«La vie de rebelle de Madame Rosa Parks»

Rosa Parks
Rosa Parks

Par Victoria Brittain

La Rosa Parks dont la mort, en 2005, a été honorée par une chapelle ardente sous la Rotonde du Capitole à Washington [puis par une statue], où le président et Madame Bush déposèrent une couronne et par le discours de la Secrétaire d’Etat Condoleeza Rice lors d’un office religieux à Montgomery [capitale de l’Etat d’Alabama, où s’est déroulé le boycott des bus en 1955-6], où son corps reposait à la vue du public, n’est pas la Rosa Parks révélée par l’ouvrage, fruit d’une recherche historique méticuleuse, The Rebellious Life of Mrs Rosa Parks.

La Madame Parks officielle a été appropriée dans la mort par les puissants afin d’endosser l’Amérique qu’ils ont fabriquée. Pour le président Clinton, elle se dresse pour «le triomphe de la liberté; de la démocratie sur la dictature, de la libre entreprise sur le socialisme d’Etat, de la tolérance sur l’obscurantisme.» Et le président Obama la voyait pour le progrès «de notre voyage vers la justice et l’égalité pour tous.» Le mythe de la respectable couturière exténuée qui s’est assise un soir d’hiver dans le bus qui la ramenait chez elle et qui a lancé un boycott spontané des bus de Montgomery, Alabama, lequel déclencha le mouvement pour les droits civiques, est un scénario commode pour l’histoire que l’Amérique aime entendre.

La narration que fait Jeanne Theoharis de l’histoire réelle est complexe. Il y a une dimension de classe autant que de race, meurtrissant les relations de genre, et un voyage courageux de six décennies. Il comprend des cadres communistes chevronnés, des syndicalistes Noirs, de jeunes révolutionnaires Noirs, ainsi que des groupes de base fervents de femmes. Les bases furent jetées bien avant le courant principal du mouvement pour les droits civiques qui crût derrière un jeune homme d’église arrivé peu avant le boycott. Des dizaines d’entretiens avec des participants de première ligne dans la vie de Rosa Parks, un ensemble d’histoires orales, des milliers de documents d’archives constituent le fondement de ce travail historique, qui est aussi écrit d’une belle manière.

Rosa était déjà une activiste respectée aussi tôt qu’en 1947 [RP est née en 1919] lorsqu’elle délivra un discours puissant à la conférence d’Etat du NAACP [National Association for the Advancement of Colored People] au sujet de la maltraitance des femmes Afro-américaines dans le Sud et qu’elle fut promptement élue secrétaire de la conférence d’Etat. A ce moment-là, elle connaissait Edgar Daniel Nixon du Brotherood of Sleeping Car Porters [syndicat des employés des wagons couchettes fondé en 1925, premier syndicat composé de Noirs à être reconnu par l’AFL; son dirigeant historique, ancien communiste puis membre du parti socialiste, était Asa Philip Randolph] depuis cinq ans et découvert sa voie dans le petit monde dangereux de l’organisation de groupes de base.

En compagnie de Nixon, à partir du milieu des années 1940, elle était devenue un pivot de l’équipe de la NAACP documentant la brutalité des blancs contre les Noirs, œuvrant en faveur d’une loi contre le lynchage ainsi qu’à une campagne d’enregistrement sur les listes de vote [rappelons que dans de nombreux Etats du Sud, afin de priver les Afro-américains du droit de vote, entre autres mesures, il était nécessaire de passer un examen pour bénéficier du droit de vote] et sur la désagrégation des écoles. C’était au cours d’années durant lesquelles le nombre de membres du NAACP chutait devant la croissance de la résistance des blancs contre l’enregistrement de Noirs sur les listes électorales et que le Ku Klux Klan harcelait ceux qui agissaient comme elle le faisait. Même le bureau national de la NAACP prit une certaine distance vis-à-vis de nombreux cas qu’elle et Nixon soutenaient, en particulier ceux à teneur sexuelle: viols de femmes Noires ou la persécution d’hommes Noirs accusés d’avoir des relations sexuelles avec des femmes blanches [voir à ce sujet l’ouvrage de Danielle McGuire At the Dark End of the Street, qui développe sur cet aspect et rend son importance aux groupes de femmes qui furent à l’origine du boycott de 1955-6].

Theoharis raconte ces années de solitude où la persévérance de Rosa était soutenue par sa croyance religieuse en une vision de la justice de Dieu sur Terre, ainsi que par sa famille très unie, en particulier sa mère et son mari Raymond, très politisé. Une influence extérieure surprenante est apparue lorsqu’on lui offrit la possibilité de participer à un atelier sur la déségrégation de deux semaines à la Highlander Folk School à Monteagle dans le Tennessee, une école interraciale de formation à l’organisation pour adultes [1].

C’était l’année, 1954, où la Cour suprême appela les Etats à mettre en œuvre «avec diligence» l’arrêt historique Brown versus Board of Education en faveur de la déségrégation des écoles [arrêt pris à l’unanimité des 9 juges de la Cour suprême des Etats-Unis, intitulé Brown et autres contre le bureau de l’éducation ; le bureau de l’éducation est un organisme local ou d’un comté qui organise l’éducation scolaire]. Sans qu’un délai n’ait été fixé par la Cour, les activistes comprirent qu’il n’y aurait pas de déségrégation s’ils ne poussaient pas en ce sens. Même se rendre à l’atelier d’Highlander demanda du courage, car cela signifiait également de consentir au sacrifice économique de deux semaines de salaire [la décision de la Cour enclencha une vague de répression, en particulier contre le NAACP qui fut interdit dans plusieurs Etats, ou encore dont l’activité fut rendue impossible, en particulier par l’exigence de donner aux autorités la liste de ses membres].

Au cours de ces deux semaines Rosa se vit traitée comme une égale par des blancs et, pour la première fois, elle fit l’expérience de vivre, manger et discuter avec eux. Elle fut tout d’abord tellement bouleversée qu’elle parla à peine les premiers jours mais découvrit bientôt une expérience différente de la poignée de rencontres intégrées [interraciales] auxquelles elle avait participé à Montgomery et qui avait été assez inconfortable pour elle. Son énergie et son moral revinrent dans une atmosphère où elle se rendit compte qu’une transformation était réellement possible. Montgomery, cependant, avait été identifié par les participants à l’atelier – et par Rosa Parks elle-même – comme un endroit très improbable où les Noirs résisteraient de manière unifiée.

Emmet Till... lynché
Emmet Till… lynché

Mais au cours de l’atelier Rosa trouva des modèles en Septima Clark et Ella Baker, dirigeantes emblématiques du mouvement pour les droits civiques dans le Sud et âgé d’environ une dizaine d’années de plus qu’elle. Malgré son comportement calme (remarqué à Highlander), elle se préparait. Dans l’Etat du Mississippi, quelques semaines plus tard, Emmett Till, âgé de 14 ans, faisant une visite depuis le Nord fut enlevé et lynché pour avoir parlé avec une femme blanche. Puis, au cours de l’automne, ses meurtriers furent acquittés. Rosa pleura lorsqu’elle vit une photo du garçon mort dans son cercueil ouvert. Cela fut le dernier catalyseur.

Au cours de ces années dangereuses, elle affûta la personnalité privée derrière laquelle ses actions politiques et sa contribution à la construction d’alliances, en particulier avec des femmes, devint encore plus adroite et prête à un défi majeur du statu quo: par l’action.

A Montgomery, le Women’s Political Council (WPC) était devenu «la voie la plus militante et intransigeante» des Noirs de Montgomery et, bien que Rosa n’était pas membre de ce groupe très «classe moyenne», elles devinrent des alliés clés. C’est, en réalité, le WPC qui appela à un boycott des bus d’une journée lorsqu’elle fut arrêtée pour avoir refusé de quitter son siège dans le bus le 1er décembre 1955. Les femmes du WPC ne consultèrent pas Rosa ou quiconque pour cette décision capitale; une poignée d’entre elles resta debout toute la nuit à miméographer des tracts à distribuer.

Le cas Rosa Parks fut choisi comme l’affaire juridique test idéale pour le boycott des bus que le NAACP attendait. Elle n’était pas la première femme à avoir pris cette décision courageuse et avoir été humiliée publiquement pour cela, mais le NAACP jugeait que son passé bien connu en tant qu’organisatrice en faveur des droits civiques, une diacre de l’Eglise et une enseignante de l’école du dimanche ainsi que son style personnel réservé faisait d’elle une personne qui résisterait à une période très dure sous les éclairages hostiles et dont les gens pourraient s’associer à l’image qu’elle dégagerait.

Mais l’histoire de l’organisation minutieuse et déterminée du boycott par le Montgomery Improvment Association (MIA), l’organisation coordonnée d’un réservoir de taxis et de véhicules pour assurer les déplacements, les longues marches qui firent les gens pour aller et venir de leur travail démontre à quel point bien plus que l’image d’une personne figure derrière son succès. Il s’agissait d’un mouvement de masse uni préparé aux sacrifices pour mettre un terme à une situation qui était devenue intolérable pour la plupart des Noirs. Le soutien d’hommes d’Eglise tels que Ralph Abernathy, Robert Graetz et le nouvellement arrivé Martin Luther King, avec ses discours envoûtants, fut crucial. Cependant, le succès n’était pas une conclusion évidente et il y avait certains au sein du NAACP qui initialement était opposé même à un boycott d’une journée, pensant, ainsi que le groupe d’Highlander l’avait fait, que les gens à Montgomery seraient trop effrayés à participer dans une action. Elle dura 382 jours.

Les conséquences de son action furent peut-être plus dévastatrices que ce que la famille Parks avait imaginé. Autant Rosa que Raymond perdirent leurs emplois. Les courriers haineux et les appels téléphoniques menaçants furent une expérience quotidienne. Des phrases telles que «Meure, nègre, meure» et «vous devriez être tué» expriment la violence des blancs qui était une crainte permanente. Des bombes détruisirent les maisons de certains activistes. La santé même de Rosa et de Raymond souffrit du stress et de la profonde pauvreté dans laquelle ils se trouvèrent et sa mère était également loin d’être bien. Rosa fut très demandée comme oratrice et pour contribuer à la récolte de fonds pour le MIA et le NAACP, mais elle ne garda jamais un centime pour ses propres besoins. Il fallut l’intervention de King à un certain moment pour que le MIA lui attribue une subvention de 300 dollars. Elle avait besoin d’un travail et le MIA ne lui en donna pas. Lors de meetings loin dans le Sud, à Boston, Philadelphia, New York, Pittsburgh elle parlait de sa vision au-delà du boycott des bus comme celle d’une citoyenneté entière. L’atmosphère politique fortement anticommuniste des années 1950, qui frappa Highlander avec un effet dévastateur, affecta également Rosa, rendit sa vie plus dangereuse dans le Sud blanc dangereux mais aussi plus difficile même au sein du mouvement pour les droits civiques où beaucoup consacraient beaucoup d’énergie à se distinguer autant de la gauche «blanche» que des radicaux Noirs.

Ainsi, en 1957, la famille Parks déménagea loin du Sud, vers Detroit, où Rosa avait de la famille. Il eut encore beaucoup de difficulté à trouver un emploi et le NAACP ne songea jamais à l’engager, mais on pensa qu’elle pourrait être aidée à trouver un emploi de couturière. Raymond trouva toutefois finalement du travail et les questions de sécurité cessèrent d’être une préoccupation quotidienne. Pendant une décennie, Rosa se trouva dans la curieuse position d’être à la fois célèbre (bien que fréquemment traitée avec dédain par les directions masculines), mais aussi dans une situation financière très précaire. Theoharis décrit bien ce phénomène, le replaçant dans les normes sociales de l’époque, aussi bien que dans les habitudes bien aiguisées de survie en tant que femme, de modestie et de réserve.

John Conyers et Rosa Parks
John Conyers et Rosa Parks

En juillet 1960, le magazine Jet, le plus lu parmi le lectorat afro-américain, publia un article accablant sur «la femme oubliée du boycott des bus». Il avait interrogé Rosa au cours du boycott puis à nouveau à Detroit. Le magazine la décrivait comme «un chiffon en lambeaux de ce qu’elle était auparavant: sans argent, couverte de dettes, souffrant d’ulcères à l’estomac et d’une tumeur à la gorge, coincée dans deux pièces avec son mari et sa mère.» Cette histoire fut reprise dans de nombreux journaux et de nombreuses personnes ainsi que des églises effectuèrent des dons. Cela ne plut toutefois pas à la direction du NAACP, qui le lui fit savoir. A la fin, c’est une petite section d’un syndicat militant qui poussa le NAACP à couvrir ses factures d’hôpital. Ce n’est qu’en 1965 que Rosa Parks accéda finalement à la dignité d’un emploi stable et payé, grâce au jeune, nouvellement membre élu du Congrès, John Conyers qui l’employa à son bureau comme son meilleur atout.

Rosa avait souffert d’une décennie exténuante de pauvreté et d’insécurité après ses journées héroïques durant lesquelles elle enclencha la lutte pour les droits civiques sur la scène intransigeante de Montgomery, dans l’Etat d’Alabama, mais elle allait contribuer à la cause pendant cinquante ans au Nord. Cela fut, une fois de plus, loin d’être simple alors que les lettres remplies de haine, les poupées vaudous et les appels téléphoniques menaçant submergèrent le bureau de Conyers.

L’aménité légendaire de Rosa lui permit de faire face à tout cela et elle donna au nouveau politicien du prestige et une stature au sein de la communauté noire. Elle travailla dans le bureau de Conyers pendant 23 ans; elle fut tout au long de cette période une organisatrice de base, parlant jour et nuit lors de réunions locales. L’une de ses grandes préoccupations fut d’enseignant l’histoire des noirs aux enfants Noirs et de travailler à des campagnes pour que certains d’entre eux un peu plus âgé puissent accéder à un post-politique. Parmi les succès, il y eut les victoires aux élections comme maire de Richard Hatcher à Gary, dans l’Indiana, et de Carl Stokes à Cleveland.

Il y eut aussi de terribles revers. La maison de la famille Parks fut proche de l’épicentre des émeutes de Detroit en 1967 au cours desquelles 43 personnes furent tuées, 30 d’entre elles par la police. Certains historiens ont affirmé que Rosa Parks, à l’instar de beaucoup au sein du mouvement pour les droits civiques, n’avait pas de sympathie pour les émeutiers. Mais, en réalité, elle exprima une analyse de classe sur ce qui reposait derrière leurs actions: «Cela pourrait être compréhensible comment ils sont arrivés à agir de cette manière parce qu’ils n’ont juste par reçu la préparation et la formation pour sentir qu’ils devraient avoir de la patience lorsqu’ils observent toute cette richesse autour d’eux alors qu’ils en sont eux-mêmes privés. Tout est aujourd’hui conçu vers l’abondance, l’aisance, la prospérité.» La philosophie de la non-violence de King, disait-elle, n’a pas été acceptée et rencontré une réponse de la part l’establishment blanc, et lorsque leurs espérances d’un changement moururent, les jeunes Noirs incendièrent avec amertume.

Avec son grand courage habituel, ainsi qu’à un moment de grande difficulté personnelle en raison de la maladie de son époux, Rosa Parks fut d’accord d’être juré au tribunal populaire de Detroit. Ce dernier fut appelé par H. Rap Brown pour juger les agents de police impliqués dans les meurtres notoires de trois jeunes Noirs dans l’année du Motel Algiers le 26 juillet, lors du quatrième jour du soulèvement. Les trois policiers et un agent de sécurité noir impliqués n’avaient pas été inculpés et la ville était enragée par l’injustice. Le tribunal se tint dans une église débordante sous l’image imposante d’une Vierge noire à l’enfant installée lors du dimanche de Pâques 1967. L’atmosphère était profondément menaçante et les dirigeants de l’église déclarèrent publiquement qu’ils craignaient des attaques contre l’église, faisant échos aux événements dans le Sud. L’intimidation de la police signifiait que les témoins étaient dissimulés jusqu’à ce qu’ils apparaissent pour témoigner, tout cela enregistré méticuleusement. Pour la nouvelle génération, Rosa Parks n’était pas un symbole du passé, mais une participante et une alliée au cours d’une époque politique dangereuse qui conduirait, dans moins de deux ans, à l’assassinat de Martin Luther King.

Sa propre orientation politique s’élargit beaucoup avec le temps. C’était une lectrice avide et elle conservait des piles de coupures de presse sur des questions internationales qui l’intéressait, y compris l’opposition à la guerre au Vietnam et l’assassinat de Patrice Lumumba au Congo. Elle écoutait des radicaux comme Malcom X et fit campagne avec Stokely Carmichael. Elle était aux côtés du Black Power movement dans l’enseignement de la fierté noirs et eut le courage de critiquer les inégalités structurelles ainsi que la répression policière qui marquèrent les Etats-Unis des années 1960. Elle était à la Convention de Gary de 1972, rassemblée par Amiri Baraka, Ron Karenga et Richard Hatcher. Elle participait aux réunions de retour à Detroit, sous l’autel de la Vierge noire.

Nelson Mandela rencontre Rosa Parks aux Etats-Unis
Nelson Mandela rencontre Rosa Parks aux Etats-Unis

Rosa Parks avait une vision d’ensemble de la dureté de l’injustice et elle resta une référence d’intégrité et de courage autant à domicile qu’à l’étranger au cours des décennies. Au milieu des années 1980, elle s’assit à un autre tribunal, soutenu cette fois-ci par des groupes de juristes aux côtés du révérend William Sloan Coffin, enquêtant et dénonçant les actions militaires des Etats-Unis ainsi que les opérations clandestines en Amérique centrale et dans la Caraïbe. Au cours de la même période, elle mena campagne en faveur de la tentative de Jesse Jackson d’être élu à la présidence des Etats-Unis. Elle était dans les rues manifestant contre l’apartheid en Afrique du Sud. Lorsque Nelson Mandela visita Detroit, quatre mois après sa sortie de prison, il la remarqua parmi la foule de personnes importantes lorsqu’il sortit de l’avion, marcha lentement vers elle, répétant encore et encore son nom et ils s’embrassèrent tous les deux.

Les deux étaient depuis trop longtemps dans des luttes qui réclamaient de la patience, de la persévérance et des sacrifices personnels pour avoir beaucoup d’illusions sur des transformations apportées par des moyens symboliques. Parce qu’un président, une secrétaire d’Etat ou un commandant d’armée ne sont que des symboles, tels ceux dont notre société digitale courtise pour vivre dans leur proximité. Les mots prononcés par les présidents Clinton et Obama, cités plus haut, au sujet de Rosa Parks étaient faux: ainsi qu’elle ne l’aurait que trop bien su.

Ferme jusqu’à la fin et consciente que les longues luttes étaient loin d’être achevées, Rosa Parks connaissait de près le thème central de l’ouvrage de Michelle Alexander The New Jim Crow:

«Sous de nombreux aspects les Afro-américains, comme groupe, plus aisés qu’ils l’étaient en 1968. En réalité, jusqu’à un certain point, ils sont en plus mauvaise posture. Lorsque la population carcérale est comptée dans les taux de chômage et de pauvreté, la meilleure des époques pour le reste de l’Amérique a été la plus mauvaise époque pour les Afro-américains.»

En 1968, Martin Luther King appela le Poor People’s Movement de déplacer les partisans de la justice raciale d’une perspective portant sur les droits civiques à une reposant sur les droits humains [et la classe sociale]. Il déclara que les réformes politiques n’étaient plus adéquates: «Nous devons réaliser la grande distinction entre un mouvement de réformes et un mouvement révolutionnaire. Nous avons été appelés pour soulever certaines questions fondamentales au sujet de l’ensemble de la société […] L’Amérique blanche doit reconnaître que la justice pour les Noirs ne peut être atteinte sans des changements radicaux dans la structure de notre société.»

Theoharis écrit, dans les remerciements de son ouvrage, au sujet de la lutte actuelle pour la justice dans laquelle elle est engagée depuis quelques années, qui débuta avec le cas de son ancien étudiant Fahad Hashmi, s’opposant à la violation des droits dans le système fédéral de justice établi après les attentats du 11 septembre [2]. «A l’instar de Madame Parks, mes amis et camarades dans cette lutte démontrent ce que signifie être ferme et nullement découragé lorsque l’on dit la vérité au pouvoir.» Cette brillante et très lisible histoire de Rosa Parks inspirera à une nouvelle génération de regarder au-delà du symbolique pour voir ce que signifie réellement le travail difficile en faveur de changements.  

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Compte rendu de l’ouvrage The Rebellious Life of Mrs Rosa Parks de Jeanne Theoharis (Boston, Beacon Press, 2013). Paru dans le numéro de janvier-mars 2014 de la revue Race&Class. Traduction A l’encontre.

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[1] Centre de formation de syndicalistes et d’activistes pour les droits de l’homme à l’existence précaire, fondé dans le sillage de l’activisme des années 1930 aux Etats-Unis par Myles Horton (1905-1990). C’est l’une des institutions qui assura une «permanence» militante capitale entre cette première période et le milieu des années 1950, soit à travers la nuit du maccarthysme.

Voir à ce sujet: Aldon Morris, The Origin of the Civil Rights Movement ainsi que le livre de discussion entre Myles Horton et Paulo Freire We Make the Road by Walking: Conversation on Education and Social Change. Cette école fut le creuset du programme de scolarisation des adultes Afro-américains, plusieurs dizaines de milliers y passèrent, en particulier en vue des campagnes d’enregistrement sur des listes de vote. (Réd. A l’Encontre).

[2] www.democracynow.org/2010/4/28/after_3_years_in_pretrial_solitary

 

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