Suisse. Seul un non à AVS 21 est féministe

Par Michela Bovolenta

Seul un non à l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes est féministe. Ce non s’est exprimé avec force, colère et imagination le 14 juin 2019, lorsque la grève féministe a réussi la plus grande grève du pays depuis celle de 1918. Ce non, on le retrouve dans les sondages. Mais cette voix majoritaire des femmes trouve peu d’espace pour s’exprimer, écrasée qu’elle est entre un débat dit classique «gauche-droite», un combat entre poids lourds de la politique et une place surdimensionnée qui est donnée aux femmes des partis bourgeois qui plaident le oui à AVS 21. Un oui facile pour elles, puisqu’il n’aura aucune conséquence sur leurs vies, étant donné qu’elles pourront toujours s’offrir une retraite anticipée.

Le non féministe à AVS 21 est ancré dans le vécu de la majorité des femmes, car leurs vies restent marquées par les inégalités tant au travail que dans la famille ou encore dans l’espace public. Or, dans le débat sur AVS 21, cette réalité n’est pas prise en considération.

Nous parlons des inégalités salariales? On nous répond par des promesses et du chantage: acceptez AVS 21 et vous aurez l’égalité. Aucune femme n’y croit. L’égalité on l’attend depuis 40 ans, et une fois AVS 21 votée, toutes les promesses seront oubliées, d’autant que celles et ceux qui les font sont peu connu·e·s pour leur engagement en faveur de l’égalité. Et sont les mêmes qui se sont opposé·e·s à toute sanction pour les entreprises qui n’appliquent pas la loi sur l’égalité.

Nous parlons des bas salaires des femmes? On nous enjoint de travailler davantage. Comme s’il suffisait de demander une hausse du taux d’activité pour l’obtenir. Comme si on avait assez de places d’accueil pour les enfants. Comme si concilier travail et famille n’était pas un casse-tête au quotidien. Comme s’il n’y avait pas de femmes qui travaillent à plein temps pour moins de 4000 francs par mois. Et comme si les femmes ne travaillaient pas déjà autant que les hommes si on prend en compte le travail domestique, éducatif et de soins qu’elles assument encore en majorité et gratuitement.

Nous parlons de la pénibilité des métiers féminins? On nous répond que c’est hors sujet. Le chômage de longue durée? Hors sujet. La pauvreté des retraitées? Hors sujet. Pourtant tout cela est bien au centre du débat. Parce que la rente qu’on touche à la retraite est le résultat des revenus que nous avons touchés pendant la vie active ainsi que du système de prévoyance vieillesse. Or les femmes sont perdantes sur les deux plans: elles gagnent moins et sont confrontées à un système des trois piliers, fondé sur un modèle d’emploi masculin à plein temps toute la vie. Résultat: en moyenne la rente globale des femmes est de 37% inférieure à celle des hommes.

37% de moins. Ce chiffre suffit à rejeter AVS 21. Face à cet écart, gigantesque, les femmes ne se laisseront pas séduire par de maigres suppléments de rente concédés aux femmes nées entre 1961 et 1969, à condition qu’elles travaillent jusqu’à 65 ans.

AVS 21 demande aux femmes un sacrifice, alors qu’elles sont le parent pauvre du système de retraite et que ce sacrifice n’est pas nécessaire. Car l’AVS va bien. En 2021, elle a enregistré un excédent de 2,6 milliards de francs et sa fortune est de 49,7 milliards de francs, alors que depuis des années, on nous prédisait son effondrement. Et si on éliminait la discrimination salariale, l’AVS bénéficierait, chaque année, de 825 millions de francs de cotisations supplémentaires, ce qui permettrait de consolider encore davantage ses finances et qui sait, de parler d’une retraite à 64 ans pour tout le monde.

AVS 21 n’est pas la réforme dont nous avons besoin. Nous voulons une autre réforme qui augmente les rentes et pas l’âge de la retraite.

Pour toutes ces raisons, nous disons 2 x non à AVS 21, le 25 septembre prochain. (Article publié dans Le Temps, le 6 septembre 2022)

Michela Bovolenta, militante de la Grève Féministe, secrétaire centrale SSP

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