Le président français recevra son homologue américain le 14 juillet. Sous le contraste on ne peut plus spectaculaire entre les deux hommes, il ne faut pas manquer de constater une convergence sur certains dossiers.
Après Vladimir Poutine on verra donc Donald Trump sur les Champs-Elysées le 14 juillet. Nouvelle manifestation d’une diplomatie de l’apparat d’un président «jupitérien», qui a tenu dès les premiers instants à habiter sa fonction et à en utiliser tout le potentiel démonstratif.
L’idée d’inviter le président américain aux cérémonies du 14 juillet l’année du centenaire de l’entrée des Etats-Unis dans la Première Guerre mondiale était née avant même les élections américaines. Mais inviter Donald Trump, ce président si atypique pour ne pas dire anormal, n’est évidemment ni anodin, ni innocent.
Signal paradoxal
C’est un signal paradoxal qu’Emmanuel Macron envoie là. D’une part, le nouveau président français montre qu’il a décidé d’investir dans le maintien de la relation transatlantique, dont tout le monde en Occident pense qu’elle est trop importante pour être jetée avec l’eau du bain boueux du populisme trumpien. Mais recevoir ce personnage pour le moins contestable sur ce lieu et en ce jour si emblématiques revient tout de même à lui accorder, à lui personnellement au moins autant qu’à son pays, un honneur insigne qu’il ne mérite évidemment pas. Dans son entretien récent au Soir et à sept autres grands journaux européens, c’est d’ailleurs Emmanuel Macron lui-même qui confiait dans un délicieux «understatement» que «Donald Trump n’a pas encore élaboré le cadre conceptuel de sa politique internationale» [1].
C’est peut-être là qu’il faut aller chercher une explication à cette invitation déconcertante. Tant qu’à faire, sans doute Emmanuel Macron veut-il tenter d’influencer cette politique internationale en pénible gestation chez Donald Trump, en le plaçant, sous les traînées tricolores des Rafale, au centre d’un apparat qui séduira cet esprit infantile et imbu de lui-même.
Convergence entre les deux présidents
Mais sous le contraste on ne peut plus spectaculaire entre Macron et Trump, il ne faut pas manquer de constater une convergence tout sauf drolatique. Sur le dossier syrien, comme Trump qui depuis le début a affirmé son option de travailler avec Bachar el-Assad (et pour le coup avec Vladimir Poutine), Macron vient d’assumer un choix identique. Dans le même entretien au Soir, le président français déclarait que «Bachar n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien»: contrairement à François Hollande, la France ne fait plus du départ d’Assad le préalable à une solution, mais a recentré sa priorité sur la lutte contre Daesh.
On ne fera pas à Emmanuel Macron l’insulte de l’accuser de ne pas contredire ou s’opposer aux dirigeants des grandes puissances: il a déjà démontré le contraire, face à Trump sur la lutte contre le réchauffement climatique, et face à Poutine sur l’Ukraine ou l’activisme cybernétique russe. Mais il faut faire attention à l’usage de la diplomatie d’apparat. Sarkozy avait reçu Bachar el-Assad sur les Champs-Elysées le 14 juillet 2008. Cela n’a apparemment porté chance ni à l’un, ni à l’autre. (Article publié dans le quotidien belge Le Soir en date du 29 juin 2017)
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[1] A la question «Comment gérer le risque que représente Donald Trump?», Emmanuel Macron répondait, sans prétention: «Donald Trump est d’abord celui qui a été élu par le peuple américain. La difficulté est qu’aujourd’hui, il n’a pas encore élaboré le cadre conceptuel de sa politique internationale. Sa politique peut donc être imprévisible et c’est pour le monde une source d’inconfort. Concernant la lutte contre le terrorisme, il porte la même volonté d’efficacité que la mienne. Je ne partage pas certains de ses choix, avant tout sur le climat. Mais j’espère qu’on pourra faire en sorte que les Etats-Unis réintègrent l’Accord de Paris. C’est la main que je tends à Donald Trump. Je souhaite qu’il change d’avis. Car tout est lié. On ne peut pas vouloir lutter efficacement contre le terrorisme et ne pas s’engager pour le climat.» Il est vrai que l’accord ne se fait pas sur le «réchauffement climatique» mais sur le «choix»: pas de «transition» en Syrie sans le maintien de Bachar el-Assad au pouvoir. (Extrait d’un entretien accordé par E. Macron à Joëlle Meskens, correspondante du Soir à Paris, paru le 22 juin 2017; Réd. A l’Encontre)
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