Par Cécile Rousseau
Le géant de la logistique a débarqué quatre personnes pour faute grave, selon la CGT. En cause: des messages sur les groupes Facebook de gilets jaunes.
Les chasubles fluo et leurs sympathisants semblent dans le viseur du géant du commerce en ligne. Depuis novembre 2018, la CGT Amazon Logistique a recensé quatre cas de licenciements d’employés pour faute grave. Deux personnes à Lauwin-Planque (Nord), une à Saran (Loiret) et une autre à Montélimar (Drôme). La direction pointe des «manquements à l’obligation de loyauté» consistant en des commentaires ou posts Facebook sur les groupes des gilets jaunes.
Pour la CGT, «il fallait faire des exemples»
À Lauwin-Planque, un des deux salariés débarqués se voit sanctionné pour un appel au blocage sur le site d’Amazon Transport de Lesquin, alors qu’il est employé par Amazon Logistique… À Montélimar, la personne licenciée le 22 novembre est accusée de s’être réjouie sur le réseau social d’un blocage (comme le révélait le Parisien): «Franchement, vous gérez, les gens, ne lâchez rien, un seul mot d’ordre vendredi va être “Black Out Friday”, ne lâchez rien… Je me joins à vous quand je ne travaille pas… Bloquez tout.» Du côté du Loiret, un employé a été mis à pied à titre conservatoire, donc sans salaire, avant d’être remercié à la suite d’un message inscrit sur la page «Nous Gilets Jaunes», le 18 novembre: «Pour frapper un grand coup et nuire à l’économie, blocage des entrepôts Amazon. La semaine du Black Friday commence et, demain, c’est encore les plus aisés qui vont en profiter.»
Pour la CGT, pas de doute, «il fallait faire des exemples et éviter que plus de salariés rejoignent ce mouvement, estime Alain Jeault, délégué syndical central CGT d’Amazon Logistique. Il y a un terreau pour que ça prenne dans l’entreprise. Les collègues ont pas mal investi les ronds-points, motivés par leurs bas salaires. C’est une attaque à la liberté d’expression. Ce sera quoi, la prochaine étape? À Montélimar, cinq personnes avaient été convoquées par la direction…» Ces pressions n’ont toutefois pas empêché leurs soutiens de manifester, à l’initiative de la CGT, de Solidaires et des gilets jaunes, à Lauwin-Planque et à Saran, mardi dernier, pour exiger leur réintégration.
Les décisions radicales d’Amazon sont contestables
Pour maître Avi Bitton, avocat en droit du travail, les arguments d’Amazon sont contestables: «Un appel au blocage peut s’interpréter comme un appel à la grève. Or, appeler à la grève et faire grève, ce sont des droits fondamentaux, on ne peut licencier pour ça, selon la jurisprudence! De toute façon, dans le Code du travail, en cas de licenciement pour faute grave, le doute, ici sur le terme de “blocage”, profite aux salariés, et le licenciement pour un appel à la grève serait donc nul.»
Selon la CGT, ces décisions radicales dépassent le cadre des gilets jaunes. Ces licenciements sans préavis et sans indemnités interviennent juste après le pic d’activité des fêtes de fin d’année et ses recrutements massifs. La CGT y voit un moyen de dégraisser à bas coût. Comme l’explique Alain Jeault: «Nous avons un dispositif, qui s’appelle “the Offer”, entre le 28 janvier et le 13 février, où les salariés bénéficient d’une prime au départ de 8000 euros. Ces licenciements tombent bizarrement dans la même période…»
Contactée par l’Humanité, la direction d’Amazon France souligne que «ces sanctions sont à rapporter aux appels à bloquer les entreprises et, donc, à nuire à leurs activités. Il ne faut pas faire d’amalgame. (…) Il est faux de prétendre que des collaborateurs ont été licenciés pour une raison autre que la violation de leurs obligations contractuelles». (Publié dans L’Humanité, le 8 février 2019)
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