Bulletin de Solidaires
C’est une mobilisation un peu souterraine, bien moins visible que les manifestations et les blocages, qui prend de l’ampleur depuis quelques jours et s’organise essentiellement via Internet (mails privés, réseaux sociaux, blogs, etc.) de soutien matériel aux grévistes des raffineries.
Cela au moment où Sarkzy les accuse, de manière pavlovienne, de «prendre en otage» de le pays.
L’ Elysée joue l’intransigeance et mime la fermeté sur la réforme des retraites. Or de nombreux Français (manifestants, grévistes… ou rien de tout cela, mais solidaires) ont décidé de soutenir financièrement les grévistes des douze raffineries de l’Hexagone, à l’arrêt complet depuis une semaine. Ce mouvement est vraiment inédit.
Pourquoi les raffineries? Parce qu’un blocage prolongé, en privant le pays de carburant, paralyserait l’économie. Et qu’à la différence des grèves de 1995 (les cheminots étaient alors à la pointe), c’est cette fois la pétrochimie, consciente de ses capacités de blocage, qui joue un rôle stratégique, comme le souligne le journaliste de Mediapart Mathieu Magnaudeix
Nous publions ci-dessous les deux derniers Bulletins, quotidien, de l’Union syndicale Solidaires; ceux en date du 21 octobre et du 22 octobre 2010. (Réd.)
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Numéro N° 11 du 21 octobre
Des millions de manifestant·e·s pour la 6e fois depuis début septembre
Ces mobilisations successives de millions de personnes, salarié-e-s du privé et du public, retraité-e-s, chômeurs/ses, lycéen-ne-s, étudiant-e-s, montrent une détermination très forte et massive de la population. Il faut remonter à de très nombreuses années pour retrouver une telle situation. Le gouvernement doit abandonner son projet de loi !
La grève reconductible
Dixième jour de grève ce jeudi dans les 12 raffineries du pays, ou à la SNCF.
Mais le mouvement dépasse très largement les deux secteurs mis en avant par les médias. Totale ou sous forme de débrayages quotidiens, la grève est nationale et interprofessionnelle, et touche le secteur public et les entreprises privées.
Dans la Chimie, la grève est reconduite aussi dans une vingtaine d’usines de caoutchouc/pneumatiques(Goodyear Dunlop Tires, Michelin, Hutchinson, Paulstra, Trelleborg, Joint français…), dans autant d’usines chimiques (Arkema, Rhodia, Basf, Ceca, L’Oreal,…), ou encore à Sanofi/Aventis, Plastic Omnium, Saipol…
L’Energie est aussi concernée, avec la grève dans les centrales nucléaires de Chinon, Blayais, Tricastin, Flamanville et dans d’autres services d’EDF. Les 3 stockages souterrains gaziers de la région Centre, représentant 60% à 70% des capacités de stockage en France, ont été bloqués mercredi, n’émettant plus de gaz sur décision des grévistes, qui sont largement majoritaire parmi le personnel. Les salariés des 3 terminaux méthaniers de gaz naturel sont en grève.
Les transports urbains de plusieurs villes sont touchés par la grève, les routiers organisent des blocages dans toutes les régions, les convoyeurs de fonds (Brink’s, Loomis) sont aussi dans l’action, et plusieurs aéroports ont été bloqués, notamment Roissy où 3000 manifestant-e-s se sont rassemblé-e-s à l’appel de la CGT et Solidaires. Saint Gobain, SVA, Isover, Baccarat, etc.
Les entreprises du Verre sont aussi dans la grève.
La métallurgieégalement : Dura, Deshors, Ascométal, Atral, Tecumseh, Transrol, Bollhof, Camiva, Tivoly, KME, Gifa, Snecma… De même pour l’industrie alimentaire : plus de 700 établissements en grève le 19 octobre.
La grève est reconduite depuis plusieurs jours dans environ 200 Collectivités Territoriales. Elle touche les centres d’impôts d’un tiers des départements.
Au Ministère de la culture aussi la mobilisation est forte, des manifestations sont organisées comme à la Bibliothèque Nationale de France ou au musée du Louvre. Education, Recherche, Ministère du Travail et des Affaires Sociales, … des grèves se poursuivent là aussi.
Les jeunes veulent pouvoir choisir un autre avenir
Si nous travaillons plus longtemps, les jeunes trouveront encore plus difficilement du boulot ! L’augmentation de la productivité depuis 20 ans, les énormes profits confisqués par une minorité, démontrent qu’il est possible, sans problème, de réduire le temps de travail, d’augmenter les salaires et pensions, et de fournir à chacun-e un emploi socialement utile. Voilà pourquoi les lycéen-ne-s, et maintenant les étudiant-e-s, participent à cette lutte sociale.
La violence gouvernementale est un aveu de faiblesse
Les interventions policières contre des grévistes se multiplient, souvent de façon violente. De même, la pression policière jusqu’aux portes des lycées relève d’une stratégie de tension que nous dénonçons.
Le MEDEF [organisation patronale à la tête de laquelle se trouve Laurence Parisot] s’inquiète
Une nouvelle, qui montre que la grève nationale est utile : le patronat, par la voix de Mme Parisot, réclame que ça cesse ! Alors continuons, c’est le moyen le plus efficace pour que les patrons, de peur de perdre un peu trop de leurs profits, suggèrent au gouvernement de retirer leur projet commun de contre-réforme des retraites.
L’Union syndicale Solidaires appelle à renforcer et développer la grève, et souhaite que l’intersyndicale qui se réunit ce soir (21 octobre 2010) lance aussi cet appel, et organise très rapidement une nouvelle journée nationale de manifestations.
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Numéro N° 12 du 22 octobre
Un mouvement inédit
Au onzième jour de la grève interprofessionnelle démarrée le 12 octobre, il apparait clairement que ce mouvement cumule un certain nombre d’aspects qui lui donne un caractère inédit : sa durée, ses formes, le soutien massif de la population, la répression gouvernementale, la participation des lycéen-ne-s, … Une chose est sûre : c’est un affrontement central avec le Pouvoir et le patronat qui est en cours, et nous ne devons pas lâcher !
La grève dure
Onze jours de grève, c’est beaucoup, c’est épuisant, c’est très pénalisant financièrement, … mais c’est aussi la volonté de ne plus reculer, de continuer les efforts pour arracher la victoire. Dans les secteurs en pointe depuis près de 2 semaines, la situation n’est évidemment pas simple, mais la force collective et les entrées dans la lutte de nouvelles entreprises chaque jour sont des éléments décisifs.
Généraliser la grève
Depuis le début, la grève totale est reconduite dans certaines professions. Dans d’autres, notamment de nombreuses entreprises privées, il s’agit de débrayages quotidiens. Les salarié-e-s décident ensemble de la forme d’action collective la plus appropriée pour étendre le mouvement et le faire durer jusqu’à satisfaction, c’est-à-dire jusqu’à l’abandon de ce projet de loi sur les retraites. Bien sûr, partout où c’est possible, la grève totale doit être décidée, c’est le meilleur moyen de renforcer le mouvement. Pour l’Union syndicale Solidaires, il ne s’agit pas d’affaiblir la grève dans les secteurs où elle est reconduite depuis le 12, mais au contraire de travailler à sa poursuite, son extension, sa généralisation.
Un mouvement populaire
A quelques jours des vacances scolaires, les perturbations du trafic SNCF ou l’absence d’essence dans les pompes ne facilitent pas la vie de millions de personnes. Mais l’immense majorité de celles-ci comprennent que ce qui se joue en ce moment a des conséquences bien plus graves qu’une semaine de congés scolaires perturbée. Les nombreuses initiatives pour organiser une solidarité financière avec les grévistes sont un des signes de ce soutien.
Le gouvernement a recours à la répression
Grévistes, barrages, rassemblements, sont de plus en plus souvent agressés par des interventions policières. Des manifestations de lycéen-ne-s et aussi de salarié-e-s ont été dispersées violemment. Le gouvernement tente d’installer un climat de tension et de peur, dans l’espoir de déplacer le débat et de masquer le désaveu massif envers son projet de loi. Par ailleurs, sa volonté de court-circuiter tout débat le conduit maintenant à accélérer encore la procédure parlementaire.
L’Union syndicale Solidaires fait des propositions à l’intersyndicale Lors de la réunion intersyndicale nationale de jeudi soir (13 octobre 2010), nous avons proposé que 5 points soient mis en avant :
• Un soutien syndical national à la grève interprofessionnelle en cours, aux grévistes en lutte.
• Un appel national à renforcer et élargir cette grève.
• Une nouvelle journée nationale de manifestations en début de semaine prochaine.
• Une condamnation de la répression policière.
• Une réunion intersyndicale dès la semaine prochaine.
L’Union syndicale Solidaires n’a pas signé le communiqué adopté par 6 organisations. Nous considérons que la situation mérite une réponse plus offensive et rapide des organisations syndicales nationales. Nous appelons à poursuivre la lutte, dans l’unité comme c’est le cas depuis 11 jours dans la plupart des départements et dans de nombreuses entreprises.
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