Mardi 14 novembre 2023, une personne protégée par la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) a été expulsée vers son pays de nationalité. Sept associations de défense de droits humains dénoncent cette expulsion illégale et la violation manifeste de la Convention européenne des droits de l’homme (ConvEDH).
Le ministre de l’Intérieur [Gérald Darmanin] l’avait annoncé: la Cour européenne des droits de l’homme ne sera pas un obstacle à sa politique migratoire, fondée notamment sur l’amalgame entre étrangers et délinquance. Le mardi 14 novembre 2023, il a mis à exécution ses paroles en expulsant, en parfaite connaissance de cause, une personne dont la Cour européenne des droits de l’homme avait interdit l’éloignement.
En mars, la Cour de Strasbourg prononçait en urgence une mesure provisoire pour empêcher l’expulsion de M.X, sa vie étant en danger dans son pays de nationalité. Malgré le renouvellement de cette protection suite à une décision de la Cour nationale du droit d’asile, qui reconnaissait également un risque de torture, la préfecture le plaçait quelques mois plus tard délibérément en centre de rétention administrative, avec l’objectif assumé de procéder à son expulsion. Alors qu’une audience se tenait le lendemain, cette personne a été emmenée à l’aéroport et expulsée en toute illégalité, malgré les nombreuses alertes et saisines de son avocate.
Cette expulsion est dramatique puisqu’elle vient, frontalement, violer la Convention européenne des droits de l’homme. Rappelons que cette Convention, signée par 46 Etats au lendemain de la Seconde guerre mondiale [entrée en vigueur en 1953 et ratifiée par la Suisse en 1974!], vise à protéger les droits humains les plus fondamentaux dont le droit à la vie et l’interdiction de la torture.
Cette situation vient donc confirmer que la politique d’expulsion prônée par le ministère de l’Intérieur se détache aujourd’hui du respect des droits humains. Cette option dangereuse, qui porte atteinte à l’Etat de droit, se nourrit d’arguments relayés ces temps-ci dans le débat politique et médiatique, prétextant que la Convention européenne des droits de l’homme et sa Cour seraient «arriérées» et inadaptées à notre temps. Une affirmation erronée, la Cour s’étant toujours adaptée à son époque et à ses enjeux faisant évoluer les principes fondamentaux de la Convention au regard des défis actuels. Mais elle n’est pas moins catégorique quant au caractère absolu du respect de la Convention et notamment des articles 2 et 3 qui protègent le droit à la vie et prohibent la torture comme les traitements inhumains et dégradants.
Cette expulsion est un précédent dangereux car elle est une atteinte flagrante et frontale à l’Etat de droit. La France s’est engagée auprès du Conseil de l’Europe à un respect méticuleux des décisions de la Cour, force est de constater aujourd’hui que cet engagement s’efface devant la volonté de mener une politique migratoire axée sur la fermeté, aux dépens des droits humains. Les associations signataires appellent à un arrêt immédiat des procédures d’expulsion violant la Convention européenne des droits de l’homme et au respect strict du droit international.
Le 1er décembre 2023
Signataires :
- Avocats pour la Défense des Droits des Étrangers
- Amnesty International France
- Gisti
- La Cimade
- LDH (Ligue des droits de l’Homme)
- Syndicat des Avocats de France
- Syndicat de la Magistrature
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