Pollution de l’air, tabagisme passif, consommation d’eau non potable, pénurie d’installations sanitaires et manque d’hygiène sont responsables chaque année de la mort de 1,7 million d’enfants de moins de 5 ans. C’est l’accablant constat dressé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans deux rapports rendus publics lundi 6 mars.
Ces documents, respectivement intitulés «Un monde durable en héritage» et «Ne polluez pas mon avenir», accusent notre environnement dégradé, voire insalubre, d’être à l’origine du décès de plus d’un enfant de moins de 5 ans sur quatre dans le monde. Ils précisent que 26% des 5,9 millions de décès d’enfants de moins de 5 ans recensés en 2015 auraient pu être évités par la prise en compte et le traitement des risques environnementaux sur une planète dont 10% des habitants n’ont pas accès à l’eau potable, et dont un tiers est privé d’infrastructures sanitaires.
Objectifs ciblés
La première analyse diffusée le 6 mars par l’OMS confirme que les causes les plus fréquentes de décès chez les enfants âgés de 1 mois à 5 ans (diarrhées, paludisme et pneumonie) pourraient être drastiquement réduites par un accès plus équitable à l’eau potable et aux combustibles propres. Elle fait suite à une étude publiée en 2004 sous le même intitulé, mais affiche l’ambition d’être davantage qu’une mise à jour.
Au-delà des dangers «traditionnel» (pollution de l’atmosphère et de l’eau, manque de sanitaires ou maladies transmises par vecteur comme le paludisme) identifiés de longue date dans les régions en développement, le document alerte sur les dangers environnementaux «émergents», de plus en plus préoccupants, liés à l’activité industrielle planétaire tels que l’exposition aux polluants, aux déchets électriques et électroniques, ainsi qu’au changement climatique.
Il note que la toxicité des produits chimiques d’usage courant n’est pas toujours comprise et que leur réglementation est parfois sommaire suivant les pays.
Il relève aussi que les produits chimiques issus des pesticides, des matières plastiques ou autres produits manufacturés (arsenic, fluor, plomb, mercure, PBDE, PCB…) se retrouvent inévitablement dans la chaîne alimentaire.
L’étude souligne enfin la présence alarmante de perturbateurs endocriniens dans les aliments à cause de la composition de certains emballages :ces substances chimiques provoquent la multiplication de troubles hépatiques, thyroïdiens et neuro-développementaux sérieux chez les enfants.
Pour enrayer ces dangers, «Un monde durable en héritage» suggère pour cadre de travail les dix-sept objectifs de développement durable (ODD) définis en janvier 2016 par le Programme des Nations unies pour le développement. Le chantier des ODD constitue un appel mondial aux citoyens, à la société civile, aux entreprises privées et aux gouvernements à travailler de concert pour «éradiquer la pauvreté en s’attaquant à ses causes, protéger la planète et améliorer la vie des populations».
Ces «objectifs» ciblent notamment les domaines de l’alimentation, de l’égalité, de l’accès à l’eau et aux installations sanitaires, de l’énergie, de la pollution atmosphérique, du changement climatique ou de l’exposition aux produits chimiques.
Dans le rapport complémentaire rendu public par l’OMS, «Ne polluez pas mon avenir!», l’institution internationale dresse un tableau des facteurs environnementaux nuisibles et identifie cinq causes principales de décès chez les enfants de moins de 5 ans. «La pollution environnementale est plus particulièrement mortelle chez les jeunes enfants, explique le docteur Margaret Chan, directrice générale de l’OMS. Leurs organes et leur système immunitaire en devenir, leur constitution et leurs voies respiratoires plus fragiles les rendent particulièrement vulnérables à la pollution de l’atmosphère et de l’eau.»
Selon le document, 570 000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de maladies respiratoires imputables à la pollution intérieure et extérieure et au tabagisme passif, 361 000 succombent à des diarrhées aiguës dues au manque d’hygiène, à l’absence d’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires, tandis que 270 000 autres ne survivent pas à leur premier mois d’existence parce qu’ils ont contracté des maladies qu’un accès à une eau potable, à des sanitaires et à un réseau de santé aurait permis d’éviter, ou parce qu’ils ont respiré un air vicié.
Le rapport recense également 200 000 décès d’enfants de moins de 5 ans dus au paludisme, et 200 000 autres imputables à des intoxications, à des chutes ou à des noyades liées à un environnement inadapté. Par ailleurs, la pollution intérieure des foyers provoque le décès de 531 000 enfants de moins de 5 ans par an ainsi que des affections chroniques respiratoires, maladies pulmonaires, cancers et autres pathologies. Et 306 000 enfants sont morts du paludisme en 2015.
Guider les choix
«La dégradation de l’environnement a de lourdes conséquences sur la santé de nos enfants, insiste le docteur Maria Neira, directrice du département santé publique et environnement à l’OMS. Investir dans l’éradication des risques environnementaux liés à la santé comme l’amélioration de la qualité de l’eau et l’utilisation de combustibles propres contribuera à une amélioration significative de la santé.»
Les deux rapports de l’OMS insistent sur le fait que la réduction de la pollution intérieure et extérieure, l’amélioration de la qualité de l’eau, de l’hygiène publique, la protection des femmes enceintes par rapport au tabagisme passif et la garantie d’un environnement plus sain peuvent prévenir efficacement la mortalité infantile et les maladies touchant les jeunes enfants.
Ces travaux, visant notamment à guider dans leurs choix les responsables politiques et les décideurs, misent sur le poids de ces recommandations pour tenter d’enrayer d’ici à 2030 les décès «évitables» de nouveau-nés et d’enfants de moins de 5 ans. (Publié dans Le Monde daté du 7 mars 2017, p. 7)
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Des chiffres
- 26% des décès des jeunes enfants liés à l’environnement
Selon les observations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le quart des 5,9 millions de décès d’enfants de moins de 5 ans recensés en 2015 aurait pu être évité par la prise en compte des risques environnementaux.
- 570 000 : Morts de maladies respiratoires parmi la population infantile
Ces décès annuels imputables à la pollution intérieure et atmosphérique, et au tabagisme passif, constituent la première cause de mortalité parmi les enfants de moins de 5 ans.
- 361 000 : Morts de diarrhées aiguës provoquées par un manque d’hygiène et d’accès à l’eau potable
Cette autre cause majeure de mortalité infantile ne doit pas faire oublier, selon l’OMS, d’autres dangers plus difficilement identifiables, comme la toxicité des produits chimiques d’usage courant ou la présence de perturbateurs endocriniens dans la chaîne alimentaire.
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