Situation économique internationale et G8

Par Henri Wilno

Selon son ordre du jour officiel, la réunion du G8 à Deauville (France) ce 26 mai 2011 ne devrait pas vraiment traiter des questions économiques. En effet, le G8 ne comprend pas la Chine et, en septembre 2009, le sommet de Pittsburgh avait fait du G20 le «principal forum de coopération économique internationale» entérinant le déplacement des points forts de l’économie mondiale. Néanmoins, les membres du G8 continuent de jouer un rôle majeur.

Début avril, le FMI a publié une salve de prévisions «positives» pour ce qui est de la croissance. Après la récession majeure de 2009, celle-ci a repris à des rythmes très différenciés selon les zones géographiques: ce sont les pays émergents (Chine, Inde, Brésil…) qui tirent la croissance mondiale. Parmi les pays capitalistes avancés, la zone euro connaît la croissance la plus limitée. Néanmoins, y compris dans cette zone, l’hypothèse d’une rechute dans la récession est écartée dans ces prévisions malgré la simultanéité des plans d’austérité en Europe.

Des facteurs d’instabilité maintenus

Cela dit, si on compare la situation des différents pays capitalistes développés à ce qu’elle était en 2007, le niveau de production demeure fin 2010 en dessous de son niveau du début 2008. L’impact de la crise n’est pas effacé. Le FMI et les autres organisations économiques internationales reconnaissent elles-mêmes que des risques subsistent pour le futur: les cours du pétrole, un marché immobilier encore en crise dans plusieurs pays, le niveau élevé des dettes des Etats (non seulement en Europe mais aussi aux Etats-Unis).

Les incertitudes sont particulièrement fortes dans la zone euro:

• les financiers acheteurs de titres de la dette publique exigent des rémunérations très élevées au moindre soupçon de fragilité d’un pays;

• les marchés financiers doutent du mécanisme de soutien mis en place au niveau européen;

• les plans d’austérité exigés en contrepartie des prêts font plonger la croissance chez les «bénéficiaires».

Par ailleurs, de nombreuses incertitudes demeurent au sujet des bilans des banques, alors même que beaucoup de titres douteux ont déjà été rachetés par les Banques centrales ou garantis par le budget de l’Etat.

Les prévisions du FMI et des autres institutions officielles écartent donc une rechute immédiate dans la récession. C’est un scénario plausible même si ces prévisions ne tiennent pas compte de l’ensemble des risques, comme l’incapacité d’un pays important de la zone euro à faire face aux échéances de la dette, la faillite d’une banque importante, etc. Les mouvements désordonnés sur les marchés boursiers, les monnaies et les cours de l’or montrent à la fois une intense activité de spéculation (fort rentable pour certains) et les incertitudes de la situation.

Les dégâts sociaux

Même les chiffres officiels montrent un chômage très élevé par rapport à la situation de 2007 avant la crise financière. Au niveau mondial, il touche 203 millions de personnes soit 26 millions de plus qu’en 1977, selon les chiffres du Bureau international du travail (BIT). Dans les pays du G7 (le G8 sans la Russie), il y avait 29,8 millions de chômeurs fin 2010 contre 19,8 millions en 2007. Mais ces chômeurs ne sont que ceux qui apparaissent dans les statistiques. Celles-ci sont de qualité variable selon les pays et même là où existent des systèmes d’aide aux chômeurs, beaucoup peuvent ne pas être recensés. Ainsi le BIT remarque que la crise de l’emploi touche particulièrement les jeunes qui sont nombreux à être découragés de chercher un emploi et n’apparaissent donc pas dans les statistiques du chômage.

Le BIT souligne aussi que le nombre de travailleurs pauvres ne baisse pratiquement plus depuis 2007: en 2009, un travailleur sur cinq dans le monde vivait avec sa famille dans l’extrême pauvreté sous le seuil de 1,25 dollar par personne par jour; et près de 39% vivaient avec leur famille sous le seuil de pauvreté à 2 dollars par jour.

Rien appris, ni changé

Le G8 de Deauville s’insère dans un calendrier de multiples réunions internationales. A Bruxelles sont discutés les plans d’ajustement des pays endettés de la zone euro, les politiques d’austérité et le démantèlement des acquis sociaux dans l’ensemble de l’Union européenne. Parallèlement, les ministres des Finances du G20 s’inquiètent des déséquilibres économiques intérieurs (dettes et déficits publics) et extérieurs (balances commerciales), du prix des matières premières et de l’état du système bancaire. Face à ces problèmes, ils évoquent des mesures plus ou moins cosmétiques et se gardent bien d’aborder les questions sociales, comme en atteste le communiqué de leur dernière réunion (Washington, 15-16 avril). Quant à la prétendue priorité de la présidence française, une taxation (très limitée) des transactions financières, elle n’est pas même évoquée.

En fait, en Europe, les mesures d’austérité se multiplient. Aux Etats-Unis, Obama plie sans guère de résistance devant les républicains et l’aile droite des démocrates qui veulent réduire les déficits budgétaires sans toucher aux impôts des riches mis en place sous Bush. La dernière entourloupe de Nicolas Sarkozy sur l’ISF (Impôt sur la fortune) et le bouclier fiscal (on supprime ce dernier, mais on fait un cadeau supplémentaire, et plus coûteux, aux grandes fortunes) est représentative de cette logique. Le mot d’ordre des dirigeants du G8, c’est en fait : «pour l’essentiel, on continue comme avant». En faisant des concessions obligées à la Chine, devenue un acteur incontournable du capitalisme mondial en voie de recomposition.

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