Par José Ancalao Gavilan
Ce vendredi 18 novembre 2011 se déroule à Santiago du Chili la deuxième journée de protestation des étudiants. Le jeudi 17 novembre 2011 s’est déroulée une manifestation de 50’000 personnes – selon les organisateurs – à Valparaiso. Un vrai succès. La manifestation du vendredi 18 novembre 2011 et celle du 17 novembre ont reçu l’appui des enseignants.
La venue à Genève et à Fribourg de José Ancalao prend encore plus de relief dans ce contexte marqué, d’un côté, par l’émergence dans ce mouvement étudiant massif – du secondaire et universitaire – des revendications des Mapuches et, de l’autre, par la continuité, presque sans analogie, d’un mouvement revendicatif qui met en question le fonctionnement même de la société issue du régime de Pinochet. Ce mouvement pour une éducation gratuite et de qualité touche aux racines même du système néo-libéral. (Rédaction)
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Il est évident que beaucoup de représentants politiques ne savent pas clairement dans quel but lutter. Ils paraissent dédaigner les rêves de changement de la réalité et tout projet d’utopie politique qui vaille la peine. Cependant ils permettent l’avancée de gigantesques mouvements de masse sectoriels qui prennent appui sur des structures de pouvoir qui sont propres à l’Etat lui-même.
Ces représentants politiques s’imaginent qu’en injectant des millions de pesos dans des programmes d’éducation ou avec de simples appels au dialogue [entre le mouvement des étudiants et ses alliés] le problème [d’une éducation gratuite et de qualité] sera résolu. Tout est réduit à l’argent. Dès lors il faut être catégorique à ce sujet: le peuple Mapuche et les étudiants du Chili, nous ne sommes pas à vendre. Ici ce qui prime c’est un geste de réparation morale qui attend depuis longtemps. Nous, les Mapuches, sommes touchés dans notre dignité et en premier lieu l’Etat doit reconnaître ce fait évident.
Ensuite, la solution se trouve bien au-delà de la création des conditions pour un dialogue. On doit mettre en avant une proposition claire sur la participation et le développement [référence à la situation du peuple Mapuche]: d’une part, on doit avancer jusqu’à notre reconnaissance constitutionnelle avec une participation politique digne et une éducation en accord avec les caractéristiques historiques et culturelles du peuple Mapuche. D’autre part, l’Etat doit résoudre l’origine du problème avec une précision chirurgicale et non avec quelques cachets d’aspirine, comme il le fait actuellement. En effet, les cris des étudiants qui se soulèvent ne cesseront pas avec de petits cadeaux, parce que ce sont des cris qui revendiquent un espace qui nous revient de droit.
Je sais d’où je viens et je sais clairement pourquoi je lutte. Nous sommes fiers de notre origine et cela personne ne peut nous l’enlever. Nous sommes un peuple qui ne s’est jamais laissé dominer et nous avons appris à nous adapter à ce nouveau contexte pour faire valoir nos droits ancestraux.
Que signifie être «Chilien»? Cette société est vouée à une agrégation de cultures diverses qui occupent un même espace. Notre défi consiste à être capables d’instaurer une nouvelle forme de «leadership» efficace afin de mettre en place une société solidaire qui offre l’égalité de chance pour tous. Nous devons parvenir à nous incorporer à une éducation adéquate sur le plan ethnique, sur celui du travail, et dans l’ensemble des processus productifs, dès lors dans toutes les activités économiques et sociales qui visent au plein développement en tant qu’être humain. Nous devons sortir de la simple critique permanente et tendre à un développement basé sur la paix comme situation idéale et valeur prédominante. Dans ces conditions il sera possible d’obtenir le consensus du pays.
Le grand héritage que nous a laissé le passé est la violence, l’intolérance et l’impunité. Mais nous ne pouvons pas retourner en arrière, nous devons avancer: l’intelligence et le dialogue devront occuper une place prioritaire. Ceux qui font les sourds doivent écouter et nous sommes en train de nous faire écouter avec la force de la vérité.
Nos armes sont la justice et la non-violence. Nous ne cherchons pas à satisfaire notre soif de justice en tombant dans la haine, en déviant nos justes revendications par la violence physique comme le fait l’Etat en ce moment [référence à la répression qui frappe, en particulier, la population Mapuche et les étudiants du sud du Chili]. Il est déjà alarmant de constater l’extrême degré de violence auquel l’Etat est parvenu.
Notre foi est fondée dans l’unité des peuples, aujourd’hui nous démontrons que nous pouvons marcher ensemble.
Dans cette lutte, nous ne nous méfions pas de ceux qui ne sont pas Mapuches, beaucoup d’entre eux sont sincèrement engagés avec nous et les liens de solidarité entre les Mapuches et les secteurs sociaux les plus vulnérables sont exemplaires et évidents: nous fraternisons dans la lutte pour une vie digne.
Nous ne pouvons cheminer seuls. Nous avons promis de travailler ensemble en privilégiant l’intérêt commun sur nos légitimes différences politiques. Nous n’arrêterons pas jusqu’à l’aboutissement des objectifs qui sont l’héritage de nos ancêtres et nous savons qu’un lendemain meilleur dépendra de ce que nous faisons maintenant, dans le présent. Inévitablement, nous prendrons en main, administrerons, les lendemains. (Traduction A l’Encontre)
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* José Ancalao Gavilan est porte-parole de la Femae (Fédération Mapuche des étudiants) qui fait partie de la Confech (Confédération des étudiants chiliens).
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