France. Macron et le mépris de classe

Claude Mazauric

Par Claude Mazauric

Les commentateurs minimisent généralement (sans cependant l’ignorer) le mépris pour les couches populaires et les petits salariés que révèle l’interjection d’Emmanuel Macron désignant par le mot de «bordel» le mouvement de lutte des travailleurs victimes de licenciements à La Souterraine (département de la Creuse). Bavure verbale, formulation vulgaire ou excessive, coup de sang, etc. Deux mots d’excuse pour la forme, mais nul regret d’avoir ainsi caractérisé l’action des travailleurs concernés… Et passez muscade!

• On me permettra de juger autrement de l’affaire. Ce qui s’exprime à travers la formulation de Macron vient de bien plus loin que de lui: sa nature profonde, c’est tout simplement le mépris de classe qu’éprouvent les adorateurs du capital pour ceux qui n’ont qu’un bien à vendre: leur force de travail.

Ou, si l’on préfère recourir au champ de l’anthropologie et de la morale, la dernière formule de Macron, venant après tant d’autres, dit la morgue des dominants à l’égard des dominés, le mépris des «riches» à l’encontre des «pauvres». Macron ne parle pas (ou si peu…), mais «ça» parle à travers lui. C’est de cela qu’il est question ici et c’est de cela que procédera demain la mort politique de Macron comme elle a entraîné naguère la chute de ses prédécesseurs faillis: Sarkozy, Hollande, Fillon et Valls!

Je lis dans le Livre du ça de Georges Groddeck, recueil de lettres réunies en 1921 («Tel», Gallimard, 1972): «Le ça de l’être humain “pense” bien avant que le cerveau n’existe; il pense sans cerveau, construit d’abord le cerveau. C’est une notion fondamentale, que l’être humain devrait garder présente à sa mémoire et ne cesse d’oublier (…). En principe, tout ce qui se passe dans l’homme est l’œuvre du ça.»

• Quand le sieur Macron parle, ce que nous entendons, qu’on l’approuve ou qu’on le désapprouve selon sa position dans l’ordre social, c’est d’abord l’ancrage antérieur dans le cerveau du locuteur qu’il révèle. Quoi qu’il dise d’explicite, Macron parle toujours implicitement la langue du capital et de son appareil existentiel: patronat, profit, accumulation… Lors même qu’il s’essaie à traiter de liberté, de progrès, de justice, c’est ce ça qui parle à travers lui: nous le supposions, mais sa dernière sortie confirme l’hypothèse.

C’est pourquoi nombreux sont ceux qui ont fort bien entendu le message subliminal inclus dans la désignation du prétendu «bordel»: intenter un procès en illégitimité de la lutte conduite par les travailleurs de GM&S pour dissuader tous les autres d’emprunter cette voie de résistance collective. Qui disait qu’il ne «croyait pas à la lutte des classes»?, Cahuzac… Macron et Cahuzac, même combat? (11 octobre 2017)

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Claude Mazauric a préfacé, en 2016, une réédition de l’ouvrage de Thomas More, L’Utopie. Il est surtout connu comme historien de la Révolution française. Il a publié en 2009 une sorte de bilan – lui qui a été longtemps membre du PCF – intitulé L’histoire de la Révolution française et la pensée marxiste, PUF, Collection Actuel Marx Confrontation. Un livre qui mérite le détour pour ceux et celles qui ont un intérêt pour un thème qui, en dernière instance, est au centre de nombreux de débats politiques présents. (Réd. A l’Encontre)

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