Tranche de vie chez Nestlé

asset-582121Par Odile Benyahia-Kouider

La séquence diffusée sur France 2 dure moins de deux minutes. Elle vient pourtant de coûter à Valérie Bignon sa place de directrice générale de la communication de Nestlé France.

A l’origine du licenciement: une tranche de jambon. Le 13 septembre, le magazine «Cash Investigation», sur France 2, s’attaque aux pratiques de l’industrie agroalimentaire. Dénonçant l’abus de nitrites dans les charcuteries industrielles, le documentaire met deux géants sur le gril: Fleury Michon [1] et Herta [2], propriété du groupe Nestlé.

Lors du tournage, la multinationale suisse ne voulait pas donner l’image d’un bunker. Elle a décidé d’ouvrir ses portes à Elise Lucet [présentatrice sur France 2 et responsable de cette émission] et à ses journalistes. Enfin à moitié… L’équipe de «Cash Investigation» a été autorité à visiter les usines de fabrication du jambon, mais pas à les filmer.

Porc de l’angoisse

«Les usines, c’est quand même moche, avoue Valérie Bignon à l’écran. Ce n’est pas beau. La dimension industrielle dégoûte le consommateur. C’est incompatible avec l’idée qu’il se fait de sa cuisine.» Sourire gourmand d’Elise Lucet: «Cela fait peur? C’est l’aile ou la cuisse?»

Catastrophe: du côté de Fleury Michon, on a fait le choix inverse. Les chaînes de production ont été ouvertes aux journalistes. Les téléspectateurs découvrent comment la viande de porc est piquée par des dizaines de seringues injectant un additif (l’E250) composé de sel et de nitrite de sodium pour fixer le rose lors de la cuisson. En effet, ce n’est pas joli du tout. Et chacun de soupçonner que c’est pareil chez Nestlé…

L’affaire aurait pu s’arrêter là. Las! Le soir même de la diffusion, Richard Girardot [3], le pédégé de Nestlé France, s’insurge sur son blog Histoire(s) de bien manger. Chronique de l’agroalimentaire. Il stigmatise «un certain type de journalisme qui abuse d’une forme de marketing et qui confond enquête et racolage pour créer la polémique au bénéfice de l’Audimat». Depuis l’émission «le marché du jambon est négatif», prétend un dirigeant de Nestlé France. Jugée responsable du désastre, Valérie Bignon est renvoyée.

Elle va pointer à l’épaule emploi? (Publié dans Le Canard enchaîné du 7 décembre 2016)

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[1] Société d’origine familiale, elle a racheté Olida et s’est imposée sur le marché du «jambon supérieur»; elle a connu une expansion internationale depuis la fin des années 1990. (Rédaction A l’Encontre)

hse_poster[2] Nestlé sur son site fait ainsi l’éloge d’Herta: «Depuis 2001, HERTA® s’engage auprès des consommateurs sur la qualité et la sécurité de ses produits. Cet engagement a été élargi, en 2006, à la nutrition et notamment la réduction de sel et de gras.

En 2010, HERTA® signe une charte d’Engagement volontaire de Progrès nutritionnel et s’inscrit ainsi dans le cadre du PNNS (Programme National Nutrition Santé) à travers des engagements validés et reconnus par l’Etat (pour en savoir plus sur les Chartes PNNS signées par Nestlé – lien rubrique nutrition).

Pour répondre à la demande croissante de ses clients, Ludwig Schweinfurth, boucher-charcutier à Herten en Allemagne, crée en 1902 la première unité de production en série de charcuterie. De cette aventure, la marque HERTA® naîtra en 1947. Dix ans plus tard, les produits HERTA® seront vendus en France. HERTA® rejoindra le groupe Nestlé en 1986.» (Visite du site Nestlé France, le 7 décembre 2016, rédaction A l’Encontre)

[3] Richard Girardot est PDG de Nestlé France depuis 2013. Il a passé par Perrier (racheté par Nestlé en 1992), Nestlé Waters et Nespresso… Une carrière.

Le 15 février 2016, sur Europe 1, il déclarait : «Nestlé France s’est engagé au travers d’Herta à soutenir la filière porcine française. Nous nous sommes engagés à augmenter massivement la proportion de porc français dans nos produits. C’est chose faite avec plus de 50% de nos produits faits de porc français à la fin 2015 contre 20% auparavant. Nous nous sommes engagés à acheter le porc français au prix demandé par les agriculteurs. C’est chose faite avec un porc français acheté à 1,26€/kilo plus une prime d’engagement de 11 centimes par Herta alors que le cours du porc est actuellement à 1,10€/kilo à Plérin et encore moins en Allemagne!» La guerre franco-allemande du porc est déclarée. (Rédaction A l’Encontre)

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