Les réfugiés syriens frappés par le froid

Camp de réfugiés de Salkin, au nord d’Idlib, en Syrie,  le 10 janvier. | KHALIL ASHAWI / REUTERS
Camp de réfugiés de Salkin, au nord d’Idlib, en Syrie,
le 10 janvier 2015. | KHALIL ASHAWI / REUTERS

Par Hélène Sallon

Par rapport à cette question des réfugiés syriens, voici quelques données concrètes sur la politique des autorités helvétiques en la matière. Fin 2013, le Secrétariat d’Etat aux migrations (ex-ODM) rappelle «avoir fait un geste» en accordant des facilités provisoires en matière de visa aux membres de la famille de ressortissants syriens domiciliés en Suisse: «4200 personnes sont arrivées en Suisse grâce à cette mesure dont 3000 ont déposé une demande d’asile». L’opération a été arrêtée deux mois après son lancement. Par ailleurs la Suisse s’est engagée à accueillir un contingent de 500 réfugiés d’ici à 2016 «dans le cadre d’un projet pilote: 168 personnes sont déjà arrivées». La Suisse a informé le HCR qu’elle serait prête à accueillir 290 personnes supplémentaires en 2015. Amanda Loset de Solidarité sans frontières indique que seuls deux moyens légaux existent pour arriver en Suisse, le visa humanitaire ou le regroupement familial. Comme la Suisse n’a pas de représentation diplomatique en Syrie, toute personne qui dépose une demande de visa humanitaire se trouve dans un pays tiers et n’a aucune chance de l’obtenir. (Réd. A l’Encontre)

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Pour la première fois en trois ans de guerre, les bombardements se sont tus en Syrie, le 7 janvier. La tempête, empêchant toute manœuvre des forces de Bachar Al-Assad contre les zones tenues par les rebelles, a permis d’épargner pour une journée quelques victimes de cette guerre à l’origine de plus de 200 000 morts. En une semaine, la vague de froid qui balaye la Syrie et les pays voisins a fait au moins quinze morts, principalement des enfants et des personnes âgées. Elle vient aggraver une situation humanitaire déjà catastrophique, à laquelle les pays limitrophes et les organisations humanitaires ont de plus en plus de mal à répondre, faute de moyens. La question de la relocalisation des réfugiés dans d’autres pays est au menu d’une réunion interministérielle des Nations unies, à Genève, mardi 13 janvier, alors que de nouvelles températures glaciales sont attendues.

Tempêtes de neige, grêle et pluies torrentielles s’abattent depuis une semaine sur la Syrie, le Liban et la Jordanie. Les dix millions de Syriens – 40 % de la population – réfugiés soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du pays, pour la plupart dans des campements et des abris de fortune, ne sont pas équipés pour faire face à ces conditions climatiques exceptionnelles.

«Une bronchite peut tuer en Syrie»

Les plus vulnérables sont les 6,5 millions de déplacés à l’intérieur de la Syrie, en zones rebelles et gouvernementales. La vague de froid a compliqué l’accès à l’aide et aux soins, déjà rendu quasiment impossible par les combats et les bombardements. «C’est un désastre humanitaire et médical. Aujourd’hui, une bronchite peut tuer en Syrie», déplore le docteur Oubaida Al-Moufti, de l’Union des organisations syriennes de secours médicaux (UOSSM), l’une des rares organisations encore présentes sur l’ensemble du territoire. Onze personnes, dont sept enfants, ont péri d’hypothermie en une semaine, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

Dans les quartiers rebelles d’Alep, autour desquels le régime resserre son étau, la situation est particulièrement inquiétante. «Des vivres entrent encore, mais le voyage est risqué. Il ne reste que trente membres du personnel de santé, toutes spécialités confondues, pour une population de 360 000 habitants. On voit réapparaître des maladies qu’on ne voyait plus avant : polio, gale, tuberculose, typhoïde ou leishmaniose», raconte, abattu, le docteur Abdelaziz, un chirurgien de l’UOSSM. La situation dans la ville n’est pourtant rien comparée à celle de la Ghouta orientale, à Damas, où 800 000 personnes sont assiégées par les forces loyalistes depuis deux ans. Il n’y a «aucune possibilité de faire entrer de l’aide humanitaire ou des médicaments», déplore Oubaida Al-Moufti. Les habitants n’ont plus les moyens d’acheter du fioul, vendu à 20 euros le litre. Deux petites filles sont mortes d’hypothermie, samedi.

Enfant mort de froid

En Jordanie et au Liban, des centaines de milliers de réfugiés se sont retrouvés coincés dans leurs tentes, couvertes de neige, ou menacés par les inondations, sous des températures qui frôlent les – 10 °C dans les zones montagneuses de l’est du pays. «Des centaines de milliers de réfugiés vivent dans des camps informels, des garages abandonnés, des écoles vides ou des locaux isolés par du plastique, inadaptés pour faire face aux températures négatives», pointe Gareth Richards, responsable Liban de l’organisation Care International. Deux réfugiés syriens, dont un enfant de 6 ans, ont été découverts morts de froid dans les montagnes entourant Chebaa, dans le sud-est du Liban. Les organisations humanitaires tentent de parer au plus urgent : matelas, couvertures, vêtements, bois et fioul. «Les réfugiés en sont parfois réduits à brûler du plastique pour se chauffer, avec tous les risques que cela comporte. Certains bébés sont arrivés à l’hôpital complètement gelés», dit Agnès Konrat, responsable de la communication de Première Urgence-Aide médicale internationale au Liban (PU-AMI).

Les organisations humanitaires ont de plus en plus de mal à collecter des dons, alors que les besoins et la paupérisation de la population syrienne vont croissants. «Il y a une banalisation de la crise syrienne, un essoufflement et un durcissement de la réponse internationale qui ont des conséquences humanitaires terribles», alerte Robert Persichino, directeur des opérations de PU-AMI. L’appel aux dons de l’ONU pour 2014 n’a été honoré qu’à hauteur de 46 % et 8,4 milliards de dollars (7,1 milliards d’euros) sont demandés en 2015. Les pays limitrophes, qui n’ont plus les moyens de faire face à l’afflux de personnes fuyant la guerre, ont durci leurs conditions d’accueil. Les organisations humanitaires en appellent désormais aux autres Etats pour accueillir 5 % des réfugiés, soit 180 000 des 3,6 millions de réfugiés enregistrés par l’ONU. (Publié dans Le Monde, 14 janvier 2015)

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