Entretien avec Margarita López Maya conduit par Gabriel Brito et Valéria Nader
Nous publions, ci-dessous, l’analyse et les vues de Margarita López Maya sur le cours de la situation au Venezuela. Margarita López Maya est professeure émérite du Centre des études du développement (CENDES) de l’Université centrale du Venezuela (UCV). Elle a été membre du Comité directeur du réputé CLASCO (Consejo Latinoarmericano de Ciencias Sociales). Le CLASCO fut animé de 1997 à 2006 par Atilio Alberto Boron, pas sans attache avec le régime cubain. Margarita López Maya a participé, sous les auspices du CLASCO, à de nombreuses publications s’étalant de la fin des années 1990 à 2016.
Actuellement, elle est membre du Centre des études politiques de l’UCAB (Université catholique Andrés Bello) à Caracas, université privée liée au réseau des universités «animées» par la Compagnie de Jésus (donc les jésuites, comme le pape François qui est actif dans le champ politique du Venezuela).
Cet entretien conduit par les deux responsables du site brésilien de qualité Correio da Cidadania met l’accent sur la fin – inégale – d’un cycle desdits gouvernements progressistes de l’Amérique du Sud et sur les caractéristiques de l’actuel régime du Venezuela «présidé» par Maduro. La lecture de certaines réponses de Margarita López Maya suscite toutefois deux interrogations, pour le moins: 1° l’absence de prise en considération des initiatives agressives des administrations états-uniennes visant le «chavisme», dès son émergence; 2° la non-analyse – si ce n’est l’appui – des politiques des partis liés ou se réclamant de l’Internationale social-démocrate – avec ses divers relais, entre autres celui du PSOE (Etat espagnol) – dans le continent latino-américain. Des politiques qui renvoient aux intérêts des impérialismes européens ainsi que de celui des Etats-Unis; et évidemment de secteurs des classes dominantes. Ce qui donne, à certains passages de l’entretien, un ton et un contenu que l’on retrouve, par exemple, chez des analystes libéraux («gauche» du Parti démocrate) des Etats-Unis. Cela ne doit pas conduire à effacer, selon une réaction fort répandue auprès des courants auto-proclamés anti-impérialistes, l’intérêt des constats effectuée par cette historienne des mouvements sociaux, au Venezuela comme en Amérique du Sud. (Rédaction A l’Encontre)
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Correio da Cidadania: Que pensez-vous du gouvernement Maduro et de la grave crise économique qui marque la scène vénézuélienne depuis déjà quelques années?
Margarita López Maya: La crise vénézuélienne [pays avec quelque 31 millions d’habitants, dont 30% de moins de 15 ans et avec une population urbaine à hauteur de 93,4%] est vraisemblablement la plus étendue et la plus profonde de son histoire contemporaine. La situation est également inédite pour un pays exploiteur de pétrole. C’est une crise structurelle, économique, sociale, politique et morale. Elle est très large et englobe tout le territoire. Actuellement, selon les dernières statistiques menées dans le cadre académique par l’Université catholique, l’Université centrale ou l’Université Simon Bolivar, parmi d’autres, plus de 80% des Vénézuéliens sont pauvres, ils vivent avec un revenu qui ne tient pas compte de leurs besoins de base et ils ont subi des pertes abruptes.
Les causes de la crise ont à voir avec le modèle économique s’appuyant strictement sur la rente pétrolière. Un modèle qui est en train de tomber en faillite depuis les années quatre-vingt. Le chavisme n’a apporté aucune solution ou réponse à ce modèle. Il est d’ailleurs né au cœur d’une crise semblable à celle d’aujourd’hui, avec à l’époque des indicateurs d’inflation déjà galopants (et qui sont encore pire aujourd’hui). L’inflation, le recul du PIB, l’appauvrissement et la violence étaient déjà présents dans les années 1970, 1980 et 1990, preuve que ce modèle économique est en échec depuis des décennies.
Le chavisme est arrivé au pouvoir en 1998 avec l’engagement de résoudre la crise d’alors. Non seulement il ne l’a pas résolue, mais il l’a cachée. Et même avant la chute des prix du pétrole [dès l’été 2014], le chavisme montrait déjà des failles. Après la chute du prix du baril, la crise a atteint des niveaux incommensurables, bien pires que ceux qu’on avait atteints à la fin du siècle passé. Et le modèle appelé «socialiste» n’a pas rien résolu, puisqu’il ne reste aujourd’hui rien d’autre que l’exacerbation de ce modèle rentier, à travers les confiscations, les nationalisations et les régulations sur le marché qui ne permettent pas d’organiser la production. Il ne se produit rien, le pays est même obligé aujourd’hui d’importer du sucre, du café et en ce moment il manque des devises nécessaires à l’achat de ces produits de base.
La responsabilité ne revient bien sûr pas complètement au chavisme, mais ce processus politique avait pour objectif d’apporter une réponse à de telles limites structurelles. Le chavisme a fini par aggraver ce processus, spécialement après la chute du prix du pétrole sur le marché. En déclin depuis plus de deux ans, le prix du baril est tombé d’un pic de 110, 120 dollars à 30,40 dollars ]qui est remonté pour le WTI – West Texas Intermediate – à quelque 51 dollars le baril].
Correio da Cidadania: Et pourquoi n’a-t-on jamais réussi à dépasser ce modèle d’extraction de biens primaires, entre autres le pétrole, au Venezuela, en faveur de la dynamisation de la production et des chaînes économiques?
Margarita López Maya: Il y a une incapacité de la société, en particulier des élites, à opérer un changement de fond de ce modèle. Auparavant par exemple, notre café et notre sucre nous suffisaient, alors que maintenant nous vivons en les important, comme je l’ai dit plus haut. C’est structurel, la responsabilité n’en revient pas exclusivement au chavisme, mais la dépendance pétrolière s’est aggravée au cours des dernières années.
Avec la chute des prix, tout reste intenable, insupportable. Il a manqué de conscience aux dirigeants nationaux. Depuis les années 1970, on a attribué les crises à la corruption des élites, qui seraient insensibles et qui ne produiraient pas de solutions, ce qui est vrai. Mais il faut dire qu’un « pétro-Etat » tend par essence à être inefficient et corrompu. Le problème est que lorsque les prix augmentent, tous oublient le problème. C’est cela que l’on appelle partout dans le monde la « malédiction des ressources naturelles ».
C’est ce qui se passe au Venezuela, et dans les pays très riches en gaz, or, diamants, etc. On vit d’un facteur externe, on exporte beaucoup, mais on ne crée pas les conditions permettant de dépasser la dépendance à tel produit. Il y a peu de pays pétroliers qui ont de bonnes institutions, capables de freiner et d’économiser à l’heure où tout va bien afin d’avoir des ressources à disposition en temps de crise. La Norvège est un bon exemple, mais il n’y en a pas beaucoup d’autres. Ce qui est le plus fréquent, c’est de tomber dans la situation vénézuélienne, à l’exemple du Nigeria et de l’Angola.
Dans notre cas, l’élite du chavisme mérite qu’on la rende coupable. Elle s’est présentée avec une vocation très totalitaire et messianique, en disant que le passé n’était pas le produit de problèmes structurels et économiques, mais seulement d’une élite économique. Un discours du bien contre le mal disant que «comme nous sommes les bons, tout va bien se passer».
Ce discours se ficelle tout seul et ne cherche pas à résoudre les problèmes sociaux. S’il y a la prospérité, on distribue la rente. Mais jamais on n’a essayé de résoudre les grands dilemmes économiques.
Corrieo da Cidadania: Plus que le chavisme, que pensez-vous de ce que l’on appelle actuellement le «bolivarisme», une orientation politique qui marque le gouvernement vénézuélien et également quelques autres pays latino-américains?
Margarita López Maya: La situation est très grave, au moins dans le cas du Venezuela où l’on est en train d’assister à l’échec d’un projet politique qui s’était cru exportable. Sous l’influence de Chávez et de la prospérité pétrolière, l’on a vécu une situation historique qui a duré de façon ininterrompue pendant presque dix ans. Le pays a alors cru qu’il pourrait exporter le «modèle socialiste». Ainsi, on a utilisé l’immense masse des pétrodollars pour mener une nouvelle diplomatie, symbolisée pat l’ALBA [l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique] par la chaîne de télévision Telesur, par exemple.
Mais tout cela est en déclin. Et si l’on parle de la politique à proprement parler qui a accompagné la crise pétrolière, ils nous ont servi tout ce qu’ils reprochaient à leurs ennemis en termes d’autoritarisme, de clientélisme et de corruption.
Le projet initial de Chávez fut vendu comme une forme d’approfondissement de la démocratie. Et, de fait, la Constitution de 1999 était beaucoup plus étendue pour ce qui a trait aux droits humains, civils, politiques, culturels et économiques des Vénézuéliens. C’était une Constitution qui consacrait aussi le principe de décentralisation, et cela dans un Etat qui était très centralisé.
Il y avait deux principes qui devaient réguler la vie publique: la décentralisation de l’Etat et l’augmentation des mécanismes participatifs. C’étaient les deux grandes nouveautés qui venaient fortifier la justice et la démocratie au Venezuela. Cependant, un peu après la grève du pétrole [commencée en décembre 2002, après une tentative de coup d’Etat début avril 2002, qui échoua], Chávez a opéré ce qui a été considéré comme une radicalisation de son projet lorsqu’il l’a transformé en un dit «Socialisme du XXIe siècle».
[Pour rappel, auparavant, la formule officielle était celle «d’une troisième voie»; le projet de «Socialisme du XXIe siècle a été présenté, la première fois, par Chávez le 30 janvier 2005, lors du cinquième Forum social mondial. En août 2004, Chávez avait obtenu 59% des suffrages contre sa révocation, lors d’un référendum révocatoire. Dès 2005-2006, des analystes attentifs à la situation effective au Venezuela – tel Gregory Wilpert – soulignaient non seulement la campagne menée par les Etats-Unis contre le pouvoir chaviste, les multiples formes diverses «d’obstruction» de l’opposition, mais aussi la forte montée du clientélisme bolivarien qui donnera forme à la «bolibourgeoisie». Un clientélisme qui s’étendit, par exemple, en mettant à profit la «liste Tacson» – du nom d’un député chaviste – qui utilisait les signatures réunies pour l’obtention du référendum révocatoire de 2004 en vue de «sélectionner» les personnes «adéquates» pour divers postes. A cela s’ajoutaient un système de décision hiérarchique en cascade et le «bonapartisme suis generis» de Chávez.]
Ce projet de «socialisme du XXIe siècle a été présenté à la société conjointement à réforme constitutionnelle qui impliquait la modification de nombreux articles de la Constitution. Ce référendum constitutionnel échoua de peu: 49% de Oui contre 51% de Non. Toutefois, Chávez disposait de capacités de conviction messianiques et avait la capacité d’imposer un projet, ce qui, de fait, s’est produit. La force du modèle présidentialiste du pays a contribué à cela. A travers le contrôle sur le Tribunal Suprême de Justice et les autres pouvoirs publics, comme l’Assemblée Nationale [les élections législatives avaient été désertées par l’opposition en décembre 2005, celles de 2015 ont été gagnées par l’opposition], le projet s’est imposé au moyen de lois et de règlements.
Définitivement, a été mis en place un projet de type autoritaire et «recentralisateur», qui supprime complètement l’autonomie et l’indépendance des pouvoirs législatifs et les soumet à l’hégémonie du pouvoir exécutif. On a voulu mettre en avant le modèle cubain, même en termes d’existence d’un «président-commandant». C’est une sorte réplique tropicale du «modèle de l’URSS» qui n’a rien à voir avec la proposition de démocratie participative de la Constitution de 1999.
Ainsi, nous vivons actuellement une période encore plus marquée par l’autoritarisme, puisque le modèle du président Maduro est aussi un modèle militariste. Avec la mort de Chávez en mars 2013, on est resté sans figure charismatique, ce qui a obligé Maduro à chercher rapidement une base politique. Il avait l’option de s’ouvrir, de dialoguer et de chercher une sortie démocratique, mais il a préféré s’enfermer dans les cercles militaires. Maduro a approfondi le caractère militaire du pays, dans une alliance appelée civico-militaire, mais à mon point de vue cynico-militaire.
Je considère le système comme pratiquement une dictature, puisque 2016 a vu une rapide escalade de concentration du pouvoir aux mains de l’Exécutif national, c’est-à-dire de la présidence, et une «castration» de l’Assemblée nationale (qui a été élue en décembre 2015) suite à la victoire relativement aisée d’une opposition galvanisée réunie au sein de la Mesa de la Unidad democrática (MUD), un ensemble de presque vingt partis politique. En agissant de la sorte, ils ont écrasé la majorité de l’Assemblée, ont fait (grâce à leurs ressources) appel à la justice et le gouvernement a alors décidé d’annuler les élections [le Conseil national électoral invoqua des fraudes dans l’Etat d’Amazonie, puis le Tribunal Suprême de Justice a déclaré avoir accepté 7 dénonciations pour fraude concernant 8 députés, dans trois Etats: Amazonie, Aragua, Yaracuy].
Cette façon d’invoquer la fraude pour se proclamer vainqueur dans une dispute politique est tout à fait illégitime et l’accusation portée n’a toujours pas été prouvée une année plus tard. Mais le Tribunal suprême, qui est sous le contrôle de Maduro, a ordonné l’annulation des résultats, même sans avoir jamais prouvé la fraude électorale.
La seconde mesure grave fut la déclaration de l’Etat d’exception en mai 2016 [au même titre que «l’état d’urgence économique»], en déclarant que le pays était en état de guerre contre l’impérialisme international, représenté en Colombie par la figure d’Alvaro Uribe, ex-président du pays voisin, à une époque où certaines tensions étaient en train d’éclore sur la frontière entre les deux pays. A partir de là, le Tribunal suprême en est venu à rejeter toutes les lois élaborées par l’Assemblée et à empêcher celle-ci d’exercer ses attributs, comme par exemple d’exiger que l’Exécutif lui rende des comptes sur l’évolution de la crise nationale. Ainsi, le gouvernement n’était pas obligé d’aller devant la Chambre pour expliquer ses politiques. Chaque fois que l’Assemblée faisait un mouvement, le Tribunal donnait une réponse pour l’interdire. C’est cela la dictature, même si on invoque les raisons de l’Etat d’exception pour tout justifier.
Plus grave encore, c’est l’élaboration du budget national de 2017, une tâche revenant également de l’Assemblée législative. Il n’a pas pu être discuté et approuvé, puisque le Président a refusé de le présenter devant le Parlement et qu’il a décidé d’utiliser la voie dite du «parlement du peuple», à savoir son propre parti [le PSUV: Parti socialiste unifié du Venezuela], un parti qui n’a aucun pouvoir délibératif. C’est une chose totalement illégale. Plus que cela, il refuse de reconnaître une réalité politique différente, avec l’existence d’un pluralisme qui permettrait une négociation entre les divers blocs politiques au sujet de la situation économique gravissime et sociale que nous vivons.
A donc commencé un processus de récolte de signatures par l’opposition, afin de promouvoir le référendum révocatoire, prévu par la Constitution, permettant de consulter les citoyens et citoyenne sur le maintien ou non de Nicolás Maduro à la présidence. Cependant, le Conseil National électoral (CNE), un autre pouvoir autonome et indépendant qui est en train de passer par la même situation que le Tribunal suprême, a décidé d’annuler le processus (en le repoussant et en le repoussant encore), au point que il l’a finalement suspendu le 20 octobre 2016. L’argument a été produit devant des tribunaux pénaux, qui sont moins importants dans la hiérarchie politique, et qui en termes de pouvoir public ne possèdent aucun droit d’ingérence dans les processus électoraux. Ainsi, ces tribunaux (sur cinq Tribunaux, quatre sont gouvernés par les militaires et un par un membre des sommets gouvernementaux) ont décidé de déclarer qu’il y avait fraude dans 1% des signatures pour le référendum.
Ensuite, le CNE a recueilli à nouveau le montant des signatures nécessaires, mais à nouveau le processus s’est bloqué [le référendum révocatoire devait avoir lieu avant le 10 janvier – qui correspond à la quatrième année du mandat de l’ex-président Hugo Chavez, décédé en 2013, et que Nicolas Maduro est en train de compléter jusqu’en 2019 – pour être suivi d’élections anticipées]. Pour résumer, le CNE a communiqué à la population que le référendum était suspendu jusqu’à nouvel ordre, étant donné qu’en cette année 2017 il y avait des élections municipales.
En somme, le CNE a porté une estocade finale contre la démocratie en suspendant le suffrage universel, du moins jusqu’à maintenant. La catégorie le plus adéquate du moment, en termes pratiques, est qu’il y a une dictature disposée à concentrer tout le pouvoir, à passer par-dessus les lois et la Constitution et à suspendre le droit de vote.
Correio da Cidadania: Est-il possible de prévoir une victoire des forces d’opposition identifiées avec la droite politique dans le pays, comme ce qui s’est passé aux Etats-Unis et en Angleterre, sans parler des voisins continentaux comme l’Argentine (allusion à la victoire Macri)? S’agit-il d’une menace contre les peuples de ces pays ou bien serait-il plutôt nécessaire de se livrer auparavant à une autocritique rigoureuse des gouvernements dits «progressistes»?
Margarita López Maya: Les gouvernements de gauche d’Amérique du Sud qui ont ouvert le siècle en remplissant d’espérance les peuples se sont terminés, du moins pour certains, dans un profond désenchantement. Indépendamment du fait d’être de gauche ou non, ils ont reproduit de vieux vices de la politique. Dans le cas vénézuélien, la corruption, l’autoritarisme et le clientélisme sont visibles et cela est une honte pour la gauche.
Deux neveux du président Maduro ont été déclarés coupables de trafic de 800 kg de cocaïne. Il y a beaucoup de doutes sur les possibles liens avec le narcotrafic au sein du gouvernement vénézuélien. C’est un gouvernement despotique, qui favorise ses proches, au point que 80% du pays veut le changement politique et le retour de la démocratie, en termes constitutionnels.
Il me coûte beaucoup de vivre dans cette ambiance et je me fiche de savoir si la dictature est de droite ou de gauche. La majorité de la MUD (la Table de l’Unité Démocratique ) est affiliée à des organisations social-démocrates ayant des liens internationaux, comme c’est le cas de trois des quatre partis principaux de ce spectre, à savoir Primero Justicia [son leader, Enrique Capriles Radonski, le 14 avril 2013, a perdu les élections présidentielles face à Nicolas Maduro avec une différence de 224’748 suffrages, selon les résultats donnés par la CNE; ce parti est caractérisé comme du centre ou centre-droite], Acción Democratica [parti lié à la IIe Internationale, dont la figure historique la plus connue, Carlos-Andrés Pérez, fut vice-président de la social-démocratie internationale; il a été destitué pour corruption en 1993 et a fini ses jours à Miami; son leader actuel, Henry Ramos Allup, a été président de l’Assemblée nationale de janvier 2016 à janvier 2017; Il est vice-président de l’Internationale social-démocrate] et Volontad Popular [ce parti, créé en 2009, est membre de la IIe Internationale social-démocrate depuis 2014, ce qui en dit autant sur le caractère de la social-démocratie internationale que sur ce parti. Lepolodo Lopez se trouve en prison depuis trois ans, suite à une condamnation pour instigation à des violences commises en février 2014; actes qui semblent peu étayés suite à la condamnation, en 2016, d’une membre des Services bolivariens de renseignement pour l’assassinat d’un des trois étudiants tués lors ces violences]. Dès lors, s’agit-il d’une droite dure?
Il y a beaucoup d’idées préconçues dans les têtes. Pour moi, un régime comme celui de Maduro est, de fait, beaucoup plus de droite, beaucoup plus réactionnaire que divers acteurs de l’opposition. Des concepts statiques n’aident pas à comprendre ce qui se passe dans différents pays, en particulier au Venezuela. La situation latino-américaine est très complexe.
Correio da Cidadania: Comment mettez-vous en relation ce scénario vénézuélien avec le Brésil, la chute de Dilma Rousseff et l’accession de Michel Temer à la présidence?
Margarita López Maya: Dans ce cas, si l’on parle plus directement des gouvernements de gauche, je pense qu’ils sont différents les uns des autres. La problématique qui a conduit à la chute de Dilma Rousseff n’est pas la même que celle d’autres pays. Je crois qu’il n’y a pas eu de rupture institutionnelle de la démocratie brésilienne de niveau équivalent à ce qui s’est passé au Venezuela. La dynamique a été différente, il n’y a pas eu de radicalité extrême, autoritaire, des scènes de violence, comme il y en a eu également eu au Nicaragua. En Equateur, il n’y a pas les mêmes traits totalitaires qu’au Venezuela.
Correio da Cidadania: Qu’en est-il du scénario sud-américain et également continental dans ses mécanismes supranationaux? Y a-t-il un rôle important à jouer pour des organes tels que l’Unasul [l’Union des Nations sud-américaines] ou l’OEA [l’Organisation des Etats américains]?
Margarita López Maya: Je ne suis pas spécialiste en Relations internationales, mais je crois qu’après le changement si dramatique de certains gouvernements et leurs orientations politiques respectives, en même temps d’ailleurs que la victoire de Trump, il y a une recomposition très importante des forces. Je pense qu’il est bon que le Mercosul ait suspendu le Venezuela en raison du fait que celui-ci ne réponde pas à certaines exigences. Il y a toute une série de postulats dans la charte démocratique de la OEA que le pays ne respecte pas. Mais malgré certaines déclarations du Secrétaire général, les gouvernements en général ont regardé les choses à la va-vite, permettant ainsi à Maduro d’approfondir le processus d’abus dictatoriaux et militaires.
Ainsi, nous assistons à une réorganisation, ce qui en fin de compte permet un bilan des expériences vécues. Et certaines de ces expériences mourront, justement parce qu’elles ont souvent existé sur la base des prix comme des revenus des matières premières exportés, un contexte qui a cessé d’exister. C’est pour cela qu’un réaménagement est obligatoire, avec plus de pragmatisme et moins de chape idéologique. On peut parier qu’à ce moment-là les choses se régleront.
Je regrette de voir que nous gaspillons la chance d’avancer plus, ce que nous aurions pu faire avec des gouvernements plus responsables, ayant pour vocation démocratique la poursuite des intérêts de leurs peuples. Ce que nous voyons finalement, c’est que les gouvernements de gauche peuvent être aussi mauvais que ceux de droite. (Article publié dans Correio da Cidadania, le 14 février 2017; traduction A l’Encontre)
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