Dans les pages débats du Monde Cecilia Garcia-Peñalosa résume les résultats d’une analyse toute en finesse des inégalités en débusquant dans le contexte sociétal ce que les statistiques peinent à révéler. S’il est vrai que l’écart de revenus entre femmes et hommes ou la sous-représentation féminine dans les conseils d’administration est une réalité, la faute n’en revient pas uniquement au monde du travail. En fait, «la moitié de l’écart salarial provient d’une durée du travail moindre pour les femmes et l’autre moitié résulte des caractéristiques des individus (expérience professionnelle) et des emplois (fonction, secteur d’activité)». Ainsi, d’après Claudia Goldin, économiste à Harvard, qui a étudié la question auprès des pharmaciennes et des avocates, cet écart de salaire y est presque inexistant. Tout au moins en début de carrière, car dès l’arrivée des enfants les horaires ont pour les femmes une tendance générale à l’aménagement ou à la réduction, et les ambitions aussi. La recherche de promotion amoindrie chez les femmes est également liée à cette situation, qui reste hors d’atteinte des politiques de parité engagées dans les entreprises car elle réside plutôt dans «la persistance de normes sociales. L’idée selon laquelle, dans les ménages, l’homme doit pourvoir aux besoins de sa famille a la vie dure. Cela a pour conséquence de réduire le travail de la femme au statut de revenu secondaire». Conclusion de la directrice de recherche CNRS à l’Ecole d’Economie d’Aix-Marseille (AMSE) et membre du Conseil d’Analyse Economique: «Légiférer pour éviter la discrimination est une arme peu puissante si la source du problème se trouve dans les perceptions que femmes et hommes ont d’eux-mêmes et de la définition de leur identité par rapport à la réussite professionnelle.»
Dans L’Humanité, Sophie Pochic, confirme le caractère «dynamique et multidimensionnel» de la «fabrication des inégalités au travail» et elle relève que si la situation s’améliore pour les plus diplômées, le risque demeure pour les plus modestes, «touchées par les restructurations, le chômage et la précarité». «Si certaines directions ont désormais le «souci de la mixité» à l’embauche pour leurs emplois techniques, elles se heurtent à la ségrégation sexuée très marquée des formations courtes et professionnelles (des garçons en mécanique automobile, des filles en sanitaire et social), déplore la chercheure au CNRS, qui ajoute que ces directions «se préoccupent rarement de la sur-représentation des femmes dans les emplois à bas salaires ou dans les départs de l’entreprise».
Les pages débats de La Croix relancent à point nommé la controverse sur la capacité des femmes à prêcher pendant la messe
Un débat byzantin, comme il se doit, difficile à résumer ici. Sachez seulement que pour Véronique Margron, provinciale des dominicaines de la Présentation, l’Eglise pourrait «instaurer des critères» pour encadrer cette pratique, en manifestant «par une forme de rite» que le prêtre «donne la parole à une personne pour prêcher». La professeure à la Faculté de théologie de l’Université catholique d’Angers rappelle à bon escient que «dans l’Évangile, les premières à annoncer la Résurrection sont des femmes», tout en soulignant qu’en 2016 on est encore en train de se demander si des femmes pourraient prêcher…
Dans les pages idées de Libération, un tout autre débat porte sur le délit «d’exhibition sexuelle» imputé aux Femen qui s’étaient affalées sur la voiture de DSK lors du procès du Carlton
Trois mois avec sursis ont été requis contre ces trois militantes au tribunal de Lille, ce qui suscite la perplexité du psychanalyste Gérard Pommier. Car de nos jours, dans la vie quotidienne, à la plage par exemple, tel n’est plus exactement le sens de la nudité. Et le psychanalyste d’analyser la nature de la subversion à l’œuvre dans cette «exhibition». «Les hommes n’établissent jamais si bien leur masculinité qu’en rejetant leur propre féminité – affirme-t-il. Chacun est divisé et constitué par son rejet et son amour de l’autre genre. Chaque genre rejette le genre opposé, et du même coup, il le désire. Tel est le secret de notre attraction-répulsion constante. Aujourd’hui, le génie Femen capitalise cette bipolarité, comme s’il nous disait: «Je ne pleurniche plus, regarde-moi en face: je me suis baptisée moi-même Femen, j’ai métamorphosé le symbole de l’oppression, la nudité, en arme de libération.» C’est ainsi que «le sens politique du corps des femmes surclasse la fraternité des hommes. Exhiber la féminité à l’aplomb de revendications de justice montre sans phrases la cause première de l’oppression: c’est le désir». Et «Le masculin voit défiler à l’air libre son ennemi le plus secret: son propre désir». Gérard Pommier évoque pour conclure un mode de détournement des techniques marketing qui deviennent des armes contre le marketing, selon une méthode très situationniste, et spectaculaire. (Revue de presse, France Culture, 8 mars 2016)
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