France. Macron et le «rubik’s cube» ou le «grand débat»

Par Frédéric Says

Un rubik’s cube: c’est bien à ce casse-tête que fait penser la missive d’Emmanuel Macron.

Quelle que soit la face par laquelle on envisage la situation, elle semble ne jamais devoir se simplifier.

Ainsi, le président de la République précise qu’«aucune question» n’est «interdite» dans ce débat. Mais quelques lignes plus bas, il exclut tout rétablissement de l’impôt sur la fortune. Comme sur le rubik’s cube, quand vous avez mis de l’ordre sur l’une des faces, vous avez aggravé la physionomie de toutes les autres.

En l’occurrence, sur la première face du casse-tête, il y a la promesse d’un débat ouvert, dont les conclusions ne sont pas téléguidées. Mais sur une autre face, il y a la fidélité aux engagements de campagne. Pas évident. D’autant que sur la troisième face, on trouve la nécessité d’apaiser la colère brute. Quatrième face : ne pas mécontenter l’électorat qui soutient encore l’action de l’exécutif. Bref, chaque mouvement expose à la migraine.

Des propositions déjà formulées

Pour tenter de contourner les contraintes, Emmanuel Macron ouvre beaucoup de questions… qui ressemblent étrangement à des propositions qu’il avait lui-même déjà faites.

Par exemple, «faut-il, et dans quelles proportions, limiter le nombre de parlementaires ?»Tiens, c’est précisément l’une des mesures que se préparait à voter le parlement avant que l’affaire Benalla n’éclate.

«Quelle est la bonne dose de proportionnelle aux élections législatives?» Là encore, le gouvernement avait déjà tranché pour 15?%.

Même chose quand le président, dans cette lettre, pose la question de la réforme du CESE, le Conseil économique social et environnemental. Une proposition qui était déjà prévue dans la réforme constitutionnelle d’Emmanuel Macron. Une petite astuce qui revient un peu à décoller les gommettes du rubik’s cube pour les recoller sur la face qui vous arrange…

Il y a cela dit de nouvelles questions posées : le vote obligatoire, la prise en compte des bulletins blancs, le tirage au sort de citoyens.

Dans cet envoi d’Emmanuel Macron, il faut aussi deviner les mots qui manquent, les phrases qui ont été recouvertes de tippex. Ainsi, aucune question sur la refonte du système des retraites, qui est pourtant à l’agenda du gouvernement. Pas davantage sur la loi bioéthique, qui doit arriver devant le parlement cette année. Comme si les chantiers déjà entamés ne pouvaient être déconstruits.

Cette lettre aux Français est en fait un mélange des deux dernières interventions télévisées d’Emmanuel Macron. Celle du 10 décembre aurait pu être titrée «je vous ai compris».Celle, plus martiale, des vœux du 31 décembre signifiait «c’est moi le chef».  Dans cette lettre, on est à mi-chemin : «c’est moi le chef qui vous ai compris»,en quelque sorte.

Quelle cohérence à l’issue du débat?

Comment réagiront les récipiendaires de la lettre, c’est-à-dire les citoyens français ? Ces 2300 mots présidentiels – qui se veulent fermes sans être rigides, empathiques sans être faibles, ouverts sans être naïfs – resteront-ils dans l’Histoire [de France] comme un tournant face à l’une des plus graves crises sociétales récentes?

Ou bien ce courrier aux Français sera-t-il jeté dans la corbeille des gadgets de communication – comme l’ont été toutes les réponses de l’exécutif depuis la mi-novembre D’ailleurs, qui se souvient encore du tout nouveau «Haut conseil pour le climat», annoncé par le président après l’acte 1 des gilets jaunes?

A l’issue du débat, Emmanuel Macron devra mettre en œuvre des propositions substantielles, éloignées de son ADN politique, pour montrer que les débatteurs ne se sont pas déplacés pour rien. Mais il devra tout de même assurer la cohérence de l’ensemble. Cohérence budgétaire, juridique, politique.

Dans cette affaire, tout sera donc une question de mesure, de patience et de calme… Des qualités qu’on dit appréciables au rubik’s cube. (Billet politique de 8h15, France culture, le 14 janvier 2019)

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