Par Katerina Giannoulia
L’extension très débattue d’environ 4 mois de l’accord de prêt (mémorandum) existant sera utilisée de la part des entreprises privées pour faire reculer encore plus le nouveau de gouvernement de SYRIZA.
Ce qui va déterminer l’évolution est de savoir si et quand nos propres forces collectives – celles du monde du travail qui a tant perdu depuis 2010, début des mémorandums – vont décider de faire valoir leurs exigences de manière organisée.
L’ancien slogan de SYRIZA «c’est eux ou nous» est plus que jamais d’actualité! Ceux qui feront preuve de «patience» pendant 4 mois ne vont pas aider leur classe!
«Mise en disponibilité» ou mise en ordre de résistance
Au cours des réunions entre de nouveaux ministres, des députés et les syndicats, certes malgré leurs bonnes intentions, les revendications des travailleurs ont été niées, même celles que le gouvernement lui-même avait annoncées avant l’élection, lors du «programme de Thessalonique» (14 septembre 2014). Dans l’e-mail connu du ministre des Finances Yanis Varoufakis est spécifiée et précisée ladite «ambiguïté créative» de l’accord de février 2015.
Ainsi on est assuré que les fonctionnaires mis en disponibilité retrouveront leur poste de travail ou d’autres postes («mini-mobilité»), progressivement, après la reconstitution de certaines structures et secteurs qui avaient été supprimés du jour au lendemain. Cependant, la mobilité a été «inventée» par le gouvernement ayant décidé les licenciements. Elle a donc été liée au statut de mise en disponibilité. En effet, le cadre institutionnel prévoyant la mobilité des fonctionnaires, avec l’accord de ces derniers, existait déjà (transferts, détachements-mouvements). Il est précisé par tous les nouveaux dirigeants du gouvernement que les emplois pour les fonctionnaires en disponibilité devant être réengagés seront déduits des 15’000 recrutements prévus pour 2015 par le gouvernement précédent. Donc, la question est de savoir s’il y aura vraiment 4000 ou 5000 nouvelles embauches dont «l’Etat-providence» a tellement besoin pour pouvoir fonctionner dans la dignité, pour rouvrir les écoles et les hôpitaux dont la fermeture faisait et fait souffrir les gens qui ne pouvaient pas payer pour de tels services.
En outre, «l’évaluation» (de chaque employé) dans le secteur public, pour ce qui a trait au salaire et au contrôle des contrats à durée indéterminée, avait été rejetée pendant la période précédente grâce à la mobilisation collective. De plus, les maires de gauche n’ont pas appliqué ces décisions gouvernementales. Ainsi, on voit mal qui accepterait aujourd’hui ce type de mesures. En fait, on continue de revendiquer l’abolition des mesures disciplinaires prises pour des raisons d’activité syndicale et de «comportement indigne». Cela dans le but d’éliminer les prérogatives de gestion des directeurs. Parmi les revendications, on trouve la suppression des tâches parallèles supplémentaires pour les enseignants; la fin des trois années d’arrêt des promotions et d’évolution salariale; le retour à leur place des fonctionnaires rétrogradés, déplacés vers d’autres services; le maintien des allocations non salariales; la non-augmentation de l’âge donnant droit à la retraite…
Lors des rencontres avec des ministres nous avons aussi appris que l’horaire prolongé des enseignants continuera comme l’a établi le gouvernement précédent. Ce qui maintient la réduction du personnel dans les écoles, ce à quoi les syndicats s’opposent, à juste titre.
Ce qui est urgent est la dotation en effectifs du corps d’inspecteurs de travail afin d’assurer, sous certaines conditions, l’intérêt des salarié·e·s, ainsi que la restauration des droits légaux des salariés du secteur pris, droits qui ont été balayés par les employeurs et le gouvernement Samaras-Venizelos. Le statut de salarié ne disposant d’aucune assurance sociale ne peut plus être toléré. Il sera combattu avec efficacité seulement s’il est combiné avec l’établissement de l’égalité des droits pour les travailleurs immigrés et la légalisation de tous ceux qui arrivent dans le pays.
Les conventions collectives de travail, les tribunaux prud’homaux, l’augmentation de la durée de la validité des contrats collectifs en négociation, après leur date d’expiration, et la fixation du salaire minimum à 751 € ne sont pas des questions «de luxe», ni des «atteintes à la compétitivité» des entreprises. En plus, ces revendications n’ont pas un «coût budgétaire». Elles ne font que protéger les salarié·e·s envers les employeurs. Cela confirme qu’il est erroné d’accepter de négocier sur ces thèmes avec les dits Alors on «partenaires» et les «institutions» (UE, BCE, FMI). En effet, il est de la compétence directe des syndicats de se battre pour ces revendications. Et donc aujourd’hui s’offre une belle occasion de s’organiser et de se mobiliser collectivement…
Il est évident que les salarié·e·s n’accepteront pas «comme ça» le changement par rapport aux engagements électoraux tel qu’annoncé par un gouvernement qu’ils considèrent être le leur et qui a émergé grâce à leurs luttes et suite à la perte de légitimité des mémorandums, jour après jour, lors de chaque manifestation.
Malgré le recul de l’activité des mouvements sociaux au cours des deux dernières années, leurs espoirs ont été transférés sur le plan électoral. Mais la victoire politique de SYRIZA est aussi liée aux résultats de certaines luttes-phares, longues et dures, du mouvement syndical, telles que celles des nettoyeuses du ministère des Finances et des gardes scolaires.
Dans la conscience collective a été enregistrée la justification des luttes pour la défense et l’obtention de droits et non pas des pratiques «modernes» et «réalistes» d’en haut. Ainsi, le reclassement des fonctionnaires en disponibilité ne signifierait pas seulement la fin d’une longue bataille. Il se traduirait par le transfert d’un exemple de victoire dans d’autres secteurs. De cette façon, un effet domino pourrait se produire pour ce qui a trait à des revendications justifiées d’autres salarié·e·s.
Pour une action syndicale unie et indépendante
Les syndicats, avec leurs membres visiblement soulagés par la victoire électorale, disposent du potentiel de s’unir et d’étendre leur influence, d’organiser des réunions, des actions et des mobilisations communes. La crainte de poursuites et de persécutions disciplinaires – avec la possibilité de licenciement [le gouvernement peut décider de contraindre les salariés à reprendre le travail selon un décret à tonalité militaire, le refus pouvant entraîner une mesure de licenciement] – nous avait hantés dans le passé. Elle n’existe plus.
Pour que le potentiel de mobilisation puisse s’exprimer, il faut faire obstacle à ce que les forces ouvrières de SYRIZA – qui s’expriment dans le courant syndical META – se convertissent en «syndicalisme gouvernemental». En outre, les forces du PAME (Front syndical du KKE) et celles syndicales d’ANTARSYA se doivent de mettre fin à une orientation sectaire, ce qui enlève de forces et une dynamique militante au mouvement d’ensemble. Et cela sur la base d’une orientation qui se limite à affirmer: «nous vous avions prévenus de la politique gouvernementale de SYRIZA»; ce qui revient à diffuser une «prophétie auto-réalisatrice».
La nécessité d’agir est encore renforcée dans cette phase, avec la possibilité de recréer des comités de mobilisation. Mais le temps est compté et cela influe sur l’ampleur des forces qui peuvent se mettre en action.
La «patience» et la «confiance dans le nouveau gouvernement» ne permettent pas de comprendre ce qui dans les accords affaiblit la position des salarié·e·s et fait obstacle à leurs revendications. Patience et confiance poussent simplement à rester les bras croisés.
Dans la phase présente, il est impératif que les structures d’organisations collectives des salarié·e·s, en particulier les syndicats, soient parties prenantes actives d’un chapitre nouveau de notre histoire. Sans quoi, le redéploiement de la droite réactionnaire pourra se faire, avec comme objectif d’écraser ce qui a surgi suite à des années de souffrance et de luttes… (3 mars 2015, traduction A l’Encontre)
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