Suisse. Assurance maladie: avec Viva, ça dégage! – Signez le référendum contre EFAS!

Fabrice Zumbrunnen: une capsule de caféine pour VIVA.

Par Benoit Blanc

Viva: ça ne vous rappelle rien? Le nouveau modèle d’assurance maladie – pardon: de «plan de santé» lancé le 1er janvier 2024 par la caisse maladie Visana dans la région du Jura bernois? Non? Alors, on récapitule.

Viva…

Premièrement, Swiss Medical Network (SMN), deuxième groupe de cliniques privées en Suisse, l’assureur Visana et le canton de Berne, piloté par son ministre de la Santé l’UDC Pierre-Alain Schnegg, se sont associés pour contrôler les deux hôpitaux du Jura bernois (Moutier et Saint-Imier) et les Medicentres – des centres de santé ambulatoire – qui leur sont associés, le tout regroupé au sein du «Réseau de l’Arc».

Deuxièmement, Visana a lancé dans la région un nouveau modèle d’assurance «pour des soins entièrement intégrés»: VIVA justement! Les adhérents à Viva acceptent que leur prise en charge soit entièrement pilotée par le Réseau de l’Arc. Quant aux prestataires de soins, ils sont rémunérés par un forfait par patient, et plus à l’acte. Cette combinaison est censée engendrer un cercle vertueux, avec une prise en charge médicale de meilleure qualité et coûtant moins cher. Rien de moins. (A propos de ce projet, voir l’article publié sur ce site le 14 septembre 2023: Assurance maladie: derrière les soins intégrés, le business intégral)

… ses premiers effets…

Le 13 mars 2024, le Quotidien Jurassien publie un article titré: «Médicentre: encore des départs». On y apprend que huit médecins sur dix du Médicentre de Moutier, directeur compris, ont donné leur démission. Cinq avaient annoncé leur départ l’automne dernier et trois autres se sont ajoutés depuis. On lit ceci: «L’implication plus forte du Réseau de l’Arc dans la gestion de la structure [Medicentre] et des craintes liées au nouveau modèle d’assurance «plan de santé VIVA», dans lequel les médecins de famille jouent un rôle déterminant, avaient en partie motivés ces [premiers] départs.» Celui qui se promène dans les rues de Moutier entend assez vite parler de ces «craintes»: les médecins de Medicentre auraient notamment reçu la consigne de minuter strictement la durée des consultations. Ce qui donne une idée du fonctionnement réel du «cercle vertueux» annoncé…

… et leur signification pour la population

La région de Moutier comprend une population plutôt âgée. Les médecins indépendants, qui ne sont pas associés à Medicentre, sont rares. Le Medicentre de Moutier, créé à l’initiative de médecins indépendants, était le premier de la région et représentait une réponse originale et appréciée aux besoins de prise en charge médicale de la population.

Avec la reprise en main par SMN et Visana, ce service de santé est de facto liquidé. La structure et le nom vont certes perdurer, mais avec un autre contenu: une prise en charge standardisée et minutée, pilotée strictement par l’exigence de réduire les coûts et effectuée par un personnel médical désormais formaté. Une partie de la patientèle quittera Medicentre. Mais pour les personnes ne pouvant pas consulter un médecin installé à une certaine distance, ou pour celles ayant conclu une assurance «VIVA», il ne restera d’autre solution que de renoncer à leur médecin de confiance et de se contenter d’une prise en charge à la chaîne…

Pendant ce temps, l’enfumage se poursuit…

Toujours mercredi 13 mars 2024, le quotidien Le Temps consacre une page et demie (dont plus de la moitié occupée par des photos en majesté!) de son édition à un entretien avec «deux personnalités phares de l’économie romande», Antoine Hubert, copropriétaire de SMN, par l’intermédiaire de la société Aevis Victoria, et Fabrice Zumbrunnen. Zumbrunnen est l’ancien directeur général de Migros et il a été recruté comme nouveau directeur exécutif d’Aevis et de SMN par Antoine Hubert, qui explique que ce qui l’a «séduit» chez Fabrice Zumbrunnen c’est «assurément sa capacité à appréhender la diversité des activités de Migros, qui vont de l’élevage de poulets à la santé [un sens de la formule qui qualifie Hubert!] en passant par les voyages et la distribution».

Interrogé très gentiment au sujet de l’accueil reçu par le modèle de soins intégrés dans le Jura bernois, Fabrice Zumbrunnen répond: «Mille cinq cents personnes ont opté au départ pour le modèle Viva de l’assurance Visana mais ce nombre évolue puisque les gens peuvent choisir en cours de route.» Après cette reconnaissance implicite d’un écho pour l’instant très limité, pour une région de plusieurs dizaines de milliers d’habitants, il poursuit néanmoins: «Nous pouvons déjà confirmer le potentiel que nous avons identifié. […] à notre sens, ce projet est plus que pionnier, il est révolutionnaire.» Révolutionnaire effectivement, mais pas dans le sens sous-entendu. Et l’entretien passe au thème suivant.

Quelqu’un pourrait-il suggérer au Temps de s’abonner au Quotidien jurassien? Et, accessoirement, que le journalisme est peut-être autre chose que de relayer avec complaisance le bla-bla promotionnel des «personnalités phares» de l’économie.

Signez le référendum EFAS!

VIVA illustre le pouvoir que les caisses maladie ont aujourd’hui concentré entre leurs mains pour façonner, selon leurs conceptions et leurs intérêts, le système de santé en Suisse. La loi EFAS (financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires) adoptée par le parlement en décembre 2023 renforce encore ce pouvoir en transférant aux caisses maladie la totalité du financement que les cantons versent actuellement aux hôpitaux. Le syndicat des services publics (SSP) combat avec un référendum ce projet. Si ce n’est pas encore fait, il est urgent de le signer!

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