Par Thanassis Kourkoulas
Dans une salle aménagée à cet effet, dans la prison de Korydallos (Athènes) commencera le 20 avril le procès des néonazis d’Aube dorée. Coïncidence ou non, c’est la date de la naissance d’Adolf Hitler [20 avril 1889] et la veille de l’anniversaire noir du coup d’Etat des colonels [21 avril 1967] en Grèce. L’affaire commence par une procédure ayant trait au caractère impartial de la justice et à la validité de l’incrimination, ceci dans une annexe de la prison, ce qui est au bénéfice des fascistes.
Bien que les crimes des membres d’Aube dorée soient prouvés, la direction d’Aube dorée comme dirigeant une organisation criminelle n’est en aucun cas un fait accepté.
Parmi les centaines de cas établis d’attaques physiques brutales de membres d’Aube dorée (AD) contre les migrant·e·s, des militants de gauche, des antifascistes, seulement trois cas sont liés à la caractérisation d’Aube dorée comme «organisation criminelle» qui concerne 70 membres d’AD et le groupe parlementaire des néonazis.
Ces trois cas sont: l’assassinat du chanteur Pavlos Fyssas (le 18 septembre 2013), la tentative d’assassinat de pêcheurs égyptiens et l’attaque à Perama (quartier du Pirée) contre des membres du PAME (Front de masse du PC-KKE).
La caractérisation comme organisation criminelle est basée sur la loi, article 187.1 et non sur l’article 187A (loi contre le terrorisme) beaucoup plus dure, qui est utilisée contre l’extrême gauche ou les militants anarchistes.
Comme si cela ne suffisait pas, le président de la Cour d’appel, M. Salatas, a proposé de lever l’accusation pesant contre la direction d’AD, comme dirigeant une organisation criminelle.
Selon la Cour d’appel, l’AD ne peut pas être accusée d’organisation criminelle parce qu’il n’y a pas un réseau criminel économique, ce qui pourtant ne constitue pas un élément décisif dans le droit grec 187.1, mais qui figure dans la Convention internationale de Palerme, qui elle vise à démanteler la mafia!
En outre, la direction d’AD ne fait pas face à des accusations d’incitation à de tels crimes, mais à celle de participer à la direction d’une organisation qui a été caractérisée comme criminelle; ceci bien que l’accusation de l’avoir mise en place soit absente! La conclusion de la Cour d’appel parle d’une organisation criminelle «qui a probablement commencé à agir en 2008». Alors qu’il existe des preuves que des dirigeants néonazis ont été des acteurs d’attaques meurtrières depuis les années 90, par exemple le fasciste Periandros, alors membre d’AD, a été accusé de l’assassinat de Dimitri Koussouri, militant de la gauche. Cela s’est produit de suite après la création de l’organisation nazie.
Le résultat du procès ne sera pas probant. Ne serait-ce qu’en raison du retard excessif de son ouverture et du fait qu’il sera conduit avec la moitié de la direction d’AD (Nikolaos Michaloliakos et Christos Pappas) mise en liberté étant donné que le délai de prison préventive prend fin après 18 mois, soit le 29 mars. Et probablement, pour les mêmes raisons, l’assassin de Pavlos Fyssas, G. Roupakias, sera libéré.
Un lien à assurer
Compte tenu de ces lacunes et de ces omissions, ce qui est positif dans ce procès pour le mouvement anti-fasciste et pour la gauche réside principalement dans le lien existant entre le fait que l’écrasante majorité veut la condamnation d’AD pour ses crimes et dans le soutien, encore, de la majorité dans la société pour le gouvernement nouvellement élu, dont la gauche reste la colonne vertébrale.
La gauche dans toutes ses nuances et courants doit faire tout son possible pour exprimer cette corrélation devant les tribunaux ainsi que lors de la mobilisation, qui doit être massive, en dehors de la salle d’audience installée dans la prison de Korydallos.
Cette gauche, dans sa pluralité, doit également développer un climat politique général qui souligne la réalité d’AD, sa négativité radicale pour la société, en vue du début du procès. La création de l’Observatoire pour le procès d’AD qui se situe dans la foulée de la décision de l’Union grecque des droits de l’homme, de la coordination anti-fasciste et des investigations développées par l’Union des journalistes d’Athènes représente une initiative très importante.
Il faudra beaucoup plus, surtout de la part de la gauche, pour que soit prise une position ferme en faveur de la condamnation de la direction d’AD.
La décision de la ministre de l’Immigration, Tasia Christodoulopoulou, de refuser de répondre aux questions des députés nazis d’AD siégeant au Parlement est tout à fait appropriée. Cela, contrairement à d’autres ministres du gouvernement qui considèrent que les députés nazis ont la légitimité, avant le procès, pour interroger une ministre de l’Immigration. Cela d’autant plus après les déclarations d’un juridisme plus qu’étriqué faites par Zoe Konstantopoulou – présidente du Parlement, issue de Syriza et d’une famille de juristes – sur l’éventuelle invalidité des lois adoptées par la législature précédente (celle du gouvernement Samaras) alors que les députés d’AD n’étaient pas présents (étant donné les accusations les concernant). Ce genre d’affirmation d’une membre de Syriza occupant ce poste rend encore plus nécessaires les prises de position de personnalités centrales du gouvernement et de la gauche qui traduisent et traduiraient la demande sociale d’une condamnation des néonazis.
Il est également nécessaire pour le gouvernement par la voix des ministres responsables (entre autres celui de la Justice) d’assurer que le procès des dirigeants d’AD ne s’organise pas dans un lieu où les néonazis concentrent leurs forces, comme ce fut le cas lors d’autres procès (contre Ilias Kasidiaris porte-parole d’AD, ou Konstantinos Barmparousis, etc.). Il s’agit aussi d’assurer la protection des témoins face aux intimidations des néonazis, au sein et en dehors des tribunaux.
Un défi
La condamnation de la direction d’AD dans le procès à venir est absolument cruciale. Pour que cessent les attaques – blessures graves et meurtres – contre des immigrant·e·s chaque année. Pour ne plus être en mesure de recruter des adolescents sur la base de manifestations de machisme «musclé» dans la rue contre des migrant·e·s, entre autres. Pour neutraliser, en partie, les «noyaux» d’AD dans le système judiciaire, policier, et les forces armées; ce que Ioanis Panousis, vice-ministre de la Protection des citoyens, n’a pas l’intention d’engager au travers d’une procédure de dissolution.
Des fractions de la justice, de l’appareil d’Etat, des représentants du gouvernement et certains membres de la gauche ont promis d’absoudre AD avant même de mener un procès retentissant et sérieux. Cela dépend dès lors des autres forces progressistes et de la gauche d’empêcher un tel développement, ce qui signifierait un retour à la période d’avant l’assassinat de Pavlos Fyssas. Et cela avec des conséquences politiques imprévisibles au moment de juger le cours du nouveau gouvernement dirigé par Syriza. Un cours qui ne sera probablement pas du tout indépendant de l’issue de la bataille contre le fascisme en Grèce. (Traduction Antonis Martalis; édition A l’Encontre)
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