Par Paca Blanco, Jésús Rodríguez, María Lobo et Azis Matrouch
L’avancée du néofascisme et des formations politiques autoritaires, le succès de Donald Trump, Jair Bolsonaro ou Matteo Salvini sont une conséquence de l’insécurité et de la frustration provoquées par des partis de l’extrême-centre néolibéral qui ont imposé une longue période de politiques d’austérité à la majorité sociale dans le domaine des politiques publiques suite aux diktats du FMI, de la mondialisation économique qui a violé les droits et intérêts des populations. L’Union européenne (UE) et l’Etat espagnol n’ont pas fait exception. Au contraire, ils sont emblématiques pour ce qui est de la réduction des dépenses sociale et du secteur public de l’économie ainsi que de la mise en cause des droits des citoyens. Après la crise de 2007-2008, les gagnants dans le monde sont les mêmes qui ont été un facteur provoquant cette «crise du XXIe siècle»: l’oligarchie financière et les transnationales.
Paradoxalement, un représentant du capital le plus parasitaire, Donald Trump, parvient à s’opposer à l’establishment avec un discours xénophobe et suprémaciste blanc. Les nouveaux tsars d’extrême droite en France (Rassemblement national de Marine Le Pen), en Italie (Lega de Matteo Salvini), en Pologne (Jaros?aw Kaczy?ski du Parti Loi et Justice), en Hongrie (Viktor Orbán du Fidesz) et dans notre pays ont détourné la colère d’une partie importante de la population contre les étrangers («immigrés») et les minorités ethniques, contre les émigrants et les femmes. Tant en Amérique du Nord et du Sud qu’en Europe, l’extrême droite sécurise ainsi les intérêts de l’oligarchie en imputant les malheurs à des secteurs sociaux très fragiles qui peuvent à peine se défendre. Et encore moins être la cause de la situation. Un coup de maître pour continuer à appliquer des politiques qui accroissent les inégalités sociales, la haine de la différence et la division des peuples. Les causes de la crise qui dure depuis une décennie et les gagnants de la mondialisation peuvent être assurés, avec les politiciens à leur service, tout comme le voleur de la fable populaire distrait les passants en criant «au voleur, au voleur» en montrant du doigt l’homme en haillons qui passe.
Depuis plusieurs années, nous vivons une situation que l’on appelle une «crise». Parfois, si nous entendons aussi souvent ce mot, nous finissons par le répéter et par supposer sans bien réfléchir ce qu’il signifie. «Crise» a une signification concrète. Cela signifie que des millions de personnes vivent condamnées au chômage. Des millions de personnes qui doivent travailler de plus en plus, plus pour moins d’argent. Les crises entraînent une hausse des loyers par rapport au revenu, l’effondrement des services publics avec moins de salles de cours et plus d’étudiants, des médecins avec des consultations de plus en plus surchargées, des transports publics de plus en plus chers et moins efficaces. Les crises ce sont: des retraites de misère pour ceux et celles qui ont eu une vie de travail difficile; des femmes qui souffrent de plus en plus pour assurer la survie économique des personnes dont elles «s’occupent» ; des migrants persécutés simplement pour être pauvres. C’est cela, précisément, la crise pour 80% de la population. Ce sont les masses laborieuses qui souffrent de la crise.
Cependant, il y a une minorité privilégiée qui ne s’en est pas mal tirée. Une minorité parasitaire qui – protégée par des règles du jeu qui lui sont toujours favorables – a continué à faire des affaires et à faire de l’argent sur la base du travail des autres. Une minorité de thésauriseurs qui épuise les ressources de chacun pour faire des profits et vivre dans l’opulence la plus scandaleuse. Certes, les banquiers, les hauts cadres et les membres de conseil d’administration, les grandes entreprises ont très bien réussi. Ils ont profité de la situation pour piller les services publics, baisser les salaires, spéculer sur le logement. Ils imposent un régime de terreur sur les lieux de travail: quiconque proteste et s’organise est jeté à la rue. Et ils ont de leur côté l’ensemble des pouvoirs de l’Etat qui, loin d’exercer un rôle de redistribution, se consacre à légiférer pour protéger les intérêts de la banque, de la finance. La puissance du pouvoir judiciaire, avec la Cour suprême à sa tête [soit sa captation par le pouvoir exécutif], n’est qu’un signe de plus que l’Etat reste le conseil d’administration des riches. En plus de cela, maintenant ils veulent nous pousser les uns contre les autres, dans nos quartiers et nos villes, dans les endroits que nous aimons tant. Ils veulent nous diviser alors qu’ils sont ceux qui nous rendent la vie difficile à tous. Nous ne pouvons pas laisser cette situation se normaliser. La société crée de la richesse; ce sont les travailleurs qui génèrent de la richesse. Souvent, nous ne recevons même pas de salaire, comme dans le cas des femmes [pour le travail de reproduction sociale, sans parler des stages non payés]. Mais sans tous ces efforts de la part de ceux d’en bas, la société s’effondrerait.
Nous poser ces questions nous oblige à changer les «choses». Est-il juste que les grandes entreprises et leurs dirigeants empochent des millions alors que plus de 50% des gens ont des revenus allant de 0 à 1200 euros? Est-il correct qu’il y a encore des millions d’appartements vides et qu’ils continuent à augmenter les loyers et à chasser les familles? Il est évident que ce n’est pas juste. Il ne suffit donc pas de se lamenter. Nous devons agir. Nous vivons une époque faite de turbulences. Le capitalisme en crise a déclenché l’apparition de forces réactionnaires qui tentent de rétablir l’ordre. «Un ordre» qui offre deux options aux gens d’en bas: soit rester tranquilles, à notre place, pendant que nous sommes appauvris; soit nous affronter, nous battre entre nous pour l’obtention des miettes de la misère. Le discours xénophobe et raciste [en plus du discours étatique| est celui de ceux qui ont capitulé et ne veulent pas affronter les puissants et préfèrent affronter leur prochain, qui est peut-être plus vulnérable. Les mouvements sociaux et leurs revendications nécessaires pour imposer ceux qui ont plus, pour empêcher la spéculation sur les loyers, pour donner des droits aux travailleurs et travailleuses et aux indépendants sont des revendications courageuses, car seul le courage peut changer les choses.
Mais ce n’est pas le moment d’être pris au piège du choc, de l’impuissance. Nous devons combattre et désigner les véritables responsables de cette situation de crise, de précarité et d’insécurité dans laquelle se trouve la classe travailleuse. Nous ne devons faire aucune concession aux discours contre les migrant·e·s, les femmes, les LGTBI ou ceux et celles qui sont persécutés pour leurs idées politiques. Ils nous visent, nous et nos voisins. Ils cherchent à contrôler nos collectivités appauvries et divisées.
Il est nécessaire de dénoncer cet état de fait, mais il ne suffit pas de dénoncer, il est urgent de construire des alternatives. Nous avons besoin de représentants politiques pour les défendre, mais il ne suffit pas de se présenter aux élections en confiant tout à la représentation, il faut que la société s’organise et prenne en main la solution des problèmes. Les classes subordonnées, les gens d’en bas, doivent se défendre et passer à l’offensive. De manière active. Heureusement, dans nos villes et nos quartiers, dans nos écoles et sur nos lieux de travail, il y a beaucoup de personnes qui luttent quotidiennement contre les diverses pressions imposées par ce système. Ce sont des personnes qui agissent dans le mouvement féministe, dans le mouvement contre les expulsions de logement et pour le droit au logement, dans les syndicats, dans les mouvements de quartier et les mouvements antiracistes. Ce sont les meilleurs anticorps contre la montée de la xénophobie et du fascisme. Construire des communautés, des collectifs organisés, de véritables contre-pouvoirs face à ceux qui ont encore du pouvoir (qu’ils se présentent ou non aux élections).
Il est temps de reconquérir la conviction que nous pouvons transformer les choses. Ce qui implique que les classes subordonnées s’auto-organisent, pour elles-mêmes. Ce qui signifie identifier les problèmes, les victimes et les coupables. Il est également nécessaire d’avoir un projet de société et de construire un programme qui offre de réelles alternatives de transformation. Des alternatives radicales (à la racine) et une rupture avec cet «état de fait», même si cela implique une collision frontale avec l’establishment: les pouvoirs économiques et les institutions de la gouvernance néolibérale.
C’est pourquoi Anticapitalistas a décidé de déposer ses «semences» sur le terrain de ceux qui veulent qu’une société juste et démocratique afin de désigner – depuis les quartiers, les salles de classe et les entreprises – la seule minorité dangereuse pour le bien-être social: les riches et le personnel politique à leur service. Présenter aussi des propositions concrètes face à l’inégalité scandaleuse de la société, c’est-à-dire aller à sa racine et placer à l’horizon politique l’expropriation du pouvoir économique pour le mettre au service de la vaste majorité sociale en distribuant la richesse accumulée.
Nous ne pouvons pas laisser de la place dans nos quartiers à l’extrême droite ou croire que les politiques «progressistes» superficielles et banales – qui sont incapables de tenir tête au pouvoir – vont résoudre nos problèmes. Il n’y a pas d’autre moyen de résoudre les problèmes qu’une minorité dangereuse et prédatrice a fabriqués que celui consistant à construire une force sociale capable d’exproprier les puissants. Il est temps de dire: assez de discours vides et de demi-mesures; assez de permettre le pillage sans riposte. Nous avons besoin d’idées et de propositions nouvelles capables d’éclairer les campagnes politiques et les actions dans le but d’affronter les privilégié·e·s et leur pouvoir économique, politique, judiciaire et médiatique. Le contraire implique de laisser le terrain libre pour que le malaise «naturel» suscité par l’inégalité extrême soit capté par le racisme, le machisme et la haine. (Article publié dans Público en date du 8 novembre 2018 traduction A l’Encontre)
Paca Blanco, Jésus Rodriguez, María Lobo et Azis Matrouch sont des membres du courant Atnicapitalistas de Podemos et qui traduisent leurs activités dans les divers domaines sociopolitiques liés à leurs activités.
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