Par António Simões do Paço, revista Rubra
«Il est temps pour le gouvernement de s’en aller» et «Qui doit de l’argent ici c’est le banquier», a-t-on crié hier dans les rues de 40 villes au Portugal.
Les manifestations d’hier, le 2 mars 2013, dans 40 villes du Portugal ont réuni, selon la presse, 1,5 million de personnes contre la troïka (FMI, BCE, UE) et le gouvernement de coalition de droite de Passos Coelho du PSD (Parti social-démocrate) qui sous le couvert du «paiement de la dette» – une dette qui n’est pas publique mais privée et «nationalisée» au service des privés qui l’ont contractée – opère une vaste contre-réforme. Son but est de détruire «l’État-providence», de réduire les salaires et les subventions, d’opérer les licenciements massifs et, enfin, de permettre un transfert massif de ressources du Travail vers Capital.
A Lisbonne, le début de la manifestation à la place Marques de Pombal – qui se terminait au Terreiro do Paço, en face du Tage, donc à une distance de 2,6 km – a connu une affluence massive de personnes désireuses de se débarrasser du gouvernement de droite et de la troïka.
Lorsque la tête de la manifestation a commencé à marcher, les 1500 mètre de l’Avenida da Liberdade, qui s’étendait devant elle, étaient déjà comblés par une marée humaine qui criait des slogans tels que: «Il est temps pour le gouvernement de s’en aller» ou «Qui doit de l’argent ici c’est le banquier».
Comme le 25 Avril 1974, début de la Révolution des Œillets, on a crié: «Le peuple uni ne sera jamais vaincu». La dimension internationale des problèmes auxquels les Portugais et les peuples du sud de l’Europe sont confrontés n’a pas été oubliée: «Espagne, Grèce, Irlande, Portugal – notre combat est international», ont scandé les manifestant·e·s.
A Porto, la deuxième ville du pays, il y avait 400’000 personnes – la plus grande manifestation jamais vue dans la capitale du Nord – qui ont rempli l’énorme place des Alliés.
«Voleurs», «pourris», «pillards» sont d’autres termes qui sont apparus sur les affiches qui ont été confectionnées et portées par les gens. «On ferait mieux de voter pour Ali Baba, au moins nous savons qu’ils sont seulement 40 voleurs», déclarait une affiche.
Les manifestations ont été convoquées par le collectif Que se Lixe a Troika, une constellation de groupes de militants, et non par les partis de gauche et les syndicats. BE (Bloque de gauche) et PCP (Parti communiste portugais) ont annoncé, toutefois, leur adhésion et certains dirigeants et députés du BE, du PCP et du PS (Parti socialiste) étaient présents. Pour la première fois, la plus grande centrale syndicale, la CGTP (Confédération générale des travailleurs portugais), dirigée par le Parti communiste, a publiquement adhéré à une initiative qui n’était pas promue par elle-même. Cependant, António José Seguro, secrétaire général du PS, le principal parti (quantitativement) d’opposition, a choisi d’être absent dans une petite ville de l’Alentejo où il n’y a pas eu de manifestation. Il s’est exprimé de manière ambiguë en se référant à la nécessité de changer de politique, mais pas de gouvernement.
Un indicateur de crise: presque 24 heures après, ni le président, Antonio Cavaco Silva, ni le gouvernement n’ont encore parlé de ces manifestations.
Un autre signe de l’association des manifestations d’hier à la révolution de 25 Avril 1974 a été le chant de «Grândola, ville brune». Cette chanson de José Afonso a servi de signal pour que des militaires se soulèvent pour renverser la dictature salazariste déclinante (dirigée, après la mort de Salazar en 1968, par Marcelo Caetano). Ainsi des dizaines de milliers de bouches du nord au sud du pays – et même à l’étranger, comme à Paris, où une centaine de manifestants se sont concentrés devant le Consulat du Portugal – ont entonné cet hymne renvoyant à la Révolution des Œillets.
«Le 25 Avril que mon père a fait, je dois le refaire moi», a dit une femme de 46 ans, Isabel Mora, qui défilait à côté de sa fille de 16 ans.
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