Par Charles-André Udry
Les 20 octobre au soir et 21 octobre 2014, la presse de Hong Kong indique que la Cour suprême de la région administrative de Hong Kong a ordonné aux manifestant·e·s pro-démocratie de «libérer» les rues du quartier d’Admiralty – où se concentrent les bâtiments gouvernementaux et qui se trouve sur l’île de Hong Kong, de l’autre côté de Victoria Harbour – et celles du quartier de Mong Kok, quartier densément peuplé situé sur le continent, entre les Nouveaux Territoires et la péninsule de Kowloon.
La campagne de la police atteint des sommets de ridicule. Ainsi, elle accuse des protestataires pacifiques d’utiliser contre la police – qui fait usage de bâton à décharges électriques et de spray au poivre très fort – «des enfants comme boucliers humains»! Une formule déjà entendue lors de l’attaque des forces israéliennes contre des écoles de l’ONU à Gaza. Les systèmes répressifs puisent toujours aux mêmes sources viciées de l’apologie de l’ordre du pouvoir en place.
Des procédures juridiques sont engagées contre la décision de la Cour suprême, ce qui indique la place (relative) du droit à Hong Kong. Il est limité, mais sans rapport avec ce qui est «à l’honneur» en Chine. Ainsi, Ng Ting-pong – âgé de 38 ans et qui a quitté son emploi de sommeiller – a passé 20 jours à Mong Kok. Il va apprendre, le mercredi 22 octobre, si la procédure d’appel qu’il a engagée comme «partie intéressée» va aboutir. Il met en question la décision de la Cour suprême car elle s’oppose au droit de liberté d’expression. Il s’est fait aider par un juriste et député du «Pouvoir du peuple»: Albert Chan Wai-yip.
Dans la nuit du 20 au 21 octobre, la police a reconnu qu’il n’était pas réaliste de disperser une foule qui n’a cessé de grossir dès que les attaques se sont faites plus fortes. Dans un entretien avec le New York Times (20 octobre 2014), le Chef exécutif, Leung Chun-ying, a insisté sur la possibilité d’une intervention du pouvoir central – lisez des troupes de l’Armée populaire de libération stationnées à Hong Kong, avec des aides «continentales» – si la situation ne se normalisait pas. Il répéta qu’il n’était pas question de modifier le système d’élection du Chef exécutif, sur la base de deux ou trois candidats choisis par une Comité de 1200 «grands électeurs», dont la liste est établie en collaboration avec à Pékin. Cette procédure a été adoptée le 31 août par l’Assemblée nationale du peuple dans la capitale chinoise. La logique de son argumentation: «nous faisons tout pour régler nous-mêmes (sic) la situation; si nous n’y arrivons pas cela portera atteinte à l’autonomie de Hong Kong et nous y perdrons, tous».
A cela s’ajoutent les revendications provenant de compagnies de taxis qui se plaignent de ne pouvoir faire leurs affaires. Les autorités affirment que le système de transports publics est utilisé à son maximum. Un système qui n’est pas utilisé de manière socialement mixte en période dite normale! Le pouvoir policier et exécutif stimule les réactions «d’acteurs économiques». Ainsi une clinique privée haut de gamme exige que l’accès à ses services soit libéré.
Il y a donc une conjonction organisée entre la décision de la Cour suprême et l’essor appuyé des revendications des «acteurs économiques» qui disent souffrir en termes de business de la durée et de l’ampleur de la mobilisation démocratique.
Ce mardi 21 octobre, à 18 heures, est prévue une rencontre entre la secrétaire en chef du pouvoir exécutif, Madame Carrie Lam Chen Yuet-gnor, et des représentants de la Fédération des étudiants. La rencontre doit se faire à l’Académie de médecins à Aberdeen (région portuaire). Il est prévu que chacun disposera de 5 minutes pour exposer son point de vue. La rencontre sera télévisée. Les échanges dureront 90 minutes et, avant la fin, 10 minutes de conclusions. On va «voir».
Les dirigeants étudiants affirment qu’ils veulent centrer le débat sur les «réformes politiques». Néanmoins, ils reconnaissent, dans leurs déclarations, qu’ils ne pourront échapper à la question des brutalités policières et des provocations faites par les mafieux. La méthode «rencontre télévisée» ne doit pas être trop appréciée à Pékin. La transmission ne va pas atteindre le continent: «un pays, deux systèmes»!
En Chine dite continentale, Xi Jinping «lutte» contre la corruption en ciblant les membres du parti qui ne sont pas dans sa ligne. Il est toutefois vrai qu’il est difficile de trouver un responsable qui ait les mains propres. Donc la sélection doit être bien «réfléchie» par le cercle dirigeant en place.
Un élément attirait l’attention, hier, des observateurs les plus perspicaces à Hong Kong. Ye Haibo, un professeur de droit constitutionnel de l’Université de Shenzhen, insistait sur le fait que le Plénum du Parti communiste chinois, qui a commencé le dimanche 19 octobre, devrait discuter de la situation à Hong Kong. Il concluait: «la réforme politique à Hong Kong doit rester dans le cadre de la Loi fondamentale et correspondre à la décision du Comité exécutif de l’Assemblée nationale du peuple». Que la discussion ait lieu, cela ne fait pas de doute. Que cela soit reconnu est une autre chose. Chen Xinxin, juriste auprès de l’Académie chinoise des Sciences sociales, a affirmé qu’il était improbable que ce thème soit abordé, pour la simple raison «qu’il n’y avait pas de raison d’établir de nouvelles règle pour résoudre les problèmes auxquels faisait face Hong Kong». Cette attitude est cohérente avec le thème repris à toutes les occasions par le pouvoir de Pékin et les lobotomisés anti-impérialistes occidentaux. Il se résume ainsi: «Tout cela est orchestré par les Etats-Unis». Une puissance démoniaque dont la capacité d’hégémonie et de contrôle politique sur diverses régions du monde est aujourd’hui, dans les faits, un peu plus proche du «Tigre de papier» que de son statut effectif en 1956, quand Mao les qualifiait de la sorte. Mao visait aussi, avec cette seule pierre, le dirigeant du Kuomintang, résidant à Taïwan: Tchang Kaï-chek.
La campagne de propagande en direction des étudiant·e·s a été orchestrée depuis le début par Pékin qui ne se préoccupe pas de la situation à Hong Kong! Mais les sommets du PCC se chargeront, si nécessaire, d’y mettre de l’ordre, après avoir utilisé un éventail de tactiques dont ils sont experts.
Dans cette propagande nous avons relevé une lettre, prétendue sincère, d’un lycéen de Shenzhen adressée à ses pairs de Hong Kong. La voici telle que la commentait un journaliste qui l’a postée sur un site en anglais. (cau)
«Je suis malheureux de voir Hong Kong que j’aime,
transformée en une ville de chaos»
«Le 22 septembre 2014 les étudiants de Hong Kong ont entamé un boycott d’une semaine pour protester contre la décision de Pékin de fixer des sévères restrictions à l’élection en 2017 du gouverneur de la ville.
Les réseaux sociaux de la Chine continentale ont mis en question une lettre ouverte, prétendument écrite par un de Shenzhen à ses homologues de Hong Kong les appelant à «retourner en classe».
Ils ont posé la question si cette lettre n’était pas qu’un exercice de propagande orchestré par les autorités continentales après que la lettre eut été reprise par le compte officiel Weibo du journal en ligne Global Times publié par l’organe du Parti communiste chinois Le Quotidien du Peuple.
La lettre intitulée «Nous partageons le même foyer: la Chine» avait été publiée par le site d’informations basé à Shenzhen (sznews.com) le mercredi avec la mention «Si Yu, étudiant de dernière année du lycée no.2 de Shenzhen».
Ce signataire (est-ce un lycéen ou une lycéenne ? Il n’y a pas moyen de le savoir!) écrivait: «Je suis tellement troublé quand j’apprends que certains étudiants de Hong Kong de mon âge ont boycotté la classe et sont allés manifester en ville que je ne peux que parler de tout mon cœur comme votre voisin et votre pair.»
Et Si Yu de continuer: «Quel que soit le système politique sous lequel nous vivons, la politique la plus importante pour nous étudiants, c’est d’étudier dur.»
Le 22 septembre, les étudiants de Hong Kong ont entamé un boycott d’une semaine pour protester contre la décision de Pékin de fixer des sévères restrictions à l’élection en 2017 du gouverneur de la ville. Le boycott s’est amplifié en manifestations pour la démocratie dans plusieurs des principaux quartiers commerciaux de la ville après que la police eut employé des sprays de poivre pour évacuer les étudiants qui avaient assiégé le siège du gouvernement local vendredi soir en revendiquant une réforme politique.
«En tant qu’étudiants nous n’avons qu’une compréhension très limitée de la politique… C’est facile de nous inciter au moyen de slogans quand nous sommes jeunes», poursuit la lettre. «Même si nous avions déjà 18 ans, quand nous sommes incités à manifester dans la rue cela laisserait une marque qui nous affecterait pour toute la vie.
J’étais jeune quand Hong Kong a été rendue à la Chine. Mais je me souviens encore de l’atmosphère de fête à cette occasion.
[…] J’aime tellement Hong Kong que je me sens malheureux de la voir transformée en une ville chaotique.»
La lettre, mise en ligne par le Global Times le mercredi, a été reprise plus de 3200 fois avec la plupart des micro-blogueurs se demandant si la lettre n’était pas de la propagande des autorités continentales.
«Je me demande quel âge a ce lycéen et quelles mauvaises notes il doit avoir pour être encore au lycée dix-sept ans après le retour de Hong Kong à la Chine», a écrit un micro-blogueur de Guangzhou, tandis qu’un enseignant de Tchongqing écrit «Le style est si mauvais, même pour un faux.»
Un autre micro-blogueur de Singapour écrit quant à lui: «A part l’âge du “lycéen” je n’ai pas compris la logique de son argument. Il se rappelle que Hong Kong était une très belle ville en 1997 et n’aime pas la voir chaotique aujourd’hui. Mais n’est-ce pas là pourquoi les gens ont protesté après le retour de Hong Kong contre le gouvernement de cette région par Pékin qui en a fait une ville chaotique?»
Au deuxième jour des vacances d’une semaine à l’occasion de la Fête nationale [1er et 2 octobre], les appels du lycée no.2 de Shenzhen n’avaient toujours pas reçu de réponse.»
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