h 40; la Garde nationale est descendue sur les lieux et tout le monde s’est enfui. Ils ont pris le garçon et six autres personnes et les ont accusés d’avoir pillé une foire dans Core 8 [un marché libre de la ville], un secteur assez éloigné de l’endroit où l’arrestation a eu lieu.»
Selon l’enfant, les gardes lui ont frappé les pieds et les mains lorsqu’il a demandé à voir ses parents ou à aller aux toilettes. Il les a suppliés de ne pas le frapper à la tête, car il est épileptique. Ils l’ont présenté au tribunal le dimanche 27 janvier, et sa mère a enfin pu lui donner ses médicaments. Puis, il a été emmené à l’hôpital au milieu de convulsions, pour être finalement libéré le 30 janvier.
Sous le couvert de l’anonymat, les parents disent que le point commun est que la police «enlève» des enfants des quartiers populaires (à faible revenu), loin des lieux où se déroulent les manifestations, les accusant de pillages ou d’émeutes. Il n’y a jamais assez de preuves et les versions des détenus et des témoins sont souvent différentes. Certains membres de la famille avouent avoir reçu des menaces sévères de la police: «Si vous parlez à la presse, les enfants restent en prison.»
«Mon fils jouait sur le terrain de football du quartier quand un camion est arrivé pour les prendre tous, en les visant avec des fusils», a déclaré le père d’un des enfants détenus à Aragua, lors d’un appel téléphonique où il m’a fait promettre que je ne révélerais pas son nom. «Il n’y a pas eu de protestation, seulement des coups de poing.»
«Si nous protestons, ils viendront prendre ce qui est le plus sacré pour nous: nos enfants», me dit l’une des tantes de la victime en portugais, également anonyme. «Ils ont déjà prouvé qu’ils ont le pouvoir de tout nous prendre, qu’ils peuvent défoncer les portes et prendre les enfants si on leur en donne l’ordre. C’est une façon d’apaiser la protestation, ce n’est pas une coïncidence qu’ils prennent nos enfants maintenant. C’est un ordre.»
Ces mineurs ne sont pas nés lorsque Hugo Chávez a pris le pouvoir il y a vingt ans, et certains d’entre eux ne se souviennent même pas de la mort de l’ancien président. Ils connaissent ce système, ce mode de vie qui leur refuse l’éducation, la nourriture, la santé et qui menace maintenant de les emprisonner pour trahison, alors qu’ils sortent simplement pour jouer avec leurs amis. (Publié dans Caracas Chroniclesle 5 février 2019, traduction A l’Encontre)
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(III) Questions et réponses, pour comprendre
Par Pablo Stefanoni sur son mur Facebook
Y a-t-il ingérence impériale dans le Venezuela? Oui (bien qu’il s’agisse davantage du lobby faucon/anti-Castro/reaganien que du lobby organique), dans le contexte de ce que beaucoup considèrent comme un vide de pouvoir sans précédent à la Maison-Blanche.
Est-il potentiellement dangereux?Oui, par exemple, le show d’aide humanitaire [voir article ci-dessus de Camille Magnard] pourrait mettre le feu à la frontière avec la Colombie, dans un pandémonium d’acteurs armés multiples.
Le gouvernement de Maduro est-il entre les mains d’une couche bureaucratico-militaire corrompue et autoritaire? Oui.
Maduro gouverne-t-il dans le cadre de la Constitution de 1999? Non.
Existe-t-il un régime de fait depuis la proclamation de l’Assemblée nationale constituante? Oui. Loin de discuter d’une Constitution, l’Assemblée constituante est devenue une superpuissance sans contrepoids.
L’auto-proclamation de Guaidó est-elle constitutionnelle? Non.
Sa proclamation a-t-elle sorti le pays de son inertie? Oui.
Y a-t-il des opérations policières massives de déclenchement dans les quartiers? Oui, voir les OLP [Operación Liberación del Pueblo, depuis le 13 juin 2015, décidée par Maduro au nom de l’augmentation de la dite violence au Venezuela; cette opération a été absorbée par le Système intégré d’information policière-SINPOL].
Existe-t-il des espaces/garanties pour le jeu politique démocratique? Non.
La CEN [Commission électorale nationale] est-elle indépendant?Non.
Des élections anticipées pourraient-elles constituer une solution partielle à la crise? Oui.
Y a-t-il de la place pour le dialogue? Point d’interrogation.
Existe-t-il des possibilités de solution constitutionnelle dans un sens ou dans un autre? Ça n’a pas l’air d’être le cas.
Existe-t-il une hypocrisie internationale à propos de Venezuela? Oui, comme toujours.
Nous devrions attendre que l’Arabie saoudite et tous les horribles régimes alliés à l’Occident deviennent démocratiques pour discuter du Venezuela? Non.
Une partie de la gauche porte-t-elle la responsabilité d’avoir misé [soutenu] sur Maduro jusqu’à présent? Oui.
Le gouvernement de Maduro sera-t-il en mesure d’inverser le gigantesque revers sociétal que connaît le Venezuela? Non. Il l’a déjà promis maintes et maintes fois sans résultat.
La révolution bolivarienne qui a commencé il y a 20 ans est-elle épuisée? Oui.
Que peut-on faire avec ce casse-tête? Peut-être lutter pour une solution pacifique, qui inclut les secteurs populaires pro-chavistes initiaux dans le prochain jeu démocratique, avec des élections propres, et essayer de chasser autant que possible les faucons gringos qui veulent mettre leurs mains là-bas.
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Un complément utile pour tous ceux qui n’arrivent pas encore à comprendre la gravité abyssale de la situation dans laquelle le régime militaro-mafieux assassin et criminel de Maduro a plongé le Venezuela, avec une part substantielle de sa population:
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Analyse de la situation au Venezuela au-delà des lieux communs
Par Decio Machado
Il y a longtemps qu’il ne s’agit plus d’une question d’idéologie ou de classe. Le Venezuela est devenu un État mafieux dans lequel ses dirigeants sont confrontés à une opposition qui répond aussi à des intérêts manifestement fallacieux, soutenus par des puissances qui continuent à s’ingérer et reproduisent une histoire de siècles de dépendance.
Le 23 janvier, le député Juan Guaidó s’est proclamé président de la République bolivarienne du Venezuela. Ce jeune député de l’Etat de Vargas, inconnu il y a quelques jours encore de la majorité des Vénézuéliens et surtout de la communauté internationale, appartient au parti de la Volonté Populaire – une organisation politique fondée en décembre 2009 sous la direction de Leopoldo López [une droite dure qui se revendique de la IIe Internationale, dans ce pays où Carlos-Andrés Pérez en était le président, corrompu – Réd.] – et a été nommé président de l’Assemblée nationale 18 jours seulement avant son auto-proclamation.
Guaidó, à peine âgé de 33 ans, a commencé à faire de la politique pendant ses années universitaires. Il était l’un des leaders étudiants de la soi-disant «génération 2007», un mouvement d’opposition au président de l’époque, Hugo Chávez. De là, il est passé à la politique institutionnelle, remportant son siège aux élections législatives de 2011 et étant réélu en 2016.
Le rôle assumé par Juan Guaidó implique un changement dans les stratégies d’une opposition qui, malgré les faiblesses du régime, a été caractérisée par sa fragmentation interne et la lutte entre les différents dirigeants. C’est finalement cette situation qui a permis à Nicolás Maduro de survivre au pouvoir malgré sa faible légitimité politique et sociale. Cependant, avec la plupart des leaders de l’opposition en exil ou disqualifiés par la «justice» bolivarienne – Leopoldo López, Antonio Ledezma, Julio Borges ou Henrique Capriles, entre autres – un personnage comme Guaidó, relégué au deuxième rang de l’opposition il y a encore quelques jours, a pris un rôle moteur et peut-être décisif dans la situation politique actuelle du pays.
Quelques secondes à peine après que Juan Guaidó eut effectué sa déclaration d’autoproclamation – «Je jure d’assumer officiellement les compétences de l’Exécutif national en tant que président responsable» –, le président américain, Donald Trump, et le secrétaire général de l’OEA, Luís Almagro, ont fait leur entrée sur la scène, remplissant un rôle stratégique préétabli. C’est ainsi qu’a été inaugurée une liste de plus en plus longue de pays et d’organisations internationales qui ont progressivement reconnu le nouveau chef de l’opposition au détriment de Nicolás Maduro.
Analyser le résultat du récent mouvement de pièces de ce jeu d’échecs effectué par un secteur de l’opposition sur l’échiquier politique vénézuélien nécessite une objectivité dont malheureusement la majorité des leaders d’opinion sont rares.
Dans ce sens, nous ferons un effort appliqué sur les quatre axes suivants de cette crise : légitimité ou non de l’autoproclamation présidentielle de Guaidó; quelle est la réalité derrière l’ingérence étrangère dans le pays; quelles sont les stratégies des acteurs en conflit et les scénarios les plus réalisables qui pourraient être générés; et enfin, quelle serait la meilleure solution pour les intérêts populaires.
L’illégitimité démocratique des pouvoirs concurrents
En premier lieu, il convient de noter que le processus électoral du 20 mai dernier, par lequel Nicolás Maduro a été élu – avec 67,84% des suffrages exprimés – pour la deuxième fois président du Venezuela pour la période 2019-2025, a eu lieu dans le cadre d’irrégularités importantes tant dans sa convocation que pendant le processus électoral. Il s’agit notamment de la disqualification de divers candidats, de l’entrave à la participation de plusieurs partis d’opposition, de l’absence de compétences constitutionnelles de l’Assemblée constituante pour convoquer des élections, du manque de temps pour les échéances prévues dans le règlement électoral et des multiples dénonciations pour acheter des voix.
Plusieurs organisations internationales ont dénoncé l’absence de garanties démocratiques et de transparence dans le processus électoral, ce qui a conduit même les Nations unies à rejeter leur participation avec des observateurs pour les élections.
Ce type d’interrogation s’est également produit à l’intérieur du Venezuela, enregistrant la plus forte abstention dans l’histoire des élections présidentielles depuis l’arrivée de la démocratie dans le pays en 1958. Alors qu’en 2006 la participation électorale était de 74,7%, en 2012 de 80,5% et en 2013 de 79,6%, en 2018, elle a à peine atteint 46% des électeurs,c’est-à-dire moins de la moitié de la population convoquée a voté. Sur un recensement électoral de 20,5 millions de citoyens, seuls 9,4 millions se sont rendus aux urnes, dont seulement 6,2 millions ont soutenu le régime de Nicolas Maduro.
Toutefois, au-delà de ce qui précède, l’application de l’article 233 de la Constitution (qui prévoit que si un président élu ne peut prêter serment pour commencer son mandat, la présidence doit être confiée au président de l’Assemblée nationale jusqu’à la nomination d’un nouveau président) ne le fut pas dans les circonstances actuelles.
Cet article a 233 été conçu en tenant compte de la possibilité qu’un président élu ne soit pas en mesure d’assumer le commandement du pays, une situation très éloignée de la réalité que vit actuellement le Venezuela. Ce qui existe actuellement, c’est un président qui n’a pas été reconnu par la majorité de la société de son pays, mais pas un vide de pouvoir.
Ainsi, l’autoproclamation et la reconnaissance internationale de Guaidó suit une logique politique nationale et internationale, mais manque de base juridique. En ce qui concerne la sphère régionale, et au-delà de l’action honteuse de l’OEA, la situation actuelle est celle d’une Unasur complètement désactivée après la mise en place d’une nouvelle hégémonie néolibérale en Amérique du Sud.
Malheureusement, les précédents établis par cette organisation d’intégration face à la crise politique en Bolivie en 2008, au coup d’État contre le président Zelaya au Honduras en juin 2009, à l’installation de bases militaires américaines en Colombie en août 2009, aux tensions frontalières et géopolitiques résultant de la rupture des relations entre la Colombie et le Venezuela en août 2010 sont tous oubliés, la crise en Équateur après la mutinerie de la police en septembre 2010, le renversement du président Fernando Lugo au Paraguay en juin 2012 ou les tentatives de déstabilisation au Venezuela entre avril 2013 et mars 2015, date à laquelle les dirigeants sud-américains se sont réunis au sommet présidentiel pour reconnaître le président Maduro et la légitimité du processus électoral en avril 2013.
Ingérence étrangère dans les affaires intérieures du Venezuela
Malgré deux décennies de règne des chavistes au Venezuela, les États-Unis demeurent le principal importateur de pétrole vénézuélien et le premier fournisseur de devises étrangères au Venezuela. Cependant, malgré les rivières d’encre exprimées en sens inverse par les analystes de la gauche traditionnelle, l’intérêt des États-Unis pour le pétrole vénézuélien est strictement encadré dans les activités de ses sociétés transnationales.
La dépendance des États-Unis à l’égard du pétrole étranger s’est considérablement réduite ces dernières années, devenant presque autosuffisante à la suite du développement brutal de son industrie de la fracturation. Cependant, comme l’a déjà annoncé John Bolton, conseiller de Trump à la Maison-Blanche, les compagnies pétrolières américaines souhaitent investir et produire du pétrole au Venezuela, une condition liée à la sortie de Nicolas Maduro du palais présidentiel à Miraflores.
Les États-Unis ont systématiquement négligé le Venezuela et le reste du sous-continent depuis 2001, lorsque l’administration Bush a mené ses guerres dans le golfe Persique et en Afghanistan. Depuis l’arrivée de Donald Trump dans le Bureau ovale, on constate à Washington un fort désintérêt pour la conception d’une politique bien pensée stratégiquement, ambitieuse, systématique et axée sur la défense des intérêts des États-Unis et de leurs alliés.
La semaine dernière, même le Sénat américain a voté – avec le soutien majoritaire des démocrates et des républicains – contre ce qu’il a défini comme le «retrait précipité» des troupes syriennes et la réduction du nombre de ses soldats en Afghanistan. En ce sens, il semblerait que les discours belliqueux de Trump et les pressions diplomatiques américaines auraient pour objectif réel le réajustement avec l’électorat républicain le plus radical sur le plan idéologique, condition nécessaire après la stagnation de la proposition présidentielle concernant la construction d’un mur gigantesque à sa frontière avec le Mexique.
De l’autre côté de la barricade se trouvent la Russie et la Chine, qui sont les principaux fournisseurs d’armes du Venezuela. Le soutien politique de la Russie à Maduro n’est que pécuniaire, car au-delà des intérêts politiques – le Venezuela a exprimé son soutien à la Russie sur des questions telles que la reconnaissance de l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et la situation en Ukraine – il supporte environ 5% de la dette publique extérieure du pays, qui était destinée à financer l’achat d’avions de combat et quelques sous-marins.
En ce sens et face à un changement de régime, Vladimir Poutine court le risque de perdre plus de 17 milliards de dollars investis dans ce pays des Caraïbes au cours des deux dernières décennies. La plupart d’entre eux ont été attribués par l’establishment bolivarien à la compagnie pétrolière d’Etat russe Rosneft.
Dans le cas de la Chine, ses relations avec le Venezuela découlent du projet du président Xi Jinping d’étendre l’influence de Pékin à l’échelle internationale. Bien que plusieurs pays se soient retirés du commerce avec Caracas ces dernières années, la République populaire de Chine a doublé son soutien. Au cours de la dernière décennie, le Venezuela a reçu plus de 62 milliards de dollars de la Chine, principalement sous forme de prêts, ce qui représente 53 % des montants totaux prêtés par le géant asiatique en Amérique latine.
La Chine a actuellement une valeur de 23 milliards de dollars de dette extérieure du Venezuela, ce qui en fait le plus grand créancier du pays et l’acteur qui rend le régime de Nicolas Maduro encore durable – grâce à son portefeuille. Un changement de gouvernement à tendance pro-américaine pourrait compliquer les mécanismes de paiement de la dette extérieure vénézuélienne.
Stratégie des acteurs du conflit et scénarios prévisibles
Le scénario politique qui s’est ouvert après l’autoproclamation présidentielle de Juan Guaidó a des objectifs clairs et concrets: augmenter encore l’usure politique actuelle à laquelle Nicolás Maduro et sa clique sont soumis au Venezuela ; positionner une nouvelle direction politique dans le pays cherchant à unifier les partis de l’opposition selon la même stratégie; mettre fin à l’isolement mondial du régime bolivien par le recours aux sanctions internationales et, vu le potentiel des ambitions actuelles, sévir contre le soutien des Forces armées par Nicolás Maduro.
En ce sens, Donald Trump a déjà articulé des mesures visent directement le point le plus fragile de l’économie vénézuélienne en sanctionnant la compagnie pétrolière publique PDVSA et en bloquant ses actifs et comptes. Citgo, une entreprise vénézuélienne qui opère aux Etats-Unis avec des milliers d’installations, de raffineries et de stations-service, sera remise à l’opposition politique. Désormais, les fonds que les États-Unis doivent verser au gouvernement vénézuélien seront versés à un gouvernement présumé de Juan Guaidó. L’objectif est de mettre fin à l’effondrement économique du régime de Maduro – le FMI prévoit une hyperinflation de 10.000.000 % pour cette année – indépendamment de l’impact que de telles actions ont sur une société vénézuélienne, qui vit plongée dans la pénurie de nourriture et de médicaments.
Cette situation se produit avec un PDVSA en défaut et une production pétrolière – fruit de l’inefficacité du gouvernement et de la corruption institutionnelle – au niveau le plus bas des trois dernières décennies: 1,3 million de barils par jour.
Pour ce faire, une nouvelle équipe dirigeante est mise en place afin de surmonter la frustration ressentie par une partie de la population vénézuélienne après quatre mois de protestations en 2017, qui ont fait 125 morts. Actuellement, les chefs traditionnels de l’opposition comme Henrique Capriles ou Henry Ramos Allup n’apparaissent pas en quête d’antagonisme actif et ne remettent pas non plus en question la nouvelle stratégie de l’opposition, qui semble indiquer un pacte transitoire bien que le soutien explicite des États-Unis à la stratégie conçue par Voluntad Popular (Guaidó) suscite des mécontentements.
De son côté, Nicolás Maduro et la bolibourgeoisie installée au pouvoir ne semblent pas avoir une stratégie qui va au-delà de la recherche d’une logique de stagnation dans la résolution du conflit. A cette fin, il est possible d’opter pour une option de dialogue avec l’opposition dans le but de gagner du temps.
Une fois la stratégie de vénérer la personnalité d’Hugo Chávez épuisée, le régime de Maduro ne peut fournir une instruction militaire qu’aux secteurs de la population qui sont les plus inconditionnels de son régime. Avec l’objectif annoncé d’atteindre deux millions de miliciens recrutés et armés pour défendre son gouvernement, le régime cherche à faire une démonstration de force qui effrayera l’initiative politique de l’opposition et démobilisera, sous la stratégie de la peur, les mobilisations présumées et permanentes dans les rues qui approchent. En fait, une étude de la firme Torino Capital – une banque d’investissement et courtier en valeurs mobilières ayant son siège social à New York et des investissements importants en Amérique latine – n’attribue que 40 % des probabilités et 30 % des possibilités à un scénario où le gouvernement de Maduro est forcé d’organiser des élections présidentielles anticipées.
Parallèlement, Maduro cherche à diminuer l’impact des sanctions américaines sur le PVDSA en augmentant la vente de pétrole à des intermédiaires qui revendent ensuite les barils aux États-Unis ou dans d’autres pays, ainsi qu’en augmentant les exportations de pétrole brut en Chine et en Inde. Dans le même temps, une initiative a été lancée pour rechercher de nouveaux fournisseurs afin d’acquérir les diluants qui permettent la commercialisation du pétrole brut lourd de la ceinture de l’Orénoque et des carburants qu’ils achètent à l’étranger en raison des pannes permanentes des raffineries du pays.
A court terme, le gouvernement de Maduro doit dépenser immédiatement environ 3 milliards de dollars pour répondre aux besoins d’importation de produits de base – dont beaucoup ont été réorientés vers le Mexique, la Russie et la Turquie – comme la farine, le riz, les pâtes et le lait en poudre qu’il vend à des prix subventionnés aux populations à faibles revenus et l’achat de carburant pour éviter des coupures de pompes et d’alimentation électrique. Quoi qu’il en soit, on s’attend à ce que les approvisionnements alimentaires diminuent, à ce que les problèmes d’approvisionnement en essence se multiplient et à ce que les pannes de courant et autres pannes de courant se multiplient.
Enfin, compte tenu de la baisse imminente des recettes en devises, la Banque centrale du Venezuela met en œuvre des mesures d’urgence pour prévenir l’escalade du dollar et une nouvelle dévaluation du bolivar. En ce sens, elle vise à réduire considérablement le crédit et à augmenter substantiellement la part de l’argent que les institutions financières doivent geler à titre de réserves. En tout état de cause, il est prévisible que l’hyperinflation ne s’arrêtera pas, étant donné que la cause fondamentale en est que le gouvernement crée de l’argent sans soutien pour couvrir ses dépenses en grandes quantités. Même le resserrement du crédit risque d’aggraver la récession économique actuelle, qui a commencé en 2013 et s’est aggravée à partir de 2015.
Si l’opposition politique vénézuélienne ne parvient pas à réduire le soutien militaire de Maduro, qui est une condition inévitable pour le démettre du pouvoir, il est prévisible que la réduction des revenus en devises étrangères entraînera une forte diminution des importations de matières premières et d’intrants dans le pays. Selon une récente analyse du Credit Suisse, les sanctions américaines contre le Venezuela, en raison des restrictions de change, feront augmenter le taux de change et l’inflation, ce qui entraînera une récession plus grave.
Quoi qu’il en soit, il se peut que la stratégie des États-Unis et de l’opposition fasse du gouvernement de Nicolás Maduro une sorte de grand frère qui le maintient au pouvoir avec un pays encore plus appauvri où le seul qui a quelque chose à partager est lui grâce à ses négociations avec la Chine, la Russie, la Turquie et le Mexique.
La meilleure solution possible
La première chose à comprendre est qu’il ne s’agit plus d’un différend idéologique ou de classe. Le gouvernement actuel au Venezuela est davantage lié aux pratiques de Fujimori qu’à celles mises en œuvre par le chavisme dans ses moments de plus grande légitimité sociopolitique. Être chaviste aujourd’hui au Venezuela ne signifie pas nécessairement soutenir le régime de Nicolás Maduro. En même temps, les quartiers populaires de Caracas ont été les protagonistes des mobilisations populaires de ces dernières nuits, précisément celles qui étaient auparavant sous le contrôle du régime.
Le Venezuela est devenu un État mafieux dans lequel ses dirigeants font face à une opposition qui répond aussi à des intérêts manifestement fallacieux. L’idéal, mais pas très réalisable, serait qu’une troisième force soit constituée dans ce contexte, dans ce cas de nature sociale et avec la participation directe de la société civile, afin d’imposer la volonté majoritaire qui impliquerait une solution politique loin des effusions de sang et des interventions étrangères.
Dans la pratique, la solution politique la plus appropriée consiste à organiser des élections libres, ce qui implique des questions collatérales telles que la mise en place immédiate d’un nouveau Conseil électoral national (CNE) – l’organe directeur de la démocratie actuellement aux mains du parti au pouvoir – formé strictement pour le moment par des universitaires et des personnalités reconnues au niveau national sans lien avec des intérêts partisans.
Il ne fait aucun doute que Nicolás Maduro doit quitter le pays, peut-être pour un pays allié qui lui offre – du moins au début – une protection. En même temps, les soldats doivent comprendre que, malgré les privilèges dont jouissent actuellement leurs commandants, ils ne doivent pas exercer de répression contre la majorité dissidente de leur société, ni être complices de la répression exercée actuellement par les groupes paramilitaires qui répondent au régime. Selon les registres compilés par Provea, une organisation sociale dédiée à la défense des droits de l’homme au Venezuela, les Forces d’action spéciales (FAES) de la Police nationale bolivarienne sont responsables du meurtre de 205 citoyens entre janvier et décembre 2018.
Un scénario de guerre au Venezuela résultant d’une hypothétique invasion étrangère du pays, scénario improbable, mais un argument sur lequel le régime tente de légitimer depuis des années sa politique, ne donnerait pas la moindre chance de victoire à la Force armée nationale bolivarienne (FANB), malgré les importants investissements en armements réalisés ces dernières années.
Au-delà des discours prétendument héroïques et patriotiques de Nicolás Maduro, les États-Unis continuent d’être la première puissance militaire de la planète et disposent d’une capacité suffisante pour mener des opérations chirurgicales militaires avec moins d’exposition que lors des conflits du siècle dernier, tandis que le Venezuela occupe la 45e place du classement militaire des 131 pays. Une guerre au Venezuela ressemblerait davantage à ce qui s’est passé en Irak et en Libye qu’à l’exemple tant cité du Vietnam.
Il est fort probable que les dirigeants courageux et patriotes de l’armée bolivarienne d’aujourd’hui chercheront des mécanismes pour négocier des amnistieset des destitutions dans les enquêtes qui pourraient être ouvertes contre eux pour des cas de corruption et des actions répressives contre la population civile, moment où ils pourraient abandonner Maduro à son sort s’ils le considèrent comme le perdant de l’affrontement actuel. (Article publié sur le blog La Ruta del Jaquar, le 6 février 2019; traduction A l’Encontre)
Decio Machao,Grupo de Estudios de Geopolitica Critica en América Latina
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(V) Petite précision à propos du texte: «Venezuela: une trahison des camarades de la Plate-forme de défense de la Constitution (PDC)»
Par Marc Saint-Upéry
1/ Ce texte parodique de ma plume conçu comme un simple divertimento et au départ envoyé à un assez petit nombre de destinataires [dont C.A. Udry, avec qui j’ai des échanges assez réguliers, selon des modalités claires et directes, mutuelles] a été repris et édité sur le site A l’encontre, sans mon consentement explicite, bien que je n’aie pas d’objection à sa diffusion. De fait, je n’avais pas compris au départ que c’était mon texte intégral lui-même, et non simplement une traduction du texte en espagnol que j’y cite et qui décrit la réunion mentionnée entre représentants de PDC (et aussi un représentant de Marea socialista, me signale-t-on) et les proches de Juan Guaido et des élus de l’Assemblée nationale vénézuélienne, qui serait publié. Je n’ai toutefois, j’insiste, aucune objection à sa diffusion, n’ayant rien à cacher et n’ayant aucune raison de renier mon intention satirique, particulièrement pertinente dans ce cas.
2/ En effet, la position parodique qui est exprimée dans ce texte n’est que la conséquence absolument logique, et même pas d’une logique par l’absurde mais d’une logique conséquentialiste rationnelle, de la position partagée par la IVe Internationale et le NPA, selon laquelle la priorité des priorités dans la crise vénézuélienne est de dénoncer Juan Guaido comme un “putschiste” et une marionnette de l’Empire. Analyse que je considère comme stupide et erronée, jugeant en outre que sa priorisation comme “première chose à dire” dans les communiqués politiques de la IV et du NPA, ou d’autres organisations et personnalités de gauche (je n’appartiens pour ma part à aucune d’entre elles, même si j’ai pu voter à l’occasion pour leurs représentants ou partager bien des combats avec leurs militants), est moralement et politiquement criminelle.
(Cette dernière qualification étant exclusivement mienne et n’engageant évidemment pas les positions spécifiques du site A l’encontre à ce sujet, que je ne connais pas et dont je constate de toutes façon qu’il publie souvent des textes à titre documentaire et avec une gamme de sources et d’opinions pluralistes. Enfin, il me semble…)
3/ Il est à noter qu’une fois publié dans A l’encontre, ce texte a été traduit en espagnol par je ne sais qui et que des crétins «anti-impérialistes» le diffusent aujourd’hui orgueilleusement en Amérique latine en l’assumant totalement comme un texte non ironique. Ce qui veut dire, ce qui ne m’étonne pas du tout, qu’il y a plein de gens dans la «gauche révolutionnaire» pour assumer ce type de rhétorique et d’idéologie stalinienne comme leur langue et leur idéologie spontanée et légitime, sans y voir la moindre objection. De ce point de vue, mon innocent divertissement a un effet révélateur involontaire assez intéressant.
4/ Certaines personnes proches de la IVe Internationale et du NPA, et même ailleurs, ont eu l’incroyable culot (ou la naïveté) de me reprocher d’utiliser l’humour et la dérision dans cette affaire. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’on me reproche d’y avoir recours dans des débats idéologiques. Or, c’est quand même un reproche extraordinaire de la part de gens qui ont l’air de considérer que, si certains camarades “marxistes-révolutionnaires” jouent, de fait, les idiots utiles du stalinisme mafieux maduriste et font des déclarations officielles répugnantes qui touchent le fond de l’infamie morale, c’est marginalement regrettable mais c’est simplement par ignorance bien intentionnée des complexités de la situation – m’a-t-on dit pour les excuser, ce n’est pas leur faute, et il ne faut pas trop s’en offusquer ni élever la voix. En revanche, si moi je m’esclaffe ouvertement parce que des crétins pontifiants profèrent des crétineries pontifiantes et ignorantes, alors là, c’est un grave péché contre la camaraderie progressiste. On croit rêver…
5/ Pour le reste, mes analyses sur la question vénézuélienne sont largement diffusées et disponibles en divers endroits et sur divers supports, académiques et militants pour qui veut les consulter, et j’estime qu’avec celles de mon camarade et coauteur fréquent le sociologue Fabrice Andreani – ou à l’occasion de mon autre camarade et coauteur Pablo Stefanoni –, elles sont tout simplement les plus pertinentes et les plus fouillées disponibles en français sur le marché dans le camp progressiste, même si elles ne s’inscrivent dans aucune orthodoxie “marxiste-révolutionnaire” et sont susceptibles de froisser divers petits commissaires politiques au petit pied. (7 février 2019)
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