Par Breno Costa
Le Brésil dispose déjà d’un bloc d’extrême droite dans le législatif (Chambre des députés et Sénat, et dans divers Etats) quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle du 28 octobre. Il est composé de députés tels que Márcio Labre, du Parti social-libéral (PSL) de Rio de Janeiro. Márcio Labre est peu connu, mais a déjà accumulé 35’000 «adepte»s sur son canal Youtube. «J’avais pensé à prendre le pouvoir par la force, mais j’étais convaincu de donner une nouvelle chance à la démocratie dans cette élection de 2018», a-t-il dit dans une de ses vidéos pour demander le vote. Il y défend une nouvelle Constitution dans laquelle les partis et les mouvements dits communistes seront interdits et un régime de travail forcé sera adopté pour exécuter les peines d’emprisonnement à vie. Ce député dit aussi qu’il formera «une force opérationnelle pour assurer la gouvernabilité de notre futur président et commandant Jair Bolsonaro».
A côté de lui, il y aura des députés élus – la plupart pour la première fois – qui défendent, entre autres, des initiatives politiques que la majorité de droite traditionnelle avait honte d’exprimer, il y a encore quelques années: c’est-à-dire le «soutien légal» attribué à la police de tuer sans être punie, la castration des violeurs, la classification des mouvements sociaux comme terroristes, la réduction de l’âge de la responsabilité pénale (dans certains cas à 14 ans), l’adoption du régime de l’emprisonnement à vie et l’interdiction des partis de gauche, et autres.
La formation du bloc BBB et bolsonariste
Dans le nouveau Congrès (réunion des deux chambres), la honte ne sera plus de mise. Si un Marcos Feliciano – pasteur néopentecôtiste lié à l’Assemblée de Dieu et homme d’affaires ainsi que député fédéral [depuis 2011] – a dérangé beaucoup de gens [étant donné ses positions contre le droit à l’avortement, contre les homosexuels], il faut maintenant se préparer à une invasion par des Felicianos (et pas nécessairement pasteurs). Ces propositions des députés maintenant élus sont bien conçues sous forme de PDF, d’affiches diffusées sur Facebook et de vidéos distribuées par Youtube. Plus de 7,9 millions de Brésiliens ont voté directement pour les 52 candidats présentés par le PSL (Parti social-libéral dirigé par Jair Bolsonaro), un parti autrefois insignifiant. C’est la deuxième fraction parlementaire après celle du Parti des travailleurs composée de 56 élus (sur une Chambre des députés en comptant 513). En outre, en plus de la fraction directement bolsonariste, existent des députés qui s’y rallient et ont été élus. La vague conservatrice renvoie à une tendance qui s’exprime dans la société.
Ce qui rend ce flot de parlementaires conservateurs potentiellement dangereux pour les futures lois qui seront adoptées par le législatif fédéral du Brésil, c’est qu’ils ne sont pas tous une bande de malpropres qui pourraient céder au physiologisme [1]. Rien n’indique que ce groupe de députés du PSL aient du sang dans les yeux pour simplement voler. Leur motivation est, sauf indication contraire, idéologique. Rétrogrades, violents, peut-être sans consistance, mais toujours avec un objectif véritable.
Une proportion considérable de ces bolsonaristes convaincus sont en fait des parlementaires qui ont le potentiel d’utiliser efficacement la tribune et les commissions internes de la Chambre des députés pendant au moins les quatre prochaines années. Il est bon de se rappeler que Feliciano a gagné en notoriété et en aversion pour la gauche en s’affirmant dans la Commission des droits de l’homme, traditionnellement présidée par des représentants du camp progressiste. Certains des disciples de Bolsonaro pourraient même devenir ministres. Ce sont des policiers, des officiers des forces armées, des hommes d’affaires, des spécialistes de la communication. Ils ont en commun un conservatisme déclaré, d’une intensité jamais vue auparavant.
Le conservatisme de droite extrême n’est pas le seul fait du PSL. L’ADN de Bolsonaro et de son parti d’occasion est présent dans un large éventail de partis. Pour ne citer que quelques exemples les plus évidents: le pasteur Marco Feliciano [élu du Parti social-chrétien puis affilié au parti Podemos, connu comme PODE], Onyx Lorenzoni (Democratas-DEM), Kim Kataguiri (DEM). Mais il y en a aussi d’autres encore inconnus pour la plupart du public et qui sont sortis des urnes avec un vote massif dans leur Etat et arrivent à la Chambre avec un moral élevé et l’appui de Bolsonaro.
C’est le cas, par exemple, de Gilson Cardoso Fahur – connu sous le nom de Sargento Fahur – de la police militaire routière. Il a été le mieux élu dans l’Etat du Paraná [il a réuni 314’963 voix contre 212’513 pour la candidate du PT Gleisi Lula – qui est la présidente du PT, se nomme en réalité Gleisi Helena Hoffmann; elle a choisi le nom de Gleisi Lula pour les élections – et 241’513 pour Felipe Franchischini du PSL, arrivé, lui, deuxième].
Fahur était affilié au Parti social-démocrate (PSD) sur demande de la direction du PSL. Il a affirmé: «Je soutiens Bolsonaro, comme président du Brésil, quel que soit son parti.» Il ne s’est donc pas présenté sur la liste PSL dans l’Etat du Paraná, simplement pour une raison de tactique électorale [ce que le résultat à la députation fédérale démontre et sur demande de Bolsonaro].
Ce qui se dessine, c’est un changement dans la logique organisationnelle du Congrès. Les partis n’avaient plus de frontières claires entre eux. Maintenant, avec 30 partis ayant des représentant·e·s, la fragmentation des partis et la polarisation du pays indiquent clairement que les votes seront beaucoup plus idéologiques et moins «disciplinés», c’est-à-dire guidés par les ordres des chefs de partis. Le vote respectera encore davantage les intérêts socio-économiques sectoriels que mots d’ordre des partis.
En particulier, la fraction parlementaire répondant à l’acronyme BBB (Balle – arme et tuer -Bible – évangélistes – et Bœuf – agrobusiness): autrement dit les défenseurs de la ligne dure dans le domaine de la sécurité publique, les évangéliques et les ruralistes. Ils sont distribués entre différents partis. Selon le Diap (Departamento Intersindical de Asesoría Parlamentaria), la Chambre de députés actuelle compte 233 députés alignés sur l’un de ces trois groupes, soit 45% du total. Avec les chiffres du vote de dimanche (le 7 octobre 2018), il est possible d’imaginer que ce pourcentage augmentera au point de garantir la majorité absolue de l’Assemblée.
Le Règlement intérieur de la Chambre des députés prévoit la formation de «blocs parlementaires». Dans la pratique, ils réunissent des partis divers sous le commandement d’un chef unique, ce qui facilite le «rassemblement» des votes, la définition des priorités et le rapport avec le pouvoir exécutif. Il n’est pas surprenant que le PSL s’oriente vers un arrangement plus institutionnel avec des partis plus petits, qui sont déjà, plus ou moins, dans son orbite. Il ne s’agit pas seulement d’un laboratoire pour la création d’un nouveau parti, tel que cela a été publié dans la Folha de São Paulo après les déclarations officielles de soutien des ruralistes et des évangéliques à la candidature de Bolsonaro. Avec la clause Barrera [2], le volume du PSL aura tendance à augmenter jusqu’au début de l’année, avec la migration vers lui (migration assez courante dans la Chambre des députés au Brésil) des conservateurs élus par les petits partis de droite qui seraient politiquement peu viables comme parti [avec les désavantages financiers qui en découlent].
La taille du PSL a son importance [le PSL réunit 52 parlementaires]. En effet, la chambre compte maintenant 25 comités permanents qui sont organisés par thème. Chaque projet doit passer par certains d’entre eux avant d’arriver en assemblée plénière. Dans un éventuel gouvernement de Jair Bolsonaro, en raison de la taille institutionnelle jusqu’à la prise du mandat en janvier 2919, le PSL aura probablement le contrôle de la Commission Constitution et Justice (la plus importante, par laquelle passent tous les projets) et au moins deux autres. Le bloc conservateur aura également la force suffisante pour mettre en place des commissions parlementaires de recherche et développer des chasses aux sorcières à partir de celles-ci. Un tiers des signatures de la Chambre est suffisant pour cela. Le banc le plus classique du conservatisme détient déjà 45% de la Chambre.
L’armée bolsonariste
Le discours enragé de Sargento Fahur, le plus voté au Paraná comme député [voir ci-dessus], a un énorme succès dans les réseaux sociaux (sa page Facebook a plus de 3 millions de fans). Ses messages sont des anathèmes fort «civilisés» tels que: «pour le clochard un coup dans le dos et une balle dans le cul». L’Etat du Paraná est un bastion du nouveau conservatisme brésilien. Le journaliste Paulo Martins, âgé de 37 ans, est également présent à la Chambre des députés. Il est affilié au Parti chrétien-social (PSC) et a reçu 1 million de R$ (reais) de la direction nationale du parti pour sa campagne, signe que c’était un enjeu important pour la Chambre des députés. Mais c’est un bolsonariste de la tête aux pieds. [Il a été élu, en septième position par rapport au nombre de suffrages réunis par les députés fédéraux dans le Paraná, avec 118’754 voix.]
La troupe de choc Bolsonaro du Paraná est également composée de deux autres jeunes de 27 ans, gladiateurs potentiels de la lutte contre la gauche «dépravée» occupant les salons de Brasilia. Ces candidats sur la liste du PSL sont des «bolsonaristes de pure souche». L’un d’eux est Felipe Francischini, fils de Fernando Francischini, de la Police fédérale et l’un des architectes de la campagne Bolsonaro [il a été élu député fédéral dans le Paraná , en première position avec 427’749 suffrage]. L’autre est Filipe Barros, 27 ans, un avocat qui se définit sans la plus petite hésitation ainsi: «Je suis conservateur, de droite, défendant la réduction de l’Etat, le libéralisme économique et l’initiative privée (si dévalorisée dans notre pays). Défenseur de la vie [donc contre le droit à l’avortement], de la famille et des enfants.» Barros arrive à Brasilia [dernier sur la liste des députés fédéraux de l’Etat du Paraná, avec 74’326 voix] en venant de Londrina (une ville au nord du Paraná à 370 km de la capitale Curitiba], où il est conseiller municipal. [Son programme peut être examiné sur son site: les coches en faveur et contre parlent d’elles-mêmes]
La jeunesse est une caractéristique importante de cette fraction parlementaire de Bolsonaro. L’âge moyen des personnes choisies par le PSL est de 45 ans. En 2014, les élu·e·s, cette année-là, avaient une moyenne d’âge globale de 51 ans. La tendance est vers une polarisation plus marquée lors du second tour, les conservateurs menant une opposition idéologique intense. Mais avec la victoire de Bolsonaro, les parlementaires de droite auront aussi l’occasion d’acquérir une expérience administrative au sein du gouvernement fédéral.
Dans le PSL, il convient également de mentionner l’avocate Carol De Toni, 34 ans, de Santa Catarina [Etat du sud dont la capitale est Florianopolis, réputée pour ses plages]. Avocate, elle se définit comme «olavete», par une référence au philosophe et modèle du conservatisme extrême brésilien Olavo de Carvalho [3]. Dans son curriculum, Carol De Toni revendique la présidence du MBL [Mouvement Brésil libre, fondé en 2014 par Kim Kataguiri, conservateur libertarien] à Chapecó (Santa Catarina) et de la fondation du Mouvement libéral conservateur. Parmi ses propositions de campagne figurent la criminalisation déjà «normale» du Mouvement des sans-terre (MST) et la fin de la démarcation des nouvelles terres autochtones [donc l’expulsion de ces terres occupées encore par des «indigènes»]. Mais elle vise aussi à «abolir le financement public des journaux, des stations de radio, des défilés d’homosexuels et des carnavals». Elle a donc une sorte d’originalité [et elle défend les intérêts de l’agrobusiness].
Il y a aussi les radicaux plus grossiers. Bolsonaro a traîné au Congrès des personnages qui promettent de faire partie du folklore de la Chambre. Si l’on considère que [la journaliste] Joice Hasselmann et [et l’ancien acteur porno] Alexandre Frota sont déjà «hors série» dans cette section, on ne peut en dire autant de Nelson Barbudo et Tío Trutis.
Les deux viennent du centre-ouest, du monde fantastique de l’agriculture: le Mato Grosso et le Mato Grosso do Sul, respectivement. Nelson Ned Presidente (oui, c’est son vrai nom !) répétera à la Chambre le genre de discours qu’il adresse habituellement à ses 45’000 «followers» sur sa chaîne Youtube. Sous le nom de Nelson Barbudo, il a été le plus voté au Mato Grosso [avec 126’249 suffrages; la candidate du PT, la Professora Rosa Neide, a obtenu 51’015 suffrage et arrive en 7e position]. Il sera reconnu non seulement pour son discours moqueur contre la gauche et les médias, mais également pour son chapeau dont il ne se sépare pas [voir photo]. Tio Trutis est un produit radical, ignorant, sans qualification au-delà de la rhétorique. [Sur son site, il se proclame: «Conservateur, anticommuniste et pro-armes»; il est en cinquième position comme député du Matto Grosso do Sul, sur la liste PSL, et rassemble 56’339 suffrages, plus que le candidat du PT, Vander Loubet.]
Une autre aile radicale du PSL, si vous pouvez séparer les choses de cette façon, est celle illustré par Cabo Junio Amaral, dans l’Etat du Minas Gerais. Il a 31 ans, mais il fait partie de la police militaire depuis 11 ans maintenant. Il a eu le temps de créer les «mines de droite» et de décider qu’il valait la peine de se présenter au Congrès fédéral pour défendre, en tant que membre du Congrès, la classification du «communisme comme crime», le «travail forcé des prisonniers» et la «fin des audiences de détention» (où les prisonniers sont présentés devant un juge pour évaluation des mauvais traitements possibles subis en prison, ce qui est plus que courant).
Un bruit de bottes à la Chambre
La police et les forces militaires ont du poids dans la troupe du PSL. Sur les 52 élus, 20 sont des officiers de police ou des membres des Forces armées, dont trois délégués de la Police fédérale, deux généraux et un colonel de l’armée. L’un des policiers est Daniel Silveira, élu par Rio de Janeiro. Il a eu son moment de gloire après avoir détruit la plaque à la mémoire de la conseillère municipale assassinée [le 14 mars 2018 à Rio de Janeiro]: Marielle Franco. Ce garçon a 35 ans et est officier de police militaire.
A São Paulo, l’élection du colonel Tadeu est remarquable. Marcio Tadeu Anhaia de Lemos, de la Police militaire, partage les affaires avec le Major Olimpio, sénateur élu et l’un des principaux coordinateurs de campagne de Bolsonaro. Tadeu et Olimpio ont écrit deux livres ensemble.
Avec l’aura militariste de son gouvernement, les députés de la noble vie militaire ne pouvaient être absents. Il y a deux généraux parmi ceux qui sont élus par le PSL, ce qui est sans précédent au Brésil. Ils s’inscrivent dans la catégorie du vice-président sur le ticket présidentiel: le «général Mourão». L’un d’eux est Elieser Girão Monteiro Filho. Elu dans le Rio Grande do Norte [en sixième position avec 81’640 suffrages, les deux candidats du PT l’ont devancé: Mineiro: 98’070 et Natalia Bonavides: 112’998]. Le général Girão a été responsable militaire à la sécurité dans cet Etat et dans celui de Roraima [au nord, avec comme capitale Boa Vista]. L’une de ses propositions est de ramener l’âge de la responsabilité pénale à 14 ans et de réviser le Statut des enfants et des adolescents dans son ensemble.
Roberto Sebastião Peternelli Júnior est l’autre général bolsonariste qui siégera en séance plénière de la Chambre. Général depuis 2006, il a déjà commandé plusieurs unités de l’armée. Il a également été secrétaire exécutif du cabinet de sécurité institutionnelle. Son CV ne s’arrête pas là. Dans un message sur Facebook, il avait défendu l’intervention militaire directe pour destituer Dilma Rousseff du pouvoir [le coup d’Etat institutionnel a été accompli en août 2018]. Puis il a dit que son compte avait été piraté pour nier cette intention. Mais le général déteste les «communistes». Sous le gouvernement de Michel Temer, il a été élu président de la Fondation nationale indienne (Funai), censée défendre les indigènes et leur terre, mais, en raison de ses positions contraires aux intérêts des «autochtones», sa nomination n’a pas été confirmée.
Les positions ministérielles
L’armée de Bolsonaro a aussi des noms avec des profils ministériels. Heitor Freire, par exemple, est originaire du Ceará, une région où Bolsonaro n’a pas encore réalisé une insertion sociale significative. Tout en étalant des diplômes d’universités américaines et britanniques et plus de 15 ans d’expérience sur les marchés financiers, ayant travaillé, entre autres, à la Boston Bank et à la HSBC, Freire apporte aussi le programme du conservateur brésilien: il est en faveur d’une loi qui inclut les «sans terre» et le Mouvement des travailleurs sans toit (MTST) – dont le leader était le candidat de la coalition électorale animée par le PSOL, entre autres: Guilherme Boulos [la coalition présidentielle du PSOL, PCB, MTST a fait 0,58% des voix] – comme «organisations terroristes» et l’abolition du Statut sur le port d’armes afin de libéraliser la vente des armes [pour «l’autodéfense individuelle» contre «les criminels pauvres»].
Dans le domaine de la police, le député Marcelo Freitas, élu dans l’Etat de Minas Gerais, arrive au Congrès avec une carrière construite depuis 2002 dans la police fédérale. Récemment, il a été parmi les trois candidats pour remplacer Leandro Daiello Coimbra dans la direction générale de la police fédérale. Freitas est également professeur à l’Académie nationale de police. Issu d’un collège électoral fort comme celui Minas Gerais, il a un profil de ministre de la Justice ou même de présidence d’une importante commission dans le domaine de la sécurité publique.
Ce qui pourrait lui être défavorable, c’est qu’il s’agit d’un cas intéressant «d’hybridisme» conservateur au sein du PSL. Tout en défendant la «répression qualifiée» et la «valorisation du droit à l’autodéfense», il veut décriminaliser l’usage de drogue. Tout en prêchant en faveur d’une révision de la norme actuelle d’ajustement du salaire minimum, il préconise de «fournir un revenu aux chômeurs», selon les modèles de la Finlande, du Canada et, en partie, des Etats-Unis.
Un autre «modéré» parmi les personnages du PSL est l’ancien nageur Luiz Lima. Choisi par Rio de Janeiro, capitale nationale du sport, il ne serait pas surprenant qu’il occupe le ministère des Sports. En fait, il a déjà travaillé sur ce ministère, mais il en a critiqué la «politique imparfaite». Lima est peut-être la «bonne personne» pour un éventuel effort de relations publiques du gouvernement Bolsonaro. Il fait partie du mouvement RenovaBR de Luciano Huck, et peut être le pont entre Bolsonaro et ce groupe (Lima est l’un des deux seuls membres du PSL parmi les 133 «leaders» du groupe). Parmi les donateurs de la campagne de Bolsonaro figure Abílio Diniz, propriétaire du groupe SugarLoaf [la firme au nom du Pain de Sucre de Rio. En réalité A. Diniz dirige un holding important (Peninsila Participações), est membre du conseil d’administration du BRF (grand groupe agroalimentaire) et du groupe Carrefour Brésil, filiale de Carrefour France].
Daniel Freitas, le deuxième candidat le plus voté à Santa Catarina, mérite également notre attention. Conseiller municipal à Criciúma, il a travaillé dans le département commercial de la RBS (affiliée au groupe de média Globo dans le Rio Grande do Sul) et a conseillé le secrétaire à la Communication sociale de Santa Catarina. Sa spécialité est l’organisation d’événements. Il possède même une société de communication. Une position au sein de l’équipe de communication sociale du gouvernement ne serait pas une surprise – même pour la dette de gratitude que Bolsonaro a contractée envers Santa Catarina: l’Etat qui lui a donné proportionnellement plus de voix à travers le Brésil.
Attention aussi à Carlos Jordy, conseiller municipal de Niteroi [ville dans l’Etat de Rio de Janeiro], qui arrive à la Chambre à l’âge 36 ans, mais une rhétorique assez sûre et un discours apparemment bien articulé pour soutenir son option conservatrice. Il a travaillé pendant une longue période dans le domaine de l’hôtellerie et du tourisme, mais il a aussi travaillé dans le domaine des appels d’offres et des marchés publics – même au sein du gouvernement fédéral – mais en tant que concurrent. Il est entré en politique en 2016. Jordy se définit lui-même comme un «conservateur culturel» et cite The Politics of Prudence de Russell Kirk [1918-1994, un des théoriciens du conservatisme aux Etats-Unis]. Or, cet ouvrage est un des livres de chevet de ceux qui surfent sur cette vague conservatrice au Brésil.
Dans la troupe bolsonariste se trouve aussi le prince Luiz Philippe d’Orléans et Bragança [envisagé par Bolsonaro, en juillet 2018, comme candidat à la vice-présidence, mais finalement pas choisi]. Une plus grande récompense est attendue pour lui, allant au-delà du droit de circuler dans les couloirs du Congrès et de ses annexes. [Il a été élu sur la liste du PSL, et s’est trouvé au 33e rang des député élus, avec 118’457 suffrages, comparé au fils de Bolsonaro qui a ressemblé 1’843’735 voix.] Il est là depuis assez longtemps, et c’est fatigant. D’ailleurs, ce ne doit pas être, convenons-en, quelque chose de digne pour un prince. (Article publié dans Nueva Sociedad, octobre 2018; traduction A l’Encontre)
Notes
[1] Les partis traditionnels du Brésil, partie physiologique de l’Etat. D’ailleurs, il faut noter que le PSDB passe de 49 députés à 29 et le PMDB de 51 à 34. Oswaldo do Amaral, professeur de Science politique de l’Université d’Etat de Campinas (Unicamps), déclare au quotidien El Pais du 18 octobre 2018: «Nous voyons un mouvement de croissance des conservateurs au sein du Congrès depuis la fin de la décennie passée. Mais, aujourd’hui, il semble qu’ils disposent de plus de forces pour imposer leur agenda si finalement Bolsonaro gagne.» (Réd. A l’Encontre)
[2] La «clause de barrera» instaure un seuil de 5% pour pouvoir être présent dans les commissions parlementaires et être considéré comme un groupe dans le parlement. Bien que déclarée non constitutionnelle par la Cour suprême elle reste en vigueur. (Réd. A l’Encontre)
[3] Ce dernier a initié son parcours politique dans le PC pour finir dans les bras de Bolsonaro. Il multiplie la production de livres sur «tous les thèmes». Il a reçu un prix pour sa contribution à l’Histoire militaire du Brésil en 2004 et une médaille «prestigieuse» qui lui a été attribuée grâce au fils de Bolsonaro, Flavio, député de l’Etat de Rio. (Réd A l’Encontre)
[4] En référence au général Antônio Hamilton Martins Mourão, candidat à la vice-présidence de Bolsonaro. (Réd. A l’Encontre)
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