Par Salam Al Bari
Le président de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane, rappelait, le 18 septembre 2012: «La vraie supériorité du régime, c’est son armée de l’air, capable de faire planer une menace permanente partout dans le pays.» Au cours d’une visite de 10 jours à Alep, début août 2012, Amnesty International a étudié une trentaine d’attaques au cours desquelles plus de 80 civils non impliqués dans les hostilités ont été blessés ou tués, dans la grande majorité des cas au cours d’attaques menées par des forces gouvernementales au mépris du droit international humanitaire. La vidéo, consultable à la fin de cet article, montre des extraits filmés par Donatella Rovera au cours de sa mission de recherche ainsi qu’un entretien de Donatella Rovera au sujet de sa mission et des images de la vidéo.
Le 8 septembre 2012, Jean-Philippe Rémy, du quotidien français Le Monde, écrivait : «La taille du projectile est de celle qui ouvre des piscines lorsqu’elles frappent le sol, ou écrasent un bâtiment. Cette fois-ci, c’est un immeuble où de nombreuses familles habitent encore. Alors, dans le gigantesque nuage de poussière, émergent les formes fantomatiques du massacre. Des blessés sortent des décombres, regards vides, corps en lambeaux. Il y a des miraculés, un peu, et beaucoup d’atroces choses qui sortent du béton fracassé. […] Trois étages, peut-être quatre, ont été volatilisés par le tir, l’immeuble aussi est défiguré à un point tel qu’il est impossible de dire. Il y a des survivants qui essayent de rejoindre le sol depuis des chambres coupées en deux, ouvrant désormais sur quinze mètres de vide, au risque de chuter comme les tonnes de pierres et de gravats qui jonchent toute la place. Il n’est même pas question de compter les vivants, les morts, les abîmés.»
Nous publions ci-dessous une «Typologie des bombardements» effectués par le clan Assad, avec l’aide directe de l’armement russe livré par le régime de Poutine à Assad et l’appui de militaires russes qui l’entretiennent. Cette «typologie» permet de saisir, sous une tonalité descriptive, quasi technique, le pourquoi et le sens, souvent obscur, de la terreur par bombardements et des destructions infligées à la population par le régime dictatorial et criminel d’Assad. Ces deux notes ont été écrites en arabe par un militant, vivant en Syrie. La première partie date du 5 septembre 2012, la seconde du 18 septembre 2012. Elles ont été traduites de l’arabe en français par Jihane Al Ali pour le site A l’Encontre. (Rédaction)
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Les forces armées du pouvoir des Assad et sa clique bombardent les populations, les villes, détruisent cultures et cheptels. On peut distinguer trois types de bombardements:
1° Lors des combats avec l’armée libre, inégaux en moyens. Les bombardements de l’armée de Bachar: blindés, canons à longue portée, hélicoptères et avions font d’immenses dégâts sans souci de cibles précises. Terroriser la population autant que possible par la sauvagerie aveugle.
2° Lors de «représailles», selon le modèle archaïque de fonctionnement de ce pouvoir: si une personne est à ses yeux coupable de défection, de désertion, d’actes d’opposition, de paroles interdites…, alors toute sa parentèle est en danger, voire son village, son quartier, sa ville: bombardements massifs, table rase. Terroriser la population et rendre inexorable le poids du clan, de la famille, de l’appartenance géographique ou communautaire. Nombreux sont les exemples dans l’histoire antique, voire récente (Oradour-sur-Glane – juin 1944 – en France durant la Seconde Guerre mondiale, ou les démolitions de maisons palestiniennes au bulldozer par l’armée israélienne). Mais rien de cette ampleur jusqu’alors.
3° Les bombardements sur plans. Bombarder sur plans, fournis gracieusement par les préfectures, qui proposent également l’assistance de techniciens du cadastre, car il faut tenir compte du fait que les conducteurs de bulldozers, qui arrivent à la suite des destructions pour araser proprement, ne sont peut-être pas de fins lecteurs des plans d’aménagement. Ainsi on nettoie selon «les termes humanistes» de l’encore actuel président syrien. Le terrain devient libre pour y édifier les projets «urbains», projets quasiment secrets et jamais débattus en public, concoctés par les préfectures, avec quelques bureaux dits d’«études» et des financiers, des spéculateurs et autres «démocrates». Les habitants, bien obligés, fuient tant bien que mal. C’est expéditif, sans palabres, et gratuit pour l’administration… Il est donc essentiel que les populations arrivent à connaître les plans d’aménagement des préfectures pour savoir si leur demeure, leur atelier, leur bureau sera rasé, et qu’ils agissent en conséquence: contribuer de leur mieux à faire tomber ce pouvoir. Des bombardements dans certaines zones sont effectués en lien avec des plans «de réorganisation territoriale» bloqués depuis longtemps.
Car le pouvoir fait une grave erreur: «Le pouvoir est prisonnier de ses propres mensonges et c’est pourquoi il doit falsifier le passé, le présent et le futur.» (Vaclav Havel dans Le théâtre et le pouvoir)
Ainsi il croit qu’il pourra réaliser ses projets, que la révolution sera mâtée. Il n’est plus possible de raser des villes, des quartiers, incognito. Se cacher derrière l’armée du pouvoir n’enlèvera rien à la culpabilité des préfets de Damas et de la périphérie de Damas, leurs noms doivent être inclus dans la liste des criminels, des personnes interdites. Viendra le moment de leur procès dans la Syrie neuve.
Quant aux spéculateurs, financiers qui, en douce également, inspirent les opérations, qu’ils sachent que malgré leur habileté de caméléon à s’insérer dans les rouages des sociétés, la société à venir est déjà prévenue contre eux. Quant aux bureaux d’études qui se sont complu à établir de tels projets obscurs, hors de toute concertation, si ce n’est avec leurs commanditaires tout aussi obscurs, qu’ils sachent qu’il faudra revoir totalement les copies et que les habitants seront désormais des acteurs incontournables et fondamentaux des villes!
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Les responsables des administrations municipales sont donc non seulement responsables de la destruction massive des villes, mais aussi conseillers techniques auprès de l’armée de Bachar el-Assad, auprès des bulldozers certes, mais surtout auprès des manipulateurs de canons: conseillers «techniques» au même titre que les «experts» iraniens [le général Mohammad Ali Jafari, commandant des «Gardiens de la révolution» iraniens – Pasdaran –, a reconnu «qu’un certain nombre des forces Al-Quods sont présentes en Syrie» – Le Monde du 18 septembre 2012].
Les habitations informelles qui sont majoritaires dans de nombreux quartiers sont systématiquement détruites. Et si vous demandez au préfet de Damas que font tout ces gens, toutes ces familles dans les jardins publics, il vous répondra (vu à la télé syrienne): «Ils prennent l’air, les gens de Damas aiment beaucoup la nature»!
Conseil aux Etats qui souffrent des proliférations de quartiers informels: bombardez-les, c’est plus simple! La pauvreté est vraiment très simple à éradiquer: tuez-les tous!… (Traduction de l’arabe en français par Jihane Al Ali pour le site A l’Encontre)
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Les lectrices et lecteurs peuvent voir et écouter ici
la vidéo de Donatella Rovera, citée dans l’introduction
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