Travail: intensité et TMS

Par Arnaud de Broca

Loin de diminuer, les troubles musculo-squelettiques (TMS) continuent d’exploser et constituent la première maladie professionnelle. Pour tenter d’enrayer cette progression, le gouvernement lance régulièrement une campagne de prévention accompagnée de spots publicitaires. Mais, il vient aussi, il y a quelques semaines, de refondre le tableau de maladies professionnelles qui permet de faire reconnaître l’origine professionnelle d’un TMS (le tableau n°57) par la publication d’un décret au Journal Officiel.  L’objectif de ce décret est clair: diminuer artificiellement le nombre de TMS en alourdissant les démarches pour les victimes. Les conséquences se font déjà sentir.

Cassons le thermomètre

Ce décret apporte des modifications notables: en premier lieu, il modifie la désignation des maladies qui, pour certaines d’entre elles, devront être objectivées par un IRM. Cela va obliger les victimes à réaliser un tel examen et à consulter des médecins spécialistes en secteur 2, pas toujours enclins à réaliser des certificats médicaux. Mais c’est surtout l’établissement d’une liste de travaux très restrictive, qui va entraîner une diminution des TMS reconnus: pour entrer dans les conditions de ce nouveau tableau de maladie professionnelle, il faudra, par exemple, avoir effectué des «travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou   égal à 60° pendant au moins 3 h 30 par jour en cumulé». Il est donc dorénavant nécessaire de pouvoir mesurer des angles d’abduction, mais aussi des durées moyennes minimales quotidiennes…

Alors, certes le gouvernement d’ici à quelques mois pourra se targuer d’avoir limité l’explosion des TMS et se gargariser de l’efficacité des campagnes de prévention ou des actions menées par les entreprises. Mais sans nier leurs effets, si l’on constate dans les prochains mois une diminution de l’augmentation des TMS, celle-ci sera essentiellement due à l’impossibilité accrue pour les personnes concernées de faire reconnaître l’origine professionnelle de leur maladie. Alors que cette reconnaissance est déjà difficile et que ces troubles sont particulièrement sous-déclarés.

Une indemnisation inadaptée

Sans nul doute, certains oseraient répondre que les personnes concernées peuvent toujours se tourner vers le système complémentaire d’indemnisation des maladies professionnelles. Ce serait oublier un peu trop vite que pour pouvoir le faire, il faut, d’une part, présenter un taux d’incapacité supérieur ou égal à 25% et, d’autre part, prouver le lien entre leur maladie et leurs conditions de travail. En résumé, une procédure particulièrement inadaptée pour les victimes de TMS: difficile, en effet d’atteindre un tel taux avec un tel trouble. Que va-t-il se passer  alors? Non indemnisés, les TMS vont peser encore davantage sur la branche maladie et non plus sur la branche accidents du travail – maladies professionnelles et les personnes concernées ne recevront aucune indemnisation.

Par ailleurs, préférant se mobiliser pour prévenir ces troubles, le gouvernement oublie de rappeler  qu’ils conduisent la plupart du temps à une exclusion du monde du travail, malgré des taux d’incapacité qui peuvent sembler réduits: comment imaginer en effet qu’une caissière de plus de 50 ans, peu diplômée, ne pouvant plus bouger ni l’épaule ni le poignet puisse retrouver du travail? Pourtant, elle ne recevra pour toute indemnisation qu’un capital d’un montant avoisinant les 4000 euros; et, elle ne pourra pas bénéficier du volet pénibilité de la réforme de retraites, son taux d’incapacité étant vraisemblablement inférieur à 10%.

Pour le moment ne sont concernés par ce décret que les TMS de l’épaule, mais le gouvernement ne va pas s’arrêter en si bon chemin. La suite est déjà en préparation avec la refonte des conditions concernant le coude!

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Arnaud de Broca, juriste de formation, est secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie, depuis 2007. Reconnue d’utilité publique et totalement indépendante, la FNATH, créée en 1921 par les mutilés du travail, s’engage pour que les droits des accidentés de la vie soient respectés et qu’ils soient traités comme des citoyens à part entière. Cet article a été publié sur le site Santé et Travail.

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